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20/10/2022 | FRANCE | N°20BX03470

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre (formation à 5), 20 octobre 2022, 20BX03470


Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 22 octobre 2020 et un mémoire enregistré le 15 juin 2022, la société à responsabilité limitée (SARL) Grand Ecran, représentée par Me Bouyssou, demande à la cour :

1°) d'annuler la décision du 10 juillet 2020 par laquelle la Commission nationale d'aménagement cinématographique a autorisé la société Biganos Cinéma à créer un établissement de spectacles cinématographiques de 5 salles et 622 places à l'enseigne " Biganos Cinéma " à Biganos (Gironde) ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat (

la Commission nationale d'aménagement cinématographique) et de la société Biganos Cinéma la som...

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 22 octobre 2020 et un mémoire enregistré le 15 juin 2022, la société à responsabilité limitée (SARL) Grand Ecran, représentée par Me Bouyssou, demande à la cour :

1°) d'annuler la décision du 10 juillet 2020 par laquelle la Commission nationale d'aménagement cinématographique a autorisé la société Biganos Cinéma à créer un établissement de spectacles cinématographiques de 5 salles et 622 places à l'enseigne " Biganos Cinéma " à Biganos (Gironde) ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat (la Commission nationale d'aménagement cinématographique) et de la société Biganos Cinéma la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Grand Ecran soutient que :

- la décision attaquée a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors qu'il ne ressort pas de cette décision que la Commission nationale d'aménagement cinématographique aurait été composée conformément aux dispositions de l'article L. 212-6-6 du code du cinéma et de l'image animée, ni que les pièces visées à l'article R. 212-7-26 de ce code auraient été adressées aux membres de la commission ; M. A... qui a présidé la séance ne figure pas dans la liste des membres composant la commission nationale transmise à la cour ;

- le dossier de demande ne comporte pas les éléments exigés par les articles R. 212-7-2 et A. 212-7-3-1 du code du cinéma et de l'image animée ;

- la rectification du périmètre de la zone d'influence cinématographique est insuffisante ;

- la décision méconnaît les critères fixés par l'article L. 212-9 du code du cinéma et de l'image animée ; l'apport du projet en termes de diversité cinématographique sera limité ; la référence à la seule situation de la zone primaire cinématographique est constitutive d'une erreur de droit ; la multiplication des cinémas multi salles au sud-est du bassin d'Arcachon va compromettre l'accès des œuvres cinématographiques aux salles ; le projet en litige ne peut contribuer à l'animation et à la revitalisation du centre-ville dès lors que la ZAC d'implantation est éloignée du centre-ville ; les modes doux de déplacement sont hypothétiques ;

- l'incohérence du découpage foncier retenu au regard du plan de masse révèle une volonté de contourner les dispositions de l'article L. 111-6-1 du code de l'urbanisme.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 6 avril 2021 et 22 juin 2022, la société à responsabilité limitée (SARL) Biganos Cinéma, représentée par Me Jauffret, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société Grand Ecran de la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative.

La société Biganos Cinéma fait valoir que les moyens développés par la société requérante ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 septembre 2021, la Commission nationale d'aménagement cinématographique, représentée par Me Leraisnable, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société Grand Ecran de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser au Centre national du cinéma et de l'image animée, agissant en qualité d'établissement public support de la Commission nationale d'aménagement cinématographique.

La commission nationale fait valoir que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 8 juin 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 8 juillet 2022.

Un mémoire présenté par la Commission nationale d'aménagement cinématographique a été enregistré le 29 juillet 2022, postérieurement à la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du cinéma et de l'image animée ;

- vu le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B... D...,

- les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 25 février 2020, la commission départementale d'aménagement cinématographique de la Gironde a émis un avis favorable à la demande de la société Biganos Cinéma pour la création d'un établissement de spectacles cinématographiques à l'enseigne " Biganos Cinéma " de 5 salles et 622 places, destiné à remplacer l'établissement mono-écran du centre culturel de Biganos. Par un recours présenté le 19 mars 2020, la société Grand Ecran, qui exploite depuis juillet 2016 dans la commune voisine de La Teste-de-Buch un établissement cinématographique de 10 salles et 1375 places, a demandé à la Commission nationale d'aménagement cinématographique (CNACi) d'annuler cette autorisation. Par une décision du 10 juillet 2020, la CNACi a rejeté ce recours et autorisé le projet. La société Grand Ecran demande à la cour l'annulation de cette dernière décision.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne la procédure devant la commission :

2. Aux termes de l'article R. 212-7-26 du code du cinéma et de l'image animée : " La Commission nationale d'aménagement cinématographique se réunit sur convocation de son président. / Les membres de la commission reçoivent l'ordre du jour, accompagné des procès-verbaux des réunions des commissions départementales d'aménagement cinématographique, des décisions de ces commissions, des recours et des rapports des services instructeurs. / La commission ne peut valablement délibérer qu'en présence de cinq membres au moins. ".

3. Il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire, notamment pas de l'article R. 212-7-26 du code du cinéma et de l'image animée, ni d'aucun principe que les décisions de la Commission nationale d'aménagement cinématographique doivent comporter des mentions attestant de la régularité de sa composition ou de ce que la convocation de ses membres a été accompagnée de l'envoi de l'ordre du jour et des documents nécessaires aux délibérations. Par suite, et alors au demeurant que ces formalités ont été respectées ainsi que cela ressort des pièces produites à l'instance par la CNACi, le moyen tiré de ce que les mentions figurant dans la décision en litige ne permettent pas de s'assurer de la régularité de la composition de la commission, ni de la communication des documents préalablement à la réunion doit être écarté.

4. Il ressort du procès-verbal de séance du 16 juillet 2020 que la Commission nationale d'aménagement cinématographique a tenu sa réunion du 10 juillet 2020 sous la présidence de M. C... A..., dont la nomination n'est pas contestée. Dès lors, la circonstance que le nom de M. A... ne figure pas dans le tableau reprenant la liste des membres de la commission nationale établi postérieurement à la décision attaquée et dépourvu de toute valeur règlementaire, est sans incidence sur sa légalité.

En ce qui concerne la composition du dossier de demande :

5. Aux termes de l'article R. 212-7-2 du code du cinéma et de l'image animée : " La demande d'autorisation d'aménagement cinématographique est présentée soit par le propriétaire de l'immeuble, soit par une personne justifiant d'un titre l'habilitant à construire sur le terrain ou à exploiter commercialement l'immeuble. " et aux termes de l'article A. 212-7-3-1 du même code : " La demande portant sur les projets d'aménagement cinématographique est accompagnée des renseignements et documents suivants : / (...) 5° Un plan cadastral précisant les parcelles concernées et la superficie du terrain accompagné, pour l'ensemble de ces parcelles, de l'un des titres suivants : / a) Un titre de propriété de l'immeuble concerné ; / b) Un titre habilitant à construire sur les parcelles concernées ; / c) Un titre habilitant le demandeur à exploiter commercialement ces parcelles. (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet est constitué de la parcelle cadastrée section AC n°419 d'une superficie de 7 301 m2, située sur l'îlot C3 de la zone d'aménagement concertée de recomposition du centre-ville de Biganos, quartier de Facture dont l'aménagement a été confié à l'Office public de l'habitat (OPH) Aquitanis. Si le dossier de demande mentionne également la parcelle AC 418, qui correspond à des voies et espaces communs de la ZAC extérieurs à l'emprise du projet, cette circonstance n'a pas été de nature à induire en erreur le service d'instruction ni la CNACi s'agissant de la parcelle devant servir d'emprise au projet.

7. Il ressort des pièces du dossier que la société Biganos Cinéma a déposé sa demande d'autorisation en qualité de futur exploitant du projet litigieux. Par une délibération du 29 octobre 2014, le conseil municipal de Biganos, a désigné l'OPH Aquitanis en qualité de concessionnaire de la ZAC de recomposition du centre-ville de Biganos. Par un arrêté du 8 décembre 2017, le préfet de la Gironde a déclaré d'utilité publique, au profit de l'OPH Aquitanis, les travaux de réalisation de la ZAC et l'a autorisé à acquérir, soit à l'amiable, soit par voie d'expropriation, les parcelles et immeubles nécessaires à la réalisation de cette opération dans un délai de cinq ans à compter de la publication de l'arrêté. Contrairement à ce que soutient la société requérante, la qualité de concessionnaire de la ZAC permettait à l'OPH Aquitanis, dès la déclaration d'utilité publique, d'autoriser la société Biganos Cinéma à déposer une demande d'autorisation de création de l'établissement cinématographique alors même qu'elle n'était pas encore propriétaire des parcelles à la date de cette autorisation. Si la circulaire n°0247 du 16 janvier 1997 relative à l'aménagement commercial indique que l'aménageur ne peut délivrer une promesse de vente ou une autorisation de construire qu'après être devenu propriétaire, elle ne vise pas le cas du futur exploitant d'un établissement cinématographique qui doit justifier seulement d'un titre l'habilitant à exploiter commercialement l'immeuble. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la CNACi se serait prononcée au vu d'un dossier incomplet en méconnaissance des dispositions précitées des articles R. 212-7-2 et A. 212-7-3-1 du code du cinéma et de l'image animée.

8. Il n'appartient pas à la CNACi, lorsqu'elle se prononce sur une demande d'autorisation d'exploitation d'un établissement cinématographique, de s'assurer, sous réserve de la fraude, de la régularité du titre habilitant les pétitionnaires à solliciter une telle demande. Par suite, la société requérante ne peut utilement soutenir que le directeur général de l'OPH Aquitanis n'était pas habilité à délivrer une telle autorisation.

En ce qui concerne la délimitation de la zone d'influence cinématographique :

9. Aux termes de l'article R. 212-7-1 du code du cinéma et de l'image animée : " Pour l'application des dispositions de l'article L. 212-9, la zone d'influence cinématographique d'un projet d'aménagement cinématographique correspond à l'aire géographique au sein de laquelle l'établissement de spectacles cinématographiques faisant l'objet d'une demande d'autorisation exerce une attraction sur les spectateurs. / Cette zone est délimitée en tenant compte notamment de la nature et de la taille de l'établissement envisagé, des temps de déplacement nécessaires pour y accéder, de la présence d'éventuelles barrières géographiques ou psychologiques, de la localisation et du pouvoir d'attraction des établissements de spectacles cinématographiques existants ainsi que de la localisation des établissements exploités sous la même enseigne que celle de l'établissement concerné. ".

10. Il ressort des pièces du dossier que la société Biganos Cinéma a délimité une zone d'influence cinématographique, correspondant à un temps d'accès en voiture de 20 minutes, décomposée en deux sous-zones : une zone primaire correspondant aux communes dont la population est susceptible d'effectuer le trajet en voiture jusqu'au site du projet en 10 minutes maximum et une zone secondaire correspondant aux communes dont la population est susceptible d'effectuer ce trajet entre 11 et 20 minutes. La zone d'influence cinématographique ainsi définie a été élargie en cours d'instruction pour y intégrer le multiplexe de La-Teste-de-Buch qui se situera à 15 minutes de trajet en voiture à l'achèvement des travaux de dédoublement de la RN250. En se bornant à constater que l'établissement " Dolce Vita " d'Andernos-les-Bains est situé à 18 kilomètres du projet et 28 minutes en voiture, la requérante ne conteste pas sérieusement qu'en raison de la capacité modérée de 5 salles du futur cinéma de Biganos, ainsi que de sa localisation dans la partie sud du bassin d'Arcachon et des difficultés de circulation observées dans la zone du bassin d'Arcachon, le projet litigieux n'aura pas vocation à attirer les spectateurs de cette commune. Par suite, la société Grand Ecran n'apporte aucun élément probant permettant de considérer que la délimitation de la zone retenue par la commission nationale aurait été erronée et que cette délimitation aurait été de nature à fausser l'appréciation portée par la commission nationale.

11. La circonstance que la commission départementale d'aménagement cinématographique de la Gironde et les services de la DRAC se seraient prononcées en considération d'une zone d'influence erronée n'incluant pas l'établissement de la Teste-de-Buch est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée qui s'est substituée à la décision de la commission départementale d'aménagement cinématographique de la Gironde du 25 février 2020.

En ce qui concerne l'appréciation de la CNACi sur le projet :

12. Aux termes de l'article L. 212-6 du code du cinéma et de l'image animée : " Les créations, extensions et réouvertures au public d'établissements de spectacles cinématographiques doivent répondre aux exigences de diversité de l'offre cinématographique, d'aménagement culturel du territoire, de protection de l'environnement et de qualité de l'urbanisme, en tenant compte de la nature spécifique des œuvres cinématographiques. Elles doivent contribuer à la modernisation des établissements de spectacles cinématographiques et à la satisfaction des intérêts du spectateur tant en ce qui concerne la programmation d'une offre diversifiée, le maintien et la protection du pluralisme dans le secteur de l'exploitation cinématographique que la qualité des services offerts ". L'article L. 212-9 du même code prévoit que, dans le cadre de ces principes : " la commission départementale d'aménagement cinématographique se prononce sur les deux critères suivants : / 1° L'effet potentiel sur la diversité cinématographique offerte aux spectateurs dans la zone d'influence cinématographique concernée, évalué au moyen des indicateurs suivants : / a) Le projet de programmation envisagé pour l'établissement de spectacles cinématographiques objet de la demande d'autorisation et, le cas échéant, le respect des engagements de programmation éventuellement souscrits en application des articles L. 212-19 et L. 212-20 ; / b) La nature et la diversité culturelle de l'offre cinématographique proposée dans la zone concernée, compte tenu de la fréquentation cinématographique ; / c) La situation de l'accès des œuvres cinématographiques aux salles et des salles aux œuvres cinématographiques pour les établissements de spectacles cinématographiques existants ; / 2° L'effet du projet sur l'aménagement culturel du territoire, la protection de l'environnement et la qualité de l'urbanisme, évalué au moyen des indicateurs suivants : / a) L'implantation géographique des établissements de spectacles cinématographiques dans la zone d'influence cinématographique et la qualité de leurs équipements ; / b) La préservation d'une animation culturelle et le respect de l'équilibre des agglomérations (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet d'équipement cinématographique contesté compromet la réalisation des objectifs et principes énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement cinématographique, lorsqu'elles se prononcent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs et principes, au vu des critères d'évaluation et indicateurs mentionnés à l'article L. 212-9 du code du cinéma et de l'image animée.

S'agissant du critère relatif à la diversité cinématographique :

13. Il ressort des pièces du dossier que la zone d'influence cinématographique regroupe 10 communes et 106 941 habitants, la commune de Biganos avec 10 700 habitants représentant la 3ème commune de la zone d'influence après la Teste-de-Buch (26 438 habitants) et Gujan-Mestras (21 152 habitants). Le projet autorisé consiste en la création d'un cinéma de 5 salles qui se substituera à l'actuel établissement mono-écran de Biganos, situé dans l'espace culturel municipal Lucien Mounaix et doté de 298 places, soit une création nette de 4 salles et 324 places supplémentaires dans un contexte de croissance démographique entre 2007 et 2017 de 22 % pour la zone d'influence cinématographique et de 32 % pour la sous-zone primaire où sera implanté le futur établissement, considérablement supérieure à la moyenne nationale pour la même période (+4,6% en France Métropolitaine). L'offre cinématographique de la zone d'influence cinématographique est répartie entre 3 établissements mono-écran classés " art et essai ", sans label, représentant une offre cinématographique de proximité et le multiplexe exploité par la société requérante dans la commune de la Teste-de-Buch qui concentre plus des trois quarts de l'offre cinématographique de la zone

14. Contrairement à ce que soutient la société requérante, il ressort du procès-verbal de la commission nationale qu'elle a apprécié les effets du projet sur l'ensemble de la zone d'influence cinématographie, et pas seulement sur le territoire de la zone primaire.

15. Si la société requérante fait valoir que l'ampleur du projet, qui vise à générer environ 135 000 entrées annuelles supplémentaires, portera atteinte à la fréquentation des cinémas existants alors que les taux d'équipements et de fréquentation dans la zone considérée sont déjà supérieurs à la moyenne nationale ou départementale, il ressort des pièces du dossier et notamment du rapport d'instruction de la CNACi, que la commune de Biganos, qui compte une forte croissance démographique avec une composition sociologique globalement propice à une forte fréquentation cinématographique, présente un niveau d'équipement et de fréquentation très inférieur à celui des unités urbaines comparables n'atteignant qu'un taux de 0,8 entrées par habitant contre une moyenne de 3,84 entrées par habitant dans les unités urbaines comprenant entre 17 000 et 18 000 habitants. La circonstance que dans les bassins de vie équivalent à Biganos, 97 % des cinémas ont une jauge inférieure à 5 salles n'est pas davantage de nature, à elle seule, à caractériser un surdimensionnement du projet et partant la méconnaissance des exigences de diversité de l'offre cinématographique alors en outre qu'il ressort du rapport de la CNACi que le nombre de fauteuils sera l'un des plus faibles en nombre parmi les complexes de 5 salles dans cette catégorie d'agglomération et que le territoire est marqué par une importante fréquentation touristique.

16. Le projet de programmation du futur établissement prévoit la diffusion, au travers de 6 600 séances annuelles, d'environ 350 films par an dont 150 films " art et essai ", soit 43 % des films, représentant 29 % de l'offre des séances. S'il est constant que les établissements de la zone considérée consacrent déjà 30 % de leurs séances à des œuvres " art et essai ", à l'exception du cinéma mono-écran Gérard Philippe à Gujan-Mestras dont 53 % de la programmation est dédiée à cette catégorie, l'augmentation importante du nombre de séances " art et essai " (1 900 séances contre 148 pour le mono-écran de Biganos) contribuera à améliorer l'offre et la durée d'exposition des œuvres " art et essai " de la zone. En outre, le futur établissement a pour objectif d'obtenir le classement " art et essai label jeune public " dont ne dispose aucun des autres établissements. Par ailleurs, alors que les cinémas mono-écran de la zone n'ont qu'un accès marginal aux films en sortie nationale (entre 20 et 31 sorties nationales par établissement), la participation du futur établissement à l'entente de programmation VEO, qui bénéficie d'un accès relativement aisé aux films dès leur première semaine de sortie nationale, contribuera à améliorer de manière significative l'accès des spectateurs de la zone, et plus particulièrement de la sous-zone primaire, aux films inédits en sortie nationale (environ 110 films par an).

17. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'implantation d'un nouvel établissement dans le sud-est du bassin d'Arcachon, susceptible de diffuser les mêmes films que l'établissement " Dolce Vita " d'Andernos-les-Bains serait de nature à compromettre l'accès des œuvres cinématographiques aux salles alors même qu'ils appartiendraient à la même entente de programmation et auraient des actionnaires communs.

18. Dans ces conditions, en accordant l'autorisation sollicitée, la CNACi n'a pas fait une appréciation erronée du projet au regard de son effet potentiel sur la diversité cinématographique offerte aux spectateurs dans la zone d'influence cinématographique.

S'agissant du critère relatif à l'aménagement culturel du territoire, la protection de l'environnement et la qualité de l'urbanisme :

19. Le futur établissement " Biganos Cinéma " sera implanté au 130 avenue de la Côte d'Argent, dans la partie sud-est de la future ZAC du centre-ville de Biganos, au sein du secteur C, qui est actuellement occupé par la friche industrielle d'une ancienne scierie. Il ressort des pièces du dossier et notamment de la délibération du 18 avril 2013 du conseil municipal de Biganos que la décision de créer la ZAC de recomposition du centre-ville, visant à transformer, d'ici 2025, le quartier Facture en un véritable centre-ville comportant, hormis le futur cinéma, des logements ainsi que des équipements de loisirs, de commerces, de services et d'hébergement, résulte du constat de l'absence d'une réelle centralité identifiée et de l'étirement des fonciers urbains le long des axes structurants de l'avenue de La Libération et de l'avenue de la Côte d'Argent. Ainsi, contrairement à ce que soutient la société requérante, le projet ne peut être regardé comme situé en périphérie de l'agglomération.

20. Il ressort du dossier de demande d'autorisation que le secteur C d'implantation du projet sera desservi par des pistes cyclables préexistantes auxquelles s'ajouteront 3,5 kilomètres de voies de circulation douces à usage mixte piétons et vélos et de sentes réservées aux piétons. En outre, le site sera également desservi par plusieurs lignes de bus qui desservent notamment la gare de Facture-Biganos, située à moins de 500 mètres du complexe. Ainsi, alors même que le dossier de demande ne comporte pas d'élément sur des équipements supplémentaires, que la desserte du site par les transports collectifs est moins intense en soirée et le week-end et que l'accès à l'établissement reposerait principalement sur l'usage du véhicule, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la qualité insuffisante de la desserte en modes doux de déplacement du projet aurait justifié une décision de refus d'autorisation.

21. En dernier lieu, les autorisations commerciales et les autorisations délivrées en application du code de l'urbanisme relèvent de législations distinctes et sont régies par des procédures indépendantes. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'autorisation attaquée aurait été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 111-6-1 du code de l'urbanisme, relatives aux aires de stationnement des véhicules, à le supposer soulevé, ne peut qu'être écarté.

22. Il résulte de tout ce qui précède que la société Grand Ecran n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du 10 juillet 2020 par laquelle la Commission nationale d'aménagement cinématographique a autorisé la société Biganos Cinéma à créer un établissement de spectacles cinématographiques de 5 salles et 622 places.

Sur les frais liés au litige :

23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la Commission nationale d'aménagement cinématographique et de la SARL Biganos Cinéma, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme que la société Grand Ecran demande au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Grand Ecran le versement d'une somme de 1 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés par la SARL Biganos Cinéma et la même somme titre des frais exposés par le Centre national du cinéma et de l'image animée, agissant en qualité d'établissement public support de la Commission nationale d'aménagement cinématographique et qui en assure le secrétariat en vertu de l'article R. 212-6-12 du code du cinéma et de l'image animée.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Grand Ecran est rejetée.

Article 2 : La SARL Grand Ecran versera la somme de 1 000 euros à la SARL Biganos Cinéma en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La SARL Grand Ecran versera la somme de 1 000 euros au Centre national du cinéma et de l'image animée, agissant en qualité d'établissement public support de la Commission nationale d'aménagement cinématographique, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Grand Ecran, à la SARL Biganos Cinéma, au Centre national du cinéma et de l'image animée et à la ministre de la culture.

Délibéré après l'audience du 29 septembre 2022 à laquelle siégeaient :

M. Luc Derepas, président de cour,

Mme Marianne Hardy, présidente de chambre,

Mme Christelle Bouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Birsen Sarac-Deleigne, première conseillère,

Mme Charlotte Isoard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 octobre 2022.

La rapporteure,

Birsen D...Le président,

Luc DerepasLa greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne à la ministre de la culture en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX03470


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre (formation à 5)
Numéro d'arrêt : 20BX03470
Date de la décision : 20/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. DEREPAS
Rapporteur ?: Mme Birsen SARAC-DELEIGNE
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : JAUFFRET

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-10-20;20bx03470 ?
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