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03/11/2022 | FRANCE | N°20BX02240

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 03 novembre 2022, 20BX02240


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du 28 août 2018 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires de Bordeaux a confirmé la décision du président de la commission de discipline du centre pénitentiaire de Saint-Martin de Ré portant déclassement d'emploi.

Par un jugement n° 1802654 du 19 mars 2020, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le

21 juillet 2020, M. D..., représenté par le cabinet Themis (Aarpi), demande à la cour :

1°) d'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du 28 août 2018 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires de Bordeaux a confirmé la décision du président de la commission de discipline du centre pénitentiaire de Saint-Martin de Ré portant déclassement d'emploi.

Par un jugement n° 1802654 du 19 mars 2020, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 juillet 2020, M. D..., représenté par le cabinet Themis (Aarpi), demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 19 mars 2020 ;

2°) d'annuler la décision du directeur interrégional des services pénitentiaires de Bordeaux du 28 août 2018 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat au profit de son conseil la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'autorité qui a décidé son renvoi devant la commission de discipline était incompétente ;

- la commission de discipline qui s'est réunie sans la présence du second assesseur était irrégulièrement composée dès lors qu'il n'est pas établi que son président était valablement habilité à siéger, que le premier assesseur n'était pas l'auteur du compte-rendu d'incident et qu'elle s'est réunie en présence d'un second assesseur ;

- la décision est entachée d'un second vice de procédure en ce qu'en ne lui permettant pas de consulter son dossier plus de trois heures avant la tenue de la séance ni d'en prendre une copie, il a été porté atteinte aux droits de la défense et l'article R. 57-7-16 du code de procédure pénale a été méconnu ;

- la décision est entachée d'une erreur de droit, le principe de non-rétroactivité ayant été méconnu dès lors que la sanction prononcée le 23 juillet 2018 a pris effet dès le 17 juillet ;

- elle est entachée d'une erreur de fait dès lors qu'il n'est pas à l'origine de l'altercation, et n'est pas l'auteur de l'agression mais victime et a failli être blessé ;

- la sanction prononcée, qui est disproportionnée, est entachée d'une erreur d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 février 2022, le ministre de la justice conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- aucun des moyens nouvellement soulevés en appel par M. D... et tirés de l'incompétence de l'auteur ayant initié les poursuites, de l'irrégularité de la composition de la commission et de la rétroactivité illégale de la sanction n'est fondé ;

- les autres moyens doivent être rejetés pour les mêmes raisons que celles énoncées dans son mémoire en défense de première instance.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 juin 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. F... A...,

- les conclusions de Mme Kolia Gallier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., incarcéré à la maison centrale de Saint-Martin de Ré, a fait l'objet le 23 juillet 2018 d'une sanction disciplinaire de déclassement d'emploi à la suite d'une altercation dans les ateliers avec un autre détenu, ayant eu lieu le 17 juillet. Il a exercé contre cette décision de la commission de discipline le recours préalable obligatoire prévu à l'article R. 57-7-32 du code de procédure pénale, alors en vigueur. Par décision du 28 août 2018, le directeur interrégional des services pénitentiaires de Bordeaux a rejeté son recours et confirmé la sanction. Par le jugement du 19 mars 2020 dont M. D... relève appel, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande d'annulation de cette dernière décision.

2. Aux termes de l'article R. 57-7-32 du code de procédure pénale, alors en vigueur : " La personne détenue qui entend contester la sanction prononcée à son encontre par la commission de discipline doit, dans le délai de quinze jours à compter du jour de la notification de la décision, la déférer au directeur interrégional des services pénitentiaires préalablement à tout recours contentieux. (...) ". L'institution, par ces dispositions, d'un recours administratif préalable obligatoire à la saisine du juge, a pour effet de laisser à l'autorité compétente pour en connaître le soin d'arrêter définitivement la position de l'administration. Il s'ensuit que la décision prise à la suite du recours se substitue nécessairement à la décision initiale et elle est seule susceptible d'être déférée au juge de la légalité. En outre, si l'exercice d'un tel recours a pour but de permettre à l'autorité administrative, dans la limite de ses compétences, de remédier aux illégalités dont pourrait être entachée la décision initiale, sans attendre l'intervention du juge, la décision prise sur le recours n'en demeure pas moins soumise elle-même au principe de légalité et si le requérant ne peut invoquer utilement des moyens tirés des vices propres à la décision initiale, lesquels ont nécessairement disparu avec elle, il est recevable à exciper de l'irrégularité de la procédure suivie devant la commission de discipline.

3. Aux termes de l'article R. 57-7-5 du code de procédure pénale, alors en vigueur : " Pour l'exercice de ses compétences en matière disciplinaire, le chef d'établissement peut déléguer sa signature à son adjoint, à un fonctionnaire appartenant à un corps de catégorie A ou à un membre du corps de commandement du personnel de surveillance placé sous son autorité. (...) ". Aux termes de l'article R. 57-7-6 de ce code, alors en vigueur : " La commission de discipline comprend, outre le chef d'établissement ou son délégataire, président, deux membres assesseurs ". Aux termes de l'article R. 57-7-7 du même code, alors en vigueur : " Les sanctions disciplinaires sont prononcées, en commission, par le président de la commission de discipline. Les membres assesseurs ont voix consultative. "

4. Il ressort des pièces du dossier que les poursuites disciplinaires à l'encontre de M. D... ont été engagées par M. C... B..., lieutenant chef de détention, et que la commission de discipline qui s'est réunie le 23 juillet 2018 a été présidée par Mme H... G..., directrice adjointe de la maison d'arrêt de Saint-Martin de Ré. Il n'est pas établi que l'arrêté de délégation du 16 mai 2018, produit en défense, par lequel la directrice de la maison d'arrêt a donné délégation de signature et de compétence aux deux intéressés, à l'effet d'engager les poursuites disciplinaires et de présider la commission de discipline, ait été régulièrement publié. Par suite, M. D..., qui a été privé d'une garantie, est fondé à soutenir que la procédure est irrégulière et que la décision du 28 août 2018 doit être annulée pour ce motif.

5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du directeur interrégional des services pénitentiaires de Bordeaux du 28 août 2018.

6. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme demandée par M. D... sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : La décision du 28 août 2018 et le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 19 mars 2020 sont annulés.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. D... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D... et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 11 octobre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente assesseure,

M. Olivier Cotte, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 novembre 2022.

Le rapporteur,

Olivier A...

La présidente,

Catherine Girault

La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20BX02240


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX02240
Date de la décision : 03/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Olivier COTTE
Rapporteur public ?: Mme GALLIER
Avocat(s) : AARPI THEMIS AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-11-03;20bx02240 ?
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