Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par une première requête, la société CGI France a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du 7 novembre 2017, par laquelle la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Nouvelle-Aquitaine lui a infligé une amende de 6 300 euros, et, à titre subsidiaire, de réduire le montant de cette amende administrative compte tenu de sa bonne foi.
Par une seconde requête, la société CGI France a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du 18 juin 2018, par laquelle la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Nouvelle-Aquitaine a rejeté l'opposition à exécution du titre de perception émis le 26 mars 2018 afin de recouvrer l'amende de 6 300 euros qui lui a été infligée le 7 novembre 2017.
Par un jugement joint n° 1800059-1801762 du 23 juillet 2020, le tribunal administratif de Poitiers a ramené la sanction prononcée le 7 novembre 2017 à l'encontre de la société CGI France par la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Nouvelle-Aquitaine à 3 000 euros et rejeté le surplus de ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 24 septembre 2020 et le 18 mars 2022, la société CGI France, représentée par Me Vuidard, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 23 juillet 2020 en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 7 novembre 2017 de la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de Nouvelle-Aquitaine et le titre de perception du 26 mars 2018 y afférent ;
2°) d'annuler la décision du 7 novembre 2017, par laquelle la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Nouvelle-Aquitaine lui a infligé une amende de 6 300 euros, et le titre de perception y afférant du 26 mars 2018 ;
3°) subsidiairement, de diminuer le montant de l'amende administrative retenu à son encontre ;
4 °) de mettre à la charge de l'Etat les dépens et la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision contestée est insuffisamment motivée dès lors qu'elle ne liste pas nominativement les 21 salariés concernés par le contrôle, qu'elle se réfère à un rapport de l'inspecteur du travail non soumis au contradictoire et qu'elle ne précise pas selon quelle modalité de travail les salariés travaillaient ; la décision en litige ne cite pas les dispositions règlementaires sur lesquelles elle entend se fonder, qui interdiraient de procéder à des rectifications a posteriori des déclarations de temps de travail journalier qui n'existent pas ; elle méconnaît pour ces raisons les dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;
- la DIRECCTE n'a pas procédé à un examen individuel de la situation de chaque salarié ;
- elle est entachée d'une erreur de fait dès lors qu'elle est fondée sur des constats erronés ; l'administration retient dans la décision contestée que les heures sont enregistrées par anticipation par chacun des salariés, la déclaration de la durée du travail devant être effectuée le jeudi matin au plus tard pour toute la semaine, voire pour la semaine suivante ; or le logiciel " D... " permet un enregistrement quotidien des heures de travail accomplies du lundi au dimanche, de sorte que les salariés remplissent habituellement leurs fiches de temps tous les jours sans obligation de déclarer par avance les heures de toute la semaine ; les déclarations par anticipation ne concernent que des cas limités ;
- elle est entachée d'une erreur de fait dès lors qu'elle est fondée sur des constats erronés ; l'administration retient dans la décision contestée que les heures sont enregistrées par anticipation par chacun des salariés, la déclaration de la durée du travail devant être effectuée le jeudi matin au plus tard pour toute la semaine ; or le logiciel " D... " permet un enregistrement quotidien des heures de travail accomplies du lundi au dimanche, de sorte que les salariés remplissent habituellement leurs fiches de temps tous les jours sans obligation de déclarer par avance les heures de toute la semaine ;
- l'outil " D... " répond aux obligations de décompte quotidien du temps de travail prévues par l'article L. 3171-2 et le 1° de l'article D. 3171-8 du code du travail ; la présentation sur deux lignes séparées par le logiciel " D... " des heures de travail correspondant à la modalité conventionnelle, d'une part, et les heures supplémentaires, d'autre part, est régulière ; la déclaration par anticipation des heures, avec possibilité de régularisation, ne méconnaît pas les dispositions du code du travail, relatives aux modalités de décompte des heures individualisées ; la jurisprudence exigeant la fiabilité du décompte, dès lors que les salariés ont la possibilité de rectifier a postériori les heures déclarées ; on ne peut établir de lien entre la régularité des heures de travail déclarées par les salariés sur la période contrôlée et l'illégalité du dispositif " D... " ;
- les salariés travaillant en modalité " réalisation de mission " ne sont pas soumis à l'article D. 3171-8 du code du travail ;
- le système déclaratif de respect du repos quotidien est conforme aux exigences du code du travail ;
- elle est de bonne foi ce qui justifie à titre subsidiaire la diminution du montant de l'amende en litige.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 décembre 2021, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.
Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B... C...,
- les conclusions de Mme Florence Madelaigue, rapporteure publique,
- et les observations de Me Charrier représentant la société CGI France et de Mme A... représentant le ministre du travail du plein emploi et de l'insertion.
Considérant ce qui suit :
1. A la suite d'un contrôle effectué dans les locaux d'une mutuelle d'assurance à Niort où 21 salariés de l'établissement de Niort de la société CGI France effectuaient des prestations informatiques, l'inspectrice du travail de l'unité territoriale des Deux-Sèvres de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de Nouvelle-Aquitaine a conclu à la méconnaissance par la société CGI France de ses obligations en matière de décompte du temps de travail de ses salariés non soumis à un horaire collectif. Les observations de la société ont été sollicitées par courrier du 19 mai 2017. Par décision du 7 novembre 2017, prise en application de l'article L. 8115-1 du code du travail, la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Nouvelle-Aquitaine a infligé à cette société une amende de 6 300 euros correspondant à 300 euros pour chacun des 21 salariés concernés.
2. Par une première requête, la société CGI France a saisi le tribunal administratif de Poitiers d'une demande tendant à l'annulation de la décision de la DIRECCTE en date du 7 novembre 2017 ou, subsidiairement, à la diminution du montant de l'amende administrative prononcée à son encontre. Par une seconde requête, elle a sollicité de la même juridiction l'annulation du titre de perception émis le 26 mars 2018. Par un jugement du 23 juillet 2020, le tribunal a ramené le montant de l'amende prononcée par la DIRECCTE de Nouvelle-Aquitaine à 6 300 euros et a rejeté le surplus de ses demandes. La société CGI France relève appel de ce jugement en tant seulement qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation totale de la sanction prise par décision du 7 novembre 2017 et demande subsidiairement la minoration du montant de cette sanction.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la régularité de la procédure:
3. En premier lieu, la société CGI France soutient que la décision contestée est insuffisamment motivée dès lors qu'elle renvoie au rapport et aux documents annexés, ne comporte pas la liste nominative des salariés concernés par les manquements relevés et n'identifie pas les salariés pour lesquels une irrégularité de décompte du temps de travail a été constatée.
4. Aux termes, d'une part, de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) / 2° Infligent une sanction ". Aux termes de l'article L. 211-5 de ce code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". D'autre part, l'article L. 8115-5 du code du travail dispose, concernant l'amende prévue à l'article L. 8115-1 de ce code pour manquement à l'article L. 3171-2 relatif à l'établissement d'un décompte de la durée de travail et aux dispositions réglementaires prises pour son application, que la décision de prononcer cette amende prise par l'autorité administrative doit être motivée.
5. En l'espèce, la décision contestée vise les dispositions applicables, ainsi que le rapport, établi le 29 mars 2017 par l'inspecteur du travail de l'unité de contrôle n° 5, faisant état du contrôle réalisé le 23 septembre 2016 sur 21 salariés de l'établissement de Niort dans les Deux-Sèvres au cours duquel il a été constaté un manquement aux règles de décompte du temps de travail de ces salariés soumis au régime " modalité standard ", dont la durée quotidienne de travail théorique est de 7,4 heures, ou au régime " modalité réalisation mission ", dont la durée quotidienne de travail théorique est de 7,7 heures. La décision rappelle que, dans cette situation, en application de l'article L. 3171-2 du code du travail, l'employeur doit établir les documents nécessaires au décompte de la durée du travail pour chacun des salariés qui ne sont pas occupés selon un horaire collectif et que, pour satisfaire à son obligation, l'employeur doit, en application de l'article D. 3171-8 du même code et selon la modalité qu'il a choisie, procéder soit à l'enregistrement quotidien, par tous moyens, des heures de début et de fin de chaque période de travail, soit au relevé quotidien du nombre d'heures de travail accomplies. Elle précise ensuite qu'il a été établi que les heures sont en partie enregistrées par anticipation par chacun des salariés, la déclaration devant être effectuée le jeudi au plus tard pour la semaine en cours. Elle souligne que le dispositif de rectifications a posteriori des déclarations de temps de travail journalier validées par les chefs de service ne permet pas de satisfaire aux dispositions réglementaires et qu'il a été constaté que de très nombreux relevés individuels comportaient la mention d'une durée quotidienne de travail exactement égale à la durée théorique prévue. La décision en litige conclut que les faits constatés par l'agent de contrôle sont établis et qu'ils constituent un manquement aux dispositions des articles L. 3171-2 et D. 3171-8 du code du travail. Ainsi, contrairement à ce qu'elle soutient, la société CGI France a été mise à même, à la lecture de cette décision, qui est suffisamment précise et qui n'avait pas à lister nominativement les 21 salariés concernés, de connaître les griefs qui lui étaient reprochés et de pouvoir ainsi discuter tant de la réalité de ces manquements que de la situation des salariés concernés. La société CGI France n'est, par suite, pas fondée à soutenir que la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Nouvelle-Aquitaine aurait insuffisamment motivé en droit et en fait la sanction litigieuse ni qu'elle aurait dû procéder à l'examen individuel de la situation de chaque salarié.
En ce qui concerne le bien-fondé de la sanction prononcée :
6. Pour fonder la décision contestée du 7 novembre 2017, la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRRECTE) de Nouvelle-Aquitaine a constaté qu'il n'était pas mis en œuvre de dispositif d'enregistrement quotidien des heures de début et de fin de chaque période de travail, puis a rappelé qu'il était établi qu'en partie les heures étaient enregistrées par anticipation par chacun des salariés, la déclaration de la durée du travail devant être effectuée le jeudi midi au plus tard pour toute la semaine. L'administration en concluait que ce dispositif ne satisfaisait pas aux dispositions légales et réglementaires prévues aux articles L. 3171-2 et D. 3171-8 du code du travail.
7. En premier lieu, la société CGI France soutient que l'autorité administrative aurait entaché la décision contestée d'une erreur de fait.
8. Il résulte de l'instruction que la société CGI France a mis en place à compter du 1er juin 2016 un dispositif de décompte de la durée du travail de ses salariés reposant sur un outil informatique dénommé " D... ". Ce logiciel concerne 21 salariés de l'établissement de Niort de cette société qui ne travaillent pas en horaires collectifs et sont rattachés à l'une des trois modalités conventionnelles définies par un accord d'entreprise d'organisation et de saisie de leur temps de travail. Il résulte du document " D... Formation des membres Module 1 - Règles générales " diffusé par la société CGI France à ses salariés que sous l'intitulé " Description générale " et pour la période antérieure au 6 mars 2017, il était mentionné que " chaque semaine, chaque membre, stagiaire compris, doit soumettre sa déclaration de temps de travail en saisissant une seule et même feuille de temps, du dimanche au samedi " fixant, dès lors, le début d'une semaine déclarée au dimanche et son terme au samedi. Ce document prescrivait, en outre, sous l'intitulé " Règles de soumission par le membre " que " La feuille de temps doit être remplie et soumise toutes les semaines : / Jeudi midi au plus tard pour la première soumission. / Vendredi soir pour la/les correction(s) si refus par son gestionnaire. / Il est possible de soumettre ses feuilles de temps à l'avance ".
9. En l'espèce, la décision litigieuse a fait état des constats opérés par l'inspection du travail, selon lesquels, pour les décomptes des 21 salariés de l'établissement de Niort sur les mois de juillet et août 2016, les déclarations quotidiennes de très nombreux salariés correspondaient précisément à la modalité d'organisation du temps de travail dont ils relevaient, soit 7,40 heures pour les salariés en modalités standard et 7,7 heures pour les salariés en modalité de réalisation de mission et à la déclaration par anticipation de la durée du travail. Aucun élément versé aux débats par la société requérante, qui admet dans ses écritures que " jusqu'au 6 mars 2017, des déclarations par anticipation pouvaient avoir lieu ", ne permet de remettre en cause la pertinence des constats opérés par les services de l'inspection du travail à ces différentes dates. La circonstance que les heures déclarées à titre prévisionnel pouvaient toujours faire l'objet d'une correction ne permet pas de révéler une erreur de fait quant aux manquements constatés entachant la décision contestée du 7 novembre 2017. Le moyen tiré de l'erreur de fait sera écarté.
10. En deuxième lieu, la société CGI France soutient que son instrument de décompte, dit " D... ", de la durée du travail des salariés employés en horaires individualisés répond aux exigences du code du travail et en particulier des dispositions de l'article D. 3171-8 de ce code.
11. D'une part, aux termes de l'article L. 3171-2 du code du travail : " Lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés ". Aux termes de l'article D. 3171-8 du même code : " Lorsque les salariés d'un atelier, d'un service ou d'une équipe, au sens de l'article D. 3171-7, ne travaillent pas selon le même horaire collectif de travail affiché, la durée du travail de chaque salarié concerné est décomptée selon les modalités suivantes : 1° Quotidiennement, par enregistrement, selon tous moyens, des heures de début et de fin de chaque période de travail ou par le relevé du nombre d'heures de travail accomplies ; (...) 2° Chaque semaine, par récapitulation selon tous moyens du nombre d'heures de travail accomplies par chaque salarié ". Il résulte de ces dispositions que le relevé quotidien du nombre d'heures de travail et leur récapitulation chaque semaine doivent avoir lieu une fois celles-ci accomplies.
12. D'autre part, aux termes de l'article D. 3171-9 de ce code : " Les dispositions de l'article D. 3171-8 ne sont pas applicables : 1° Aux salariés concernés par les conventions ou accords collectifs de travail prévoyant des conventions de forfait en heures lorsque ces conventions ou accords fixent les modalités de contrôle de la durée du travail ; 2° Aux salariés concernés par les conventions ou accords collectifs de branche étendus prévoyant une quantification préalablement déterminée du temps de travail reposant sur des critères objectifs et fixant les modalités de contrôle de la durée du travail. ".
13. Enfin, aux termes de l'article L. 8115-1 du code du travail : " L'autorité administrative compétente peut, sur rapport de l'agent de contrôle de l'inspection du travail mentionné à l'article L. 8112-1, et sous réserve de l'absence de poursuites pénales, prononcer à l'encontre de l'employeur une amende en cas de manquement : (...) / 3° A l'article L. 3171-2 relatif à l'établissement d'un décompte de la durée de travail et aux dispositions réglementaires prises pour son application ".
14. La société CGI France fait valoir que la faculté de déclaration par anticipation d'une partie des heures des salariés n'est contraire à aucun texte et n'est pas de nature à remettre en cause la conformité aux dispositions du code du travail de l'outil " D... " dès lors qu'elle est assortie d'une possibilité de rectification a posteriori des éventuelles déclarations anticipées. Il résulte de l'instruction que les heures de travail ou feuilles de temps quotidiennes devaient être saisies par chaque salarié en heures et dixièmes d'heures en accédant à " D... ", outil déployé depuis le 1er juin 2016 par la société CGI, au moyen d'un ordinateur professionnel avec un code d'accès. Il ne s'agissait donc pas d'une simple faculté. Les consignes prévoyaient ainsi que les " heures normales " déclarées ne devaient pas dépasser le nombre d'heures correspondant à la modalité à laquelle appartient le salarié. Les heures travaillées en plus devaient être déclarées dans la rubrique " heures supplémentaires " et devaient avoir été validées au préalable et ensuite renseignées avec la sous-catégorie adéquate pour être payées. Les consignes prévoyaient en outre, jusqu'au 6 mars 2017, que la déclaration d'heures était soumise pour validation le jeudi midi pour la semaine en cours, qui allait du dimanche au samedi, le décompte d'heures étant ainsi rempli par anticipation pour les jeudi, vendredi et samedi. Toutefois, les dispositions de l'article D. 3171-8 du code du travail, rappelées au point 11, auxquelles les stipulations conventionnelles applicables en l'espèce ne permettaient pas de déroger, imposent, lorsqu'est retenu par l'employeur le relevé du nombre d'heures de travail, que celui-ci " décompte ", ainsi qu'il est exigé par le code du travail, c'est-à-dire prenne en compte quotidiennement le nombre d'heures de travail accomplies, afin d'assurer un enregistrement du temps de travail effectif réalisé, ce que ne permet pas le dispositif litigieux en cause. Par ailleurs, les possibilités de rectification a posteriori de la déclaration initiale qui visent à indiquer le nombre d'heures de travail effectivement accomplies par le salarié chaque semaine, ne sauraient être regardées comme la " récapitulation " exigée par l'article D. 3171-8 du code du travail du nombre d'heures de travail accomplies par chaque salarié. Ces possibilités demeurent ainsi sans incidence sur les constats opérés par l'inspecteur du travail, qui fondent la sanction contestée, selon lesquels, entre la déclaration initiale et l'éventuelle intervention de cette rectification, les heures de travail déclarées ne correspondent pas à celles effectivement accomplies, contrairement à ce que prévoient les dispositions du code du travail. Dans ces conditions, la non-conformité constatée du dispositif du décompte du temps de travail des salariés caractérise l'absence d'un décompte des heures accomplies exigé par les dispositions citées plus haut des articles L. 3171-2 et D. 3171-8 du code du travail. La circonstance que la société a fait évoluer depuis le 6 mars 2017 les modalités de saisie des fiches de temps par les salariés et leur soumission au N+1 pour décaler ces opérations au vendredi 17 heures au plus tard - hors situations spécifiques - demeure sans incidence sur les constats d'irrégularité effectués lors du contrôle du 27 septembre 2016 de l'inspection du travail et qui fondent la sanction litigieuse. Le moyen sera écarté.
15. En troisième lieu, la société CGI France soutient que les salariés rattachés à la modalité " réalisation de mission " ne sont pas soumis à l'article D. 3171-8 du code du travail. A cet égard, selon l'accord d'entreprise sur la réduction et l'aménagement du temps de travail (ARTT) du 30 juin 2008, les salariés de l'établissement CGI France de Niort sont rattachés, selon leur emploi, à l'une des trois modalités conventionnelles, soit la modalité dite standard (MS) correspondant à une durée quotidienne de travail de 7,4 heures correspondant à 37 heures par semaine, soit la modalité de réalisation de missions (RM) avec une durée quotidienne de travail de 7,7 heures correspondant à 38h30 par semaine (convention de forfait hebdomadaire en heures), soit la modalité autonomie complète (AC), soit celle des cadres dirigeants. Pour les salariés appartenant à la catégorie " RM " correspondant aux ingénieurs et cadres, l'article 3.3.1 de cet accord précise que leur organisation du temps de travail relève des dispositions des articles L. 3121-39, L. 3121-41 et L. 3121-59 du code du travail et de l'article 3 du chapitre II de l'accord du 22 juin 1999 de réduction de temps de travail de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs conseils et des sociétés de conseils (SYNTEC). Il précise que l'organisation du temps de travail est déterminée par un nombre maximum de jours de travail dans l'année, à savoir 218 jours, et par la mise en place d'une convention de forfait hebdomadaire dans une limite maximale de 38h30. En outre, en vertu du chapitre VII de cet accord, en cas d'horaire individualisé et de document déclaratif, la récapitulation hebdomadaire est effectuée conformément à l'article D. 212-21 du code du travail, le contrôle hiérarchique restant en général mensuel. Le système retenu, quel qu'il soit, doit permettre d'identifier clairement le temps de travail effectif, y compris les tranches exceptionnelles d'activité et les dépassements d'horaires accomplis à la demande de la hiérarchie, pour les personnels assujettis à un horaire collectif ou individualisé. Par suite, ce chapitre VII de l'accord du 22 juin 1999 ne fixe pas des modalités de contrôle de la durée de travail distinctes de celles prévues par les dispositions de l'article D. 212-21 du code du travail, abrogé par l'article 9 du décret n° 2008-244 du 7 mars 2008 relatif au code du travail et remplacé par les articles D. 3171-8 et D. 3171-9 du code précité. Ainsi, même si les salariés régis par la modalité réalisation de mission (RM) travaillent selon une convention de forfait hebdomadaire de 38h30, ils ne sont pas exclus pour autant du champ d'application de l'article D. 3171-8 du code du travail. Il s'ensuit que la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Nouvelle-Aquitaine était fondée à sanctionner la société CGI France pour les salariés travaillant selon ces modalités dès lors que, ainsi qu'il a été dit, le logiciel " D... " aboutissait à des durées déclarées purement théoriques et ne rendait pas compte du temps de travail effectif de ces salariés.
16. En quatrième lieu, aucun grief ne portant sur les modalités de validation des demandes d'heures supplémentaires, de contrôle des heures déclarées par la hiérarchie, ni sur le mécanisme de déclaration du repos quotidien, le moyen tiré de ce que le dispositif serait conforme sur ces points aux dispositions du code du travail est inopérant.
En ce qui concerne le montant de la sanction prononcée :
17. La société CGI France demande, à titre subsidiaire, la réduction de l'amende administrative en litige.
18. Aux termes de l'article L.8115-3 du code du travail : " Le montant maximal de l'amende est de 2000 euros et peut être appliqué autant de fois qu'il y a de travailleurs concernés par le manquement " et selon les dispositions de l'article L. 8115-4 du même code, dans leur rédaction applicable à la date du présent arrêt, laquelle a substitué des dispositions répressives plus douces à celles en vigueur à la date de l'amende en litige : " Pour déterminer si elle prononce un avertissement ou une amende et, le cas échéant, pour fixer le montant de cette dernière, l'autorité administrative prend en compte les circonstances et la gravité du manquement, le comportement de son auteur, notamment sa bonne foi, ainsi que ses ressources et ses charges ".
19. D'une part, il résulte des termes du jugement attaqué, et il n'est d'ailleurs pas contesté en appel, que le tribunal a exclu du champ d'application de la sanction l'un des 21 salariés concernés au motif qu'il était conventionnellement placé sous le régime du forfait-jours et n'entrait ainsi pas dans le champ d'application des modalités d'enregistrement des heures travaillées, ramenant à 20 le nombre de salariés concernés par la décision du 7 novembre 2017. Il résulte, d'autre part, de l'instruction qu'à compter du mois de mars 2017, afin de prendre en compte les constatations opérées par l'inspection du travail et avant l'intervention de la décision contestée du 7 novembre 2017, la société CGI France a modifié son dispositif de décompte du temps de travail en reportant au vendredi 17 heures au plus tard le moment où la feuille de temps de la semaine devait faire l'objet d'une déclaration. Depuis le mois de mars 2018, le dispositif a évolué une seconde fois, en prévoyant que les salariés devaient dorénavant saisir les horaires de prise et de fin de poste, ainsi que le temps de pause déjeuner selon des modalités simplifiées et en précisant que la feuille de temps devait être soumise avant la fin de poste, le vendredi ou le samedi, la semaine de travail se déroulant du dimanche au samedi. Ainsi que l'a jugé le tribunal, compte tenu de la nature et de la gravité du manquement et eu égard au comportement de la société CGI France, qui a démontré sa volonté de se conformer aux prescriptions légales et réglementaires applicables, même si elle n'indique aucune difficulté en matières de ressources et de charges, la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Nouvelle-Aquitaine a prononcé une sanction disproportionnée en lui infligeant une amende de 300 euros par salarié concerné. Compte tenu de la nature du manquement et eu égard au comportement de la société CGI France, qui a démontré sa volonté de se conformer aux prescriptions légales et réglementaires applicables, le tribunal a fait une juste appréciation de la gravité des faits reprochés en fixant la sanction pécuniaire qui doit lui être infligée à un montant de 150 euros par salarié concerné, soit 3 000 euros au total. Par suite la société CGI France n'est pas fondée à demander une minoration supplémentaire de la sanction litigieuse.
20. Il résulte de tout ce qui précède que la société CGI France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté la demande d'annulation de l'amende en litige et n'a ramené le montant de l'amende prise à son encontre qu'à 3 000 euros.
Sur les frais liés à l'instance :
21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société CGI France demande au titre des frais liés à l'instance.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société CGI France est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société CGI France et au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.
Délibéré après l'audience du 28 novembre 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Florence Demurger, présidente,
Mme Karine Butéri, présidente-assesseure,
Mme Caroline Gaillard, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 décembre 2022.
La rapporteure,
Caroline C...
La présidente,
Florence DemurgerLa greffière,
Catherine Jussy
La République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20BX03220