Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler les arrêtés du 4 novembre 2020 par lesquels le préfet de la Guadeloupe, d'une part, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée et lui a interdit le retour sur le territoire pendant une durée d'un an, d'autre part, l'a assignée à résidence pour une période de trente jours dans le département de la Guadeloupe.
Par un jugement n° 2001066 du 8 décembre 2021, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 3 février et 29 juin 2022, Mme C..., représentée par Me Elissalde, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2001066 du tribunal administratif de la Guadeloupe du 8 décembre 2021 ;
2°) d'annuler les décisions du 4 novembre 2020 par lesquelles le préfet de la Guadeloupe lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai et lui a interdit le retour sur le territoire pendant une durée d'un an ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- la mesure d'éloignement est illégale dès lors que le préfet de la Guadeloupe lui a délivré une convocation valant autorisation provisoire de séjour valable jusqu'au 5 novembre 2019 ;
- eu égard à sa situation personnelle et familiale, les décisions lui refusant le séjour et l'obligeant à quitter le territoire français méconnaissent les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elles sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur sa situation personnelle ;
- elles méconnaissent les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, dès lors qu'elle justifie de considérations humanitaires ;
- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation en ne retenant pas l'existence de motifs exceptionnels d'admission au séjour, au regard de la circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 octobre 2022, le préfet de la Guadeloupe conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ressortissante haïtienne née le 22 février 1984, est entrée en France, selon ses déclarations, le 1er mai 2014. Sa demande d'asile a été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 3 juin 2015, confirmée le 8 juin 2016 par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). A la suite de ce rejet, Mme C... a sollicité son admission au séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile, alors en vigueur. Par un arrêté du 20 mai 2019, le préfet de la Guadeloupe a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Par deux arrêtés du 4 novembre 2020, le préfet, d'une part, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée et lui a interdit le retour sur le territoire pendant une durée d'un an, d'autre part, l'a assignée à résidence pour une période de trente jours dans le département de la Guadeloupe. Mme C... relève appel du jugement du 8 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 4 novembre 2020.
2. En premier lieu, aux termes des arrêtés contestés du 4 novembre 2020, Mme C... n'a pas fait l'objet, comme elle le soutient, d'une décision lui refusant le séjour assortie d'une obligation de quitter le territoire, mais, uniquement, d'une mesure d'éloignement sans délai vers son pays d'origine et d'une interdiction de retour sur le territoire français. Par suite, l'ensemble des moyens de la requête dirigés contre une décision de refus de séjour, qui est inexistante, ne peuvent qu'être écartés comme inopérants.
3. En deuxième lieu, Mme C... reprend en appel, sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer utilement la réponse qui lui a été apportée par les premiers juges, le moyen tiré de l'illégalité de la mesure d'éloignement, dès lors que le préfet de la Guadeloupe lui a délivré une convocation valant autorisation provisoire de séjour valable jusqu'au 5 novembre 2019. Dès lors, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par le tribunal.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; (...) ".
5. Mme C... soutient qu'elle réside en France depuis le mois de mai 2014 et se prévaut notamment de la présence de sa fille, née le 5 septembre 2016, dont le père, M. B..., serait un compatriote titulaire d'un titre de séjour. Toutefois, la requérante ne verse aucune pièce au dossier de nature à attester de la participation effective de M. B... à l'entretien et à l'éducation de sa fille, alors, au demeurant, que la présence en France de l'intéressé en situation régulière n'est pas établie. La requérante ne saurait, en outre, se prévaloir de la scolarisation de sa fille dans la mesure où il n'est pas établi qu'elle ne pourrait poursuivre sa scolarité débutante en Haïti, si la cellule familiale se reconstituait dans ce pays. Mme C... ne justifie pas davantage de sa présence habituelle sur le territoire depuis l'année 2014 et de l'absence d'attaches personnelles dans son pays d'origine, où elle a résidé, à tout le moins, jusqu'à l'âge de 30 ans et où demeurent ses deux autres enfants, ni du développement d'un réseau dense de relations sociales sur le territoire. Enfin, l'intéressée, qui a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement qu'elle n'a pas exécutée, n'établit ni même n'allègue avoir exercé une activité professionnelle depuis son entrée en France et disposer de ressources financières stables. Par suite, compte tenu des conditions et de la durée du séjour en France de la requérante, le préfet de la Guadeloupe n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la mesure d'éloignement en litige a été prise et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni, en tout état de cause, les dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, il n'a pas plus entaché cette décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée.
6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) ".
7. Si Mme C... produit de nombreux documents et articles de presse d'ordre général relatifs à la situation en Haïti, notamment concernant les évènements qui se sont déroulés en 2019 et 2020 et les difficultés rencontrées par les haïtiens, elle ne produit aucun document permettant de justifier d'une situation particulière pour elle ou les membres de sa famille en cas de retour en Haïti, dont l'OFPRA et la CNDA n'ont, au demeurant, pas reconnu l'existence. Par suite, son admission au séjour ne peut, en tout état de cause, être regardée comme répondant à des considérations humanitaires au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur.
8. En dernier lieu, Mme C... ne peut, en tout état de cause, utilement se prévaloir des énonciations de la circulaire du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elles ne constituent que des orientations générales adressées aux préfets pour la mise en œuvre de leur pouvoir de régularisation, sans les priver de leur pouvoir d'appréciation.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C..., qui ne soulève aucun moyen propre dirigé contre la décision lui interdisant le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande. Il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Guadeloupe.
Délibéré après l'audience du 6 décembre 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,
M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 décembre 2022.
Le rapporteur,
Michaël D... La présidente,
Evelyne BalzamoLa greffière,
Caroline Brunier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 22BX003892