Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 9 février 2022 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2201274 du 1er juin 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 9 juin 2022, et un mémoire enregistré le 14 septembre 2022, Mme B..., représentée par Me Quevarec, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 1er juin 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 9 février 2022 ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour étudiant, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- cette décision est entachée d'erreur d'appréciation s'agissant du caractère réel et sérieux de ses études ;
- elle est entachée d'erreur d'appréciation s'agissant de son intégration en France et de l'existence de ressources personnelles et de la durée de sa présence en France.
Par un mémoire en défense enregistré le 22 juillet 2022, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 juin 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante albanaise née en 1999, est entrée régulièrement en France, le 26 août 2018, munie d'un visa et a bénéficié depuis cette date de titres de séjour " étudiant ". Par un arrêté du 9 février 2022, la préfète de la Gironde a refusé de renouveler le dernier titre de séjour, valable jusqu'au 2 décembre 2021, qui avait été délivré à Mme B... et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Mme B... relève appel du jugement du 1er juin 2022 par lequel le tribunal a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
2. Aux termes de l'article L.422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui établit qu'il suit un enseignement en France ou qu'il y fait des études et qui justifie disposer de moyens d'existence suffisants se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " d'une durée inférieure ou égale à un an. (...) ". Il appartient à l'administration, saisie d'une demande de renouvellement de titre de séjour présentée en qualité d'étudiant, de rechercher à partir de l'ensemble du dossier et notamment au regard de sa progression dans le cursus universitaire, de son assiduité aux cours, et de la cohérence de ses choix d'orientation, si le demandeur peut être regardé comme poursuivant avec sérieux les études entreprises.
3. En l'espèce, Mme B... s'est inscrite au titre de l'année universitaire 2018/2019 en première année de licence de psychologie à l'université de Bordeaux et a été déclarée défaillante au terme de ladite année puis a été ajournée au terme des années 2019/2020 et 2020/2021. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que Mme B... a été assidue aux cours durant les deux dernières années universitaires, qu'elle n'a pas changé d'orientation depuis sa première inscription, qu'elle a validé neuf matières sur quinze à l'issue de la deuxième session de l'année 2019/2020, avec une moyenne générale de 11,5/20, et neuf matières sur douze au cours de la deuxième session de l'année 2020/2021, en obtenant neuf notes supérieures ou égales à la moyenne et une moyenne générale de 11,762/20. Dans ces conditions, compte tenu de ces éléments et eu égard au contexte de pandémie qui a marqué les années 2019/2020 et 2020/2021, contexte qui a empêché les étudiants de suivre des cours dans des conditions satisfaisantes, Mme B..., qui au demeurant a validé les matières manquantes le 9 mars 2022, pouvait être regardée comme poursuivant avec sérieux les études qu'elle avait entreprises.
4. Par ailleurs, à la date de la décision attaquée, Mme B..., qui justifiait d'un contrat de service civique valable jusqu'au 30 juin 2022 et d'un contrat à durée indéterminée pour un emploi à temps partiel conclu le 7 janvier 2022 avec la société Saverio, qui lui procuraient des revenus supérieurs au montant de l'allocation d'entretien mensuelle de base allouée aux étudiants boursiers, devait être regardée comme disposant de moyens d'existence suffisants au sens des dispositions citées ci-dessus de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. Dans ces conditions, Mme B... est fondée à soutenir que la préfète de la Gironde a entaché sa décision de refus de séjour d'une erreur d'appréciation en estimant qu'elle ne remplissait pas les conditions posées par les dispositions de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour obtenir le renouvellement de son titre de séjour " étudiant ".
6. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour du 9 février 2022 ainsi que, par voie de conséquence, des décisions du même jour portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.
7. Eu égard au motif retenu, l'annulation de l'arrêté de la préfète de la Gironde implique nécessairement la délivrance d'un titre de séjour à l'intéressée. Par suite, il y a lieu, en l'absence de changement de circonstances de droit ou de fait y faisant obstacle, d'enjoindre à la préfète de la Gironde de délivrer à Mme B... le titre de séjour sollicité dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
8. Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, qui est la partie perdante dans les présentes instances, le versement à Me Quevarec de la somme de 1 200 euros.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 1er juin 2022 et l'arrêté de la préfète de la Gironde du 9 février 2022 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint à la préfète de la Gironde de délivrer à Mme B... un titre de séjour " étudiant " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Quevarec la somme de 1 200 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à la préfète de la Gironde, et à Me Quevarec.
Délibéré après l'audience du 13 octobre 2022, à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Hardy, présidente,
Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,
Mme Charlotte Isoard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 novembre 2022.
La rapporteure,
Christelle D...La présidente,
Marianne Hardy
La greffière,
Marion Azam Marche
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 22BX01581 2