Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du 6 novembre 2017 par laquelle la directrice régionale de réseau La Poste Poitou Charentes a prononcé à son encontre une sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de deux ans dont un an avec sursis.
Par un jugement n° 1800680 du 5 février 2020, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 2 juillet 2020 et le 5 mai 2022, M. B..., représenté par la SCP KPL Avocats, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 5 février 2020 ;
2°) d'annuler la décision du 6 novembre 2017 de la directrice régionale de réseau La Poste Poitou Charentes ;
3°) d'enjoindre à La Poste de reconstituer rétroactivement sa carrière et de le rétablir dans ses droits dans un délai de deux ans à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de La Poste une somme de 2 500 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur la régularité du jugement :
- les premiers juges n'ont pas examiné le moyen tiré du non-respect de la règle de parité, l'ayant requalifié à tort en moyen tiré du non-respect des règles du quorum ;
- c'est en se fondant sur des pièces non communiquées que les premiers juges ont retenu qu'un des membres du collège des représentants du personnel a indiqué qu'il n'assisterait pas à la commission administrative paritaire.
Sur le bien-fondé du jugement :
- la décision contestée est entachée d'une insuffisance de motivation en droit et en fait ;
- elle est entachée d'un vice de procédure, la preuve que la parité entre délégués du personnel et membres de l'administration présents était respectée n'étant pas apportée ;
- elle est entachée d'erreur de fait, la matérialité des faits reprochés n'étant pas établie, et d'erreur d'appréciation, la sanction infligée étant disproportionnée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 février 2021, La Poste, représentée par Me Ruffié, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. B... d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 avril 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;
- le décret n° 94-130 du 11 février 1994 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A... C...,
- les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public,
- et les observations de Me Hardouin, représentant La Poste.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... B..., fonctionnaire de La Poste depuis 1980, a exercé les fonctions de facteur, guichetier, puis a été affecté à compter de 2006 au poste de chargé de clientèle au bureau d'Angoulême. Par une décision du 6 novembre 2017, il a fait l'objet d'une sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de ses fonctions d'une durée de deux ans dont un an avec sursis. Il relève appel du jugement du 5 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande d'annulation de cette décision.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, contrairement à ce qui est soutenu par l'appelant, il ressort de l'examen du jugement attaqué que les premiers juges n'ont pas omis d'examiner le moyen tiré de ce que la décision contestée aurait été prise après consultation de la commission administrative paritaire dans des conditions irrégulières viciant la procédure. La circonstance que les premiers juges auraient répondu de façon erronée en réinterprétant ledit moyen relève du bien-fondé du jugement. Le moyen tiré de l'irrégularité dont serait entaché le jugement pour ce motif ne peut dès lors qu'être écarté.
3. En second lieu, contrairement à ce que M. B... soutient, il ressort des pièces du dossier de première instance que la pièce n° 5 produite par La Poste intitulée " coupon réponse convocation des représentants du personnel ", enregistrée au greffe du tribunal le 7 décembre 2019, a été communiquée aux parties le 9 décembre suivant. Par suite, c'est sans commettre d'irrégularité que le tribunal a pu se fonder sur cet élément au point 4 du jugement attaqué pour écarter le moyen tiré d'un vice de procédure.
Sur la légalité de la décision du 6 novembre 2017 :
4. En premier lieu, aux termes de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, alors applicable : " (...) Aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe par les dispositions statutaires relatives aux fonctions publiques de l'État, territoriale et hospitalière ne peut être prononcée sans consultation préalable d'un organisme siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté. / L'avis de cet organisme de même que la décision prononçant une sanction disciplinaire doivent être motivés. ".
5. Il ressort des termes mêmes de la décision litigieuse qu'après avoir visé les dispositions légales applicables, notamment la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de La Poste et des télécommunications, dont le requérant soutient sans apporter de précisions suffisantes qu'elle présente un caractère " erroné, inapplicable ou abrogé ", la directrice régionale a énoncé que M. B... a " utilisé des moyens professionnels à des fins personnelles " et a " obtenu frauduleusement des informations couvertes par le secret professionnel pour nuire à une cliente ". Ces indications étaient suffisantes pour permettre à l'intéressé de comprendre et de contester la sanction prise à son encontre, alors même que la directrice régionale n'a pas mentionné la date précise, le lieu et les circonstances de ces faits que M. B... a au demeurant reconnu avoir commis lors de la réunion du conseil de discipline. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation en droit et en fait de la décision contestée doit être écarté.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 14 de la loi du 11 janvier 1984 relative à la fonction publique d'Etat, alors applicable : " Dans chaque corps de fonctionnaires existent une ou plusieurs commissions administratives paritaires comprenant, en nombre égal, des représentants de l'administration et des représentants du personnel. [...] ". Aux termes de l'article 5 du décret du 11 février 1994 relatif aux commissions administratives paritaires de La Poste : " Les commissions administratives paritaires comprennent en nombre égal des représentants de l'exploitant public et des représentants du personnel. Elles ont des membres titulaires et un nombre égal de membres suppléants. ". Aux termes de l'article 40 du même décret : " Les commissions administratives ne délibèrent valablement qu'à la condition d'observer les règles de constitution et de fonctionnement édictées par la loi du 11 janvier 1984 susvisée et par le présent décret, ainsi que par le règlement intérieur. En outre, les trois quarts au moins de leurs membres doivent être présents lors de l'ouverture de la réunion. (...) ".
7. Il résulte de ces dispositions qu'une commission administrative paritaire ne peut valablement délibérer, en formation restreinte comme en formation plénière, qu'à la condition qu'aient été régulièrement convoqués, en nombre égal, les représentants de l'administration et les représentants du personnel, membres de la commission, habilités à siéger dans la formation considérée, et eux seuls, et que le quorum ait été atteint. Toutefois, si la règle de la parité s'impose ainsi pour la composition des commissions administratives paritaires, en revanche, la présence effective en séance d'un nombre égal de représentants du personnel et de représentants de l'administration ne conditionne pas la régularité de la consultation d'une commission administrative paritaire, dès lors que ni les dispositions précitées, ni aucune autre règle, ni enfin aucun principe ne subordonnent la régularité des délibérations des commissions administratives paritaires à la présence en nombre égal de représentants de l'administration et de représentants du personnel.
8. Il ressort des pièces du dossier que les représentants du personnel et de La Poste ont été convoqués en nombre égal au conseil de discipline du 18 octobre 2017. Si, ainsi que le fait valoir le requérant, l'un des représentants du personnel ainsi convoqué n'a pas siégé, il ressort des pièces du dossier que quatre représentants de La Poste et trois représentants du personnel, ont siégé au conseil de discipline de sorte que le quorum était atteint. Dans ces conditions, alors que la circonstance que les représentants du personnel et les représentants de La Poste ayant effectivement pris part à cette instance n'étaient pas en nombre égal est sans incidence, le moyen tiré de ce que la décision contestée est entachée d'un vice de procédure pour ce motif doit être écarté.
9. En troisième lieu, aux termes de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires à la fonction publique de l'Etat, alors applicable : " " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. / Premier groupe : / - l'avertissement ; /(...) Troisième groupe : / - la rétrogradation ; / - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans. / Quatrième groupe : / - la mise à la retraite d'office ; / - la révocation [...]. / L'exclusion temporaire de fonctions, qui est privative de toute rémunération, peut être assortie d'un sursis total ou partiel. [...]. " Aux termes de l'article 19 du règlement intérieur de La Poste du 31 août 2009 : " ... tout postier agissant au nom et pour le compte de La Banque [postale] est soumis à la déontologie bancaire, financière et d'assurance// Cette dernière constitue un ensemble de principes et de règles de conduite individuelles ou collectives destiné à être appliqué par chaque agent concerné. / Ces règles de conduite constituent une obligation professionnelle dont le manquement est constitutif de faute. / Les principes généraux ainsi que certaines règles sont présentés en annexe 4 du présent règlement intérieur "
10. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
11. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a reconnu lors de son audition au cours de l'enquête diligentée par le service national d'enquête de la direction de l'audit et devant la commission administrative paritaire réunie en conseil de discipline, d'une part avoir consulté entre janvier 2014 et avril 2017, à 77 reprises, le compte en banque d'une cliente avec laquelle il avait entretenu une liaison amoureuse dans le but d'avoir " une idée de ses entrées d'argent " et de lui " dire des propos désagréables " et, d'autre part avoir téléphoné à cette même cliente avec les téléphones de différents bureaux de poste " car elle refusait de prendre [ses] appels effectués à partir de [son] fixe ou de [son] portable ". Ces faits, qui sont suffisamment établis par les pièces du dossier, ne sont pas utilement contestés par les simples dénégations de l'intéressé qui est revenu sur ses déclarations initiales et nie à présent une partie d'entre eux tout en admettant qu'il a " utilisé à mauvais escient les outils de la Poste ". Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que, pour prendre la décision litigieuse du 6 novembre 2017, la directrice régionale de la Poste se serait fondée sur des faits matériellement inexacts doit être écarté.
12. Compte tenu tant de la durée et du caractère répétitif des faits reprochés que de la nature des manquements graves aux obligations déontologiques dont a fait preuve M. B..., la sanction d'exclusion temporaire de fonction de deux ans dont un an avec sursis retenue par la directrice régionale de La Poste n'est pas disproportionnée.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 6 novembre 2017. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de La Poste, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. B... demande au titre des frais liés à l'instance. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de M. B... la somme de 1 500 euros à verser à La Poste au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : M. B... versera à La Poste la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et à La Poste.
Délibéré après l'audience du 20 juin 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Karine Butéri, présidente,
M. Olivier Cotte, premier conseiller,
Mme Caroline Gaillard, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 juillet 2022.
La rapporteure,
Caroline C...
La présidente,
Karine ButériLa greffière,
Catherine JussyLa République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX02055