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16/06/2022 | FRANCE | N°19BX04981

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 16 juin 2022, 19BX04981


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat mixte départemental de transport et de traitement des ordures ménagères de la Corrèze (SYTTOM 19) a demandé au tribunal administratif de Limoges de condamner solidairement la société Inova, venant aux droits de la société Inova France SAS, et la société Inova opérations, venant aux droits de la société Inova France opérations, à lui verser la somme de 2 644 053,57 euros hors taxe en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison de l'inexécution par ces sociétés de leu

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat mixte départemental de transport et de traitement des ordures ménagères de la Corrèze (SYTTOM 19) a demandé au tribunal administratif de Limoges de condamner solidairement la société Inova, venant aux droits de la société Inova France SAS, et la société Inova opérations, venant aux droits de la société Inova France opérations, à lui verser la somme de 2 644 053,57 euros hors taxe en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison de l'inexécution par ces sociétés de leurs obligations résultant du marché d'exploitation de l'usine d'incinération d'ordures ménagères du 26 août 2002.

Par un jugement n° 1600824 du 31 octobre 2019, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés le 20 décembre 2019, le 23 juillet 2020 et le 25 mai 2021, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, le SYTTOM 19, représenté par Me Soltner, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 31 octobre 2019 ;

2°) de condamner solidairement la société Inova, venant aux droits de la société Inova France SAS, et la société Inova opérations, venant aux droits de la société Inova France opérations, à lui verser la somme de 2 644 053,57 euros hors taxe en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison de l'inexécution par ces sociétés de leurs obligations résultant du marché d'exploitation de l'usine d'incinération d'ordures ménagères du 26 août 2002 ;

3°) de mettre à la charge des sociétés Inova et Inova opérations la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'usine d'incinération concernée subit des désordres qui sont imputables aux conditions d'exploitation par la société Inova, ainsi que l'expert et le maître d'œuvre l'ont relevé ; ainsi, cette société lui a dissimulé les dysfonctionnements de l'installation ; en outre, elle a méconnu ses obligations contractuelles, des carences d'entretien et des désordres affectant plusieurs éléments de l'installation ayant été relevés ; sa responsabilité doit être engagée à hauteur de 90 % du fait des préjudices consécutifs aux désordres constatés sur le traitement des fumées, estimés à 2 466 955,51 euros par l'expert désigné par le tribunal, désordres résultant de manquements de la société Inova dans la maintenance et le suivi de l'échangeur et d'aléas dans la conception de la filière de traitement des fumées ; la responsabilité de la société Inova doit également être engagée du fait des préjudices relatifs à l'état général de l'usine résultant à hauteur d'un tiers des conditions d'exploitation par la société Inova ;

- par ailleurs, ni la société Inova opérations ni la société Inova elle-même ne peuvent, contrairement à ce qu'elles prétendent, être regardées comme tierces au contrat d'exploitation mais ont été au contraire exploitantes successives de l'usine d'incinération ;

- son préjudice est établi, en ce qu'il a dû supporter le coût et les conséquences des désordres objets du litige ; de plus, il est nécessaire de remplacer le filtre à manche, ainsi que préconisé par l'expert, cet équipement étant irréparable en raison de sa corrosion.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 avril 2020, la société par actions simplifiée Avime, représentée par Me Vacheron conclut au rejet de la requête et à ce que la partie perdante lui verse la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que, contrairement à ce que la société Inova a soutenu durant les opérations d'expertise, le défaut d'isolation en atelier du passage de l'arbre du ventilateur de tirage ne lui est pas imputable ; en tout état de cause, elle est liée à la société Inova par un contrat de droit privé, de sorte que le juge administratif n'est pas compétent pour connaître d'un appel en garantie dirigé à son encontre par la société Inova.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 mai 2020, la société par actions simplifiée SETEC Énergie environnement, représentée par Me Renaudie, conclut au rejet de la requête et à ce que le SYTTOM 19, à titre principal, et la société Inova, à titre subsidiaire, lui versent la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- seul le débat sur le désordre relatif au traitement des fumées est susceptible de la concerner ;

- par ailleurs et comme l'a estimé le tribunal administratif, seul le juge judiciaire est compétent pour connaître d'un litige opposant une entreprise à ses sous-traitants ;

- en outre, la demande du SYTTOM 19 est irrecevable en ce qu'elle tend à l'indemnisation du coût du remplacement du système de traitement des fumées, remplacement qui a été confié à la société CNIM ;

- en tout état de cause, il ne ressort pas de l'expertise que sa responsabilité puisse être engagée ;

- enfin, les sommes demandées par l'appelant excèdent largement les montants auxquels l'expert est parvenu.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 avril 2021, la société par actions simplifiée Inova et la société par actions simplifiée Inova opérations, représentées par Me Juffroy, concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge du SYTTOM 19 au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- elles n'ont commis aucune faute contractuelle dans le cadre de l'exécution du contrat d'exploitation conclu le 30 décembre 2002, ainsi que l'a jugé le tribunal, les désordres constatés étant la résultante des prestations effectuées dans le cadre du marché de travaux de mise en conformité avec la règlementation applicable, passé en 2006 ;

- par ailleurs, aucune faute ne peut davantage leur être reprochée s'agissant du mauvais état général de l'usine, ce dernier trouvant son origine dans l'ancienneté des équipements concernés ;

- en outre, aucune condamnation solidaire ne peut être prononcée à leur encontre, eu égard à l'absence de lien contractuel les unissant et compte tenu de ce que la société Inova est tierce par rapport au contrat d'exploitation de l'usine ; en tout état de cause, il n'est nullement établi qu'elles aient, en qualité d'exploitant successif de l'usine d'incinération indissociablement concouru à la totalité du préjudice dont le SYTTOM 19 réclame l'indemnisation.

- à titre subsidiaire, et en ce qui concerne le montant du préjudice, elles ne peuvent être regardées comme responsables de plus de 10 % du préjudice indemnisable éventuellement retenu ; de plus, les différents postes de la demande du SYTTOM 19 sont dépourvus de caractère sérieux si bien que le montant de l'indemnisation sollicitée ne saurait être retenu.

Par un mémoire, enregistré le 23 avril 2021, la société par actions simplifiée Liz France, venant aux droits de la société Ferbeck et Fumitherm, représentée par Me Sinai-Sinelnikoff, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 000 euros soit mise à la charge de la société Inova au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal, comme l'a estimé le tribunal administratif, seul le juge judiciaire est compétent pour connaître d'un litige opposant une entreprise à ses sous-traitants ;

- à titre subsidiaire, sa responsabilité ne saurait être engagée, la cause des désordres lui étant extérieure.

Par ordonnance du 3 mai 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 28 mai 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rey-Bèthbéder, président-rapporteur,

- les conclusions de Mme Florence Madelaigue, rapporteure publique,

- et les observations de Me Soltner, représentant le syndicat mixte départemental de transport et de traitement des ordures ménagères de la Corrèze (SYTTOM 19), de Me Bernadou, représentant les sociétés Inova et Inova opérations, et de Me Roux, représentant la société de Tuyauterie chaudronnerie d'aujourd'hui.

Considérant ce qui suit :

1. Par un acte d'engagement du 26 août 2002, le syndicat mixte départemental de transport et de traitement des ordures ménagères de la Corrèze (SYTTOM 19), a confié à la société Inova France SAS, devenue la société Inova, l'exploitation d'une usine d'incinération des ordures ménagères située sur le territoire de la commune de Saint-Pantaléon-de-Larche, pour une durée de dix ans à compter du 1er janvier 2003. Par un marché de travaux signé le 10 mars 2005, la société Inova France SAS a été chargée de la mise en conformité de l'installation à l'arrêté du 20 septembre 2002 relatif aux installations d'incinération et de co-incinération de déchets non dangereux et aux installations incinérant des déchets d'activités de soins à risques des deux usines de traitement thermique des déchets ménagers et assimilés, dont le lot 1 portait sur l'usine de Saint-Pantaléon-de-Larche. Le 18 décembre 2009, la société Inova France opérations, devenue Inova opérations, a été substituée à la société Inova France SAS dans l'exécution du marché de prestations de services du 26 août 2002. En novembre 2011, le SYTTOM 19 a relevé des désordres sur le traitement des fumées. Par une ordonnance du 8 février 2013, le président du tribunal administratif de Limoges a désigné un expert, qui a rendu son rapport le 19 octobre 2015. Par lettre du 4 février 2016, le SYTTOM 19 a sollicité de la société Inova le versement d'une somme de 2 644 053,57 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'inexécution des obligations résultant du marché d'exploitation de l'usine d'incinération des ordures ménagères. Par une ordonnance du 13 avril 2017, le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté la demande de provision du SYTTOM 19.

2. Le SYTTOM 19 relève appel du jugement du 31 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire des sociétés Inova France SAS, devenue société Inova, et Inova France opérations, devenue Inova opérations, à l'indemniser de son préjudice.

3. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Limoges, que l'usine présente, d'une part, des désordres localisés sur le traitement des fumées et, d'autre part, des désordres consistant en une détérioration d'alimentation des trois fours, une usure des casings des fours 1 et 2, des défauts sur les calorifugeages des éléments des fours et des chaudières ainsi qu'une corrosion du système de transport des mâchefers.

Sur les conclusions du SYTTOM 19 tendant à l'indemnisation des préjudices qu'il invoque :

En ce qui concerne les désordres constatés sur le traitement des fumées :

4. Le SYTTOM 19 soutient que la responsabilité de la société Inova et celle de la société Inova opérations doivent être engagées solidairement du fait des fautes commises en leur qualité d'exploitants successifs de l'usine d'incinération des ordures ménagères de Saint-Pantaléon-de-Larche en exécution du contrat du 26 août 2002.

5. Toutefois, il résulte de l'instruction et notamment des constats opérés par l'expert dans son rapport, que l'ensemble des désordres constatés sur le traitement des fumées sont la conséquence de manquements dans le marché de mise en conformité à l'arrêté du 20 septembre 2002, dont les travaux ont été confiés à la société Inova France SAS. L'expert précise que ces désordres résultent d'un phénomène de condensation acide de fumées dû à une température trop basse de celles-ci en sortie de la batterie de préchauffage Flucorrex et ajoute que le mauvais rendement de l'échangeur, installé au cours de ce marché, n'en permet pas un réchauffage suffisant. Selon l'expert, la baisse de température dans le système de traitement des fumées est due à la condamnation de tubes de l'échangeur " à la suite d'un constat de fuite par la société Inova ". Contrairement à ce que soutient le syndicat mixte appelant, il ne résulte pas de l'instruction que ces travaux auraient été réalisés par la société Inova France ou la société Inova France opérations en leur qualité d'exploitant. Dès lors et ainsi que l'a estimé le tribunal, les désordres présentés par le système de traitement des fumées sont la conséquence de manquements dans l'exécution du marché de travaux du 10 mars 2005 et non, comme le soutient le SYTTOM 19, de fautes commises par les sociétés intimées en tant qu'exploitantes de l'usine.

En ce qui concerne les désordres relatifs à l'état général de l'usine :

6. Le SYTTOM 19 reprend en appel, sans l'assortir d'arguments nouveaux ou de critique utile du jugement, le moyen tiré de ce que la responsabilité solidaire des sociétés Inova et Inova opérations, en leurs qualités d'anciens exploitants successifs de l'usine, doit être engagée du fait du mauvais état général de l'usine, lui-même causé partiellement par les conditions d'exploitation et notamment par une maintenance insuffisante de l'usine. Il n'apporte aucun élément de droit ou de fait nouveau, ni aucune pièce nouvelle à l'appui de ce moyen auquel le tribunal a suffisamment et pertinemment répondu. Il y a lieu, dès lors, d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

7. Il résulte de tout ce qui précède que le SYTTOM 19 n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Sur les frais de l'instance :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée par le SYTTOM 19 sur ce fondement soit mise à la charge des sociétés Inova et Inova opérations, qui ne sont pas les parties perdantes dans cette instance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions, présentées à ce titre, par la société Inova, venant aux droits de la société Inova France SAS, par la société Inova opérations venant aux droits de la société Inova France opérations, par la société Avime, par la société Liz France, venant aux droits de la société Ferbeck et Fumitherm, et par la société SETEC Énergie environnement, venant aux droits de la société Cadet.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du SYTTOM 19 est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société Inova, venant aux droits de la société Inova France SAS, de la société Inova opérations venant aux droits de la société Inova France opérations, de la société Avime, par la société Liz France, venant aux droits de la société Ferbeck et Fumitherm, et de la société SETEC Énergie environnement, venant aux droits de la société Cadet, relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat mixte départemental de transport et de traitement des ordures ménagères de la Corrèze, et aux sociétés par actions simplifiées Inova France, Inova opérations, Avime, Liz France, à SETEC Énergie environnement, à la société SEMECA et à la société de Tuyauterie chaudronnerie d'aujourd'hui.

Délibéré après l'audience du 19 mai 2022 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente-assesseure,

Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 juin 2022.

La présidente-assesseure,

Frédérique Munoz-PauzièsLe président-rapporteur,

Éric Rey-BèthbéderLa greffière,

Angélique Bonkoungou

La République mande et ordonne au Préfet de la Corrèze en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX04981


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 19BX04981
Date de la décision : 16/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: M. Eric REY-BETHBEDER
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : JUFFROY

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-06-16;19bx04981 ?
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