Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de la Martinique de prononcer la décharge, en droits, pénalités et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels elle a été assujettie au titre des années 2015, 2016 et 2017.
Par un jugement n° 1900501 du 18 juin 2020, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des pièces, enregistrées les 24 août et 8 septembre 2020, Mme A..., représentée par Me Chaia, doit être regardée comme demandant à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1900501 du tribunal administratif de la Martinique du 18 juin 2020 ;
2°) de prononcer la décharge, en droits, pénalités et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels elle a été assujettie au titre des années 2015, 2016 et 2017 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de le condamner aux entiers dépens.
Elle soutient que :
- elle remplit l'ensemble des conditions pour bénéficier de la réduction d'impôt prévue au a) du 2 de l'article 199 undecies A du code général des impôts dès lors qu'elle a souscrit les déclarations nécessaires et que l'immeuble situé sur la parcelle AK 788 constitue sa résidence principale depuis 2011 ; elle doit notamment être regardée comme ayant personnellement procédé à l'investissement relatif à la construction de sa résidence principale dès lors que la SCI Mirese I est dotée de la transparence fiscale, au sens de l'article 1655 ter du code général des impôts ; elle a d'ailleurs reçu un avis de dégrèvement de taxe foncière en date du 20 décembre 2019 ;
- les travaux de construction, d'un montant de 402 008 euros, les honoraires d'avocat, d'un montant de 1 000 euros, les travaux d'évacuation, d'un montant de 5 474 euros, ainsi que les dépenses locatives et les frais de remise en état, de montants de 4 449 euros et 4 427 euros, constituent des charges déductibles de ses revenus fonciers des années 2015, 2016 et 2017 ;
- la majoration de 40 % pour manquement délibéré appliquée aux rehaussements en litige n'est ni motivée ni justifiée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 février 2021, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les conclusions relatives aux dépens sont sans objet et sont, dès lors, irrecevables et que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A... C...,
- et les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Les SCI Mirese I et Mirese II, dont Mme A... est associée, ont respectivement édifié sur deux parcelles dont l'intéressée est propriétaire sur la commune du François une maison d'habitation, affectée à son habitation principale et un immeuble comprenant cinq logements donnés en location. A la suite d'un contrôle sur pièces portant sur les années 2015 à 2017, l'administration a notifié à Mme A..., par une proposition de rectification du 20 septembre 2018, des rehaussements en matière d'impôt sur le revenu et de contributions sociales correspondant, d'une part, à la reprise de la réduction d'impôt pratiquée sur le fondement des dispositions du a) du 2 de l'article 199 undecies A du code général des impôts au titre de la maison individuelle, d'autre part, à la remise en cause des déficits fonciers restant à imputer sur le revenu global résultant notamment des travaux de construction de l'immeuble de cinq appartements. Mme A... relève appel du jugement du 18 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits, pénalités et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels elle a été assujettie au titre des années 2015, 2016 et 2017.
Sur le bien-fondé des impositions :
2. En premier lieu et d'une part, aux termes de l'article 199 undecies A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " 1. Il est institué une réduction d'impôt sur le revenu pour les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B qui investissent dans les départements d'outre-mer (...) entre la date de promulgation de la loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003 de programme pour l'outre-mer et le 31 décembre 2017. / 2. La réduction d'impôt s'applique : / a) Dans la limite d'une surface habitable comprise entre 50 et 150 mètres carrés et fixée par décret selon le nombre de personnes destinées à occuper à titre principal le logement, au prix de revient de l'acquisition ou de la construction régulièrement autorisée par un permis de construire d'un immeuble neuf situé dans les départements ou collectivités visés au 1, que le propriétaire prend l'engagement d'affecter dès l'achèvement ou l'acquisition si elle est postérieure à son habitation principale pendant une durée de cinq ans ; / (...) / 3 bis. La réduction d'impôt n'est applicable au titre des investissements mentionnés au a du 2 que lorsque ceux-ci sont réalisés par des personnes physiques pour l'acquisition ou la construction d'une résidence principale en accession à la première propriété (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 1655 ter du code général des impôts : " (...) les sociétés qui ont, en fait, pour unique objet soit la construction ou l'acquisition d'immeubles ou de groupes d'immeubles en vue de leur division par fractions destinées à être attribuées aux associés en propriété ou en jouissance, soit la gestion de ces immeubles ou groupes d'immeubles ainsi divisés, soit la location pour le compte d'un ou plusieurs des membres de la société de tout ou partie des immeubles ou fractions d'immeubles appartenant à chacun de ces membres, sont réputées, quelle que soit leur forme juridique, ne pas avoir de personnalité distincte de celle de leurs membres pour l'application des impôts directs, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière exigible sur les actes qui donnent lieu à la formalité fusionnée en application de l'article 647, ainsi que des taxes assimilées. / Notamment, les associés ou actionnaires sont personnellement soumis à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés, suivant le cas, pour la part des revenus sociaux correspondant à leurs droits dans la société. ". Aux termes de l'article 372 de l'annexe II au même code : " I. Entrent dans les prévisions de l'article 1655 ter du code général des impôts: 1° Les sociétés qui apportent la justification qu'à la date de publication de la loi n° 63-254 du 15 mars 1963, elles n'exerçaient pas, en fait, d'autres activités que celles concourant à la réalisation de l'objet définit audit article 1655 ter, et qui n'ont pas cessé depuis cette date de se conformer aux dispositions de cet article ; / 2° Les sociétés constituées après la date de publication de la même loi qui n'ont pas cessé depuis leur création d'avoir une activité conforme à celle prévue au 1°. / Le régime défini à l'article 1655 ter du code général des impôts est applicable aux sociétés visées aux premier, deuxième et troisième alinéas ainsi qu'à leurs membres jusqu'à la date à laquelle elles auront, le cas échéant, cessé de remplir les conditions prévues à ces mêmes alinéas. (...) ". Enfin, aux termes de l'article 373 de la même annexe : " Les sociétés visées à l'article 372 sont tenues de remettre au service des impôts au lieu de leur principal établissement, dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle les dispositions de l'article 1655 ter du code général des impôts leur sont devenues applicables, une déclaration souscrite en triple exemplaire sur un imprimé conforme au modèle annexé au décret n° 63-679 du 9 juillet 1963. (...) ".
4. Il est constant que la résidence principale de Mme A... a été édifiée au cours de l'année 2011 sous couvert d'un permis de construire délivré à la SCI Mirese I, dans le cadre d'un bail à construction conclu entre cette société et la requérante, propriétaire du terrain d'assiette. L'investissement ainsi réalisé ne peut, dès lors, être regardé comme l'ayant été par une personne physique, au sens et pour l'application du 3 bis du a) du 2 de l'article 199 undecies A du code général des impôts. Mme A... soutient néanmoins que la SCI Mirese I, au regard de son objet, est en situation de bénéficier de la transparence fiscale prévue par les dispositions de l'article 1655 ter du code général des impôts, de sorte que l'investissement en cause doit être regardé comme ayant été directement réalisé par ses associés. Toutefois, il résulte de l'instruction qu'aux termes de l'article 2 de ses statuts, la SCI Mirese I a pour objet social, " la gestion et plus généralement l'exploitation par bail, location ou tout autre forme d'un immeuble que la société se propose d'acquérir, de construire et toutes opérations financières, mobilières ou immobilières de caractère purement civil et se rattachant à son objet social. ". Aucune disposition des statuts ne prévoit que la société aurait pour objet exclusif la construction ou l'acquisition, pour le compte de ses membres, d'un immeuble en vue de sa division par fractions destinées à être attribuées aux associés en propriété ou en jouissance, ou la location d'un tel bien ayant d'ores et déjà fait l'objet d'une division par fractions dont les associés auraient été propriétaires en propre. En outre, aucune pièce du dossier ne permet d'établir que la SCI Mirese I, qui n'a pas souscrit la déclaration d'existence prévue à l'article 373 de l'annexe II au code général des impôts, laquelle doit comprendre un état des biens sociaux immobiliers, et qui, en sa qualité de titulaire d'un bail à construction, disposait pendant la durée du bail d'un droit réel immobilier sur l'immeuble édifié, fonctionnait, dans les faits, comme une société civile de copropriété immobilière. La circonstance que, par un avis du 20 décembre 2019, Mme A... a obtenu un dégrèvement de taxe foncière est, à cet égard, sans influence sur la qualification de la SCI Mirese I. Ainsi, ne remplissant pas les conditions posées par l'article 1655 ter du code général des impôts, cette société ne peut être regardée comme dépourvue d'une personnalité morale distincte de celle des associés. Dès lors, quand bien même la requérante remplirait l'ensemble des autres conditions prévues par les dispositions précitées de l'article 199 undecies A du code général des impôts, c'est à bon droit que l'administration a remis en cause le bénéfice de la réduction d'impôt pratiquée sur le fondement de ces dispositions aux titre des années d'imposition litigieuses.
5. En second lieu, aux termes de l'article 156 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition litigieuse : " L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé eu égard aux propriétés et aux capitaux que possèdent les membres du foyer fiscal désignés aux 1 et 3 de l'article 6, aux professions qu'ils exercent, aux traitements, salaires, pensions et rentes viagères dont ils jouissent ainsi qu'aux bénéfices de toutes opérations lucratives auxquelles ils se livrent, sous déduction : / (...) / 3° Des déficits fonciers, lesquels s'imputent exclusivement sur les revenus fonciers des dix années suivantes ; (...) ". Aux termes de l'article 31 du même code : " I. Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent : / 1° Pour les propriétés urbaines : / a) Les dépenses de réparation et d'entretien effectivement supportées par le propriétaire ; / (...) b) Les dépenses d'amélioration afférentes aux locaux d'habitation, à l'exclusion des frais correspondant à des travaux de construction, de reconstruction ou d'agrandissement (...) ".
6. Mme A... reprend, dans des termes similaires et sans critique utile du jugement, le moyen tiré de ce que les travaux de construction, d'un montant de 402 008 euros, les honoraires d'avocat, d'un montant de 1 000 euros, les travaux d'évacuation, d'un montant de 5 474 euros, ainsi que les dépenses locatives et les frais de remise en état, de montants de 4 449 euros et 4 427 euros, constitueraient des charges déductibles de ses revenus fonciers des années 2015, 2016 et 2017. Elle n'apporte aucun élément de droit ou de fait nouveau, ni aucune nouvelle pièce à l'appui de ce moyen auquel le tribunal a suffisamment et pertinemment répondu. Il y a lieu, dès lors, d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le premier juge.
Sur le bien-fondé des majorations :
7. En premier lieu, en vertu de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, les décisions qui infligent une sanction doivent être motivées. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens des articles L. 211-2 à L. 211-7 du code des relations entre le public et l'administration, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable. ".
8. Il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du 20 septembre 2018 adressée par l'administration fiscale à Mme A... mentionne les circonstances de droit et de fait ayant conduit à l'application de la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue par le a de l'article 1729 du code général des impôts. Il s'ensuit que la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision d'infliger cette majoration serait insuffisamment motivée.
9. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1727 du code général des impôts : " I.- Toute créance de nature fiscale, dont l'établissement ou le recouvrement incombe aux administrations fiscales, qui n'a pas été acquittée dans le délai légal donne lieu au versement d'un intérêt de retard. A cet intérêt s'ajoutent, le cas échéant, les sanctions prévues au présent code. (...) ".
10. Il résulte de ces dispositions que toute créance fiscale, dont l'établissement ou le recouvrement incombe à la direction générale des impôts, qui n'a pas été acquittée dans le délai légal donne lieu au versement d'un intérêt de retard. L'intérêt de retard institué par les dispositions de l'article 1727 du code général des impôts, qui s'appliquent indépendamment de toute appréciation portée par l'administration fiscale sur le comportement du contribuable, ne constitue pas une sanction mais vise essentiellement à réparer les préjudices de toute nature subis par l'Etat à raison du non-respect par les contribuables de leurs obligations de déclarer et payer l'impôt aux dates légales. Par suite, la requérante ne peut utilement se prévaloir de sa bonne foi ni invoquer les dispositions susmentionnées de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales pour critiquer la décision de l'administration de lui demander le paiement de l'intérêt de retard.
11. En dernier lieu, aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manœuvres frauduleuses incombe à l'administration. ".
12. Pour justifier l'application de la pénalité de 40 % prévue en cas de manquement délibéré appliquée aux rehaussements litigieux, l'administration a relevé que Mme A..., qui, à la date des faits en cause, exerçait les fonctions d'inspectrice des finances publiques, ne pouvait ignorer qu'elle n'avait pas personnellement réalisé l'investissement au titre duquel elle a pratiqué la réduction d'impôt prévue par les dispositions du a) du 2 de l'article 199 undecies A du code général des impôts. De même, elle ne pouvait davantage ignorer que les dépenses qu'elle a, à tort, déclarées en charges foncières déductibles de ses revenus fonciers, qui, pour l'essentiel, étaient afférentes à des travaux de construction et pour les autres, étaient dépourvues de tout justificatif, ne présentaient manifestement pas un tel caractère. Dans ces conditions, en tenant compte de l'importance de la minoration des revenus déclarés et du caractère répété des omissions constatées sur trois années d'imposition, l'intention délibérée du contribuable d'éluder l'impôt doit être regardée, contrairement à ce qui est soutenu, comme établie par l'administration fiscale.
13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande. Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, en tout état de cause, celles tendant à ce que les entiers dépens soient mis à la charge de l'Etat sont rejetées par voie de conséquence.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.
Délibéré après l'audience du 18 octobre 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,
M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 novembre 2022.
Le rapporteur,
Michaël C... La présidente,
Evelyne BalzamoLe greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 20BX02779
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