Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la décision du 26 septembre 2019 par laquelle le président du centre de gestion de la fonction publique territoriale de La Réunion a fixé la liste d'aptitude pour l'accès au cadre d'emplois des chefs de service de police municipale au titre de la promotion interne de l'année 2019 et a nommé M. F... C... en cette qualité.
Par un jugement n° 1901373 du 1er mars 2021, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 6 avril 2021, M. A..., représenté par Me Saint-Martin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de La Réunion du 1er mars 2021 ;
2°) d'annuler la décision du 26 septembre 2019 du président du centre de gestion de la fonction publique territoriale (CGFPT) de La Réunion ;
3°) d'enjoindre au CGFPT de La Réunion de l'inscrire sur la liste d'aptitude à ce cadre d'emplois pour l'année 2019 dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge du CGFPT de La Réunion la somme de 2 000 euros à lui verser en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Sur la régularité du jugement :
- le tribunal a entaché le jugement d'irrégularité dès lors qu'il a soulevé d'office le moyen tiré de ce que les conditions pour la promotion interne des policiers municipaux s'apprécient au 1er janvier de l'année du tableau qui n'est pas d'ordre public et n'était pas soulevé par les parties, sans en informer les parties en méconnaissance des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative ;
- en ne procédant pas à l'annulation de la décision en litige, le tribunal a entaché son jugement de " contradiction manifeste " dès lors que la candidature de M. C... ne pouvait être retenue compte tenu qu'il ne remplissait pas les conditions posées par l'article R. 511-35 du code de la sécurité intérieure portant obligation de suivre une formation de dix jours minimum par période de cinq ans ;
- le jugement est insuffisamment motivé s'agissant du refus de prendre en compte les formations qu'il a suivies au motif qu'elles ne seraient pas relatives à la formation continue obligatoire.
Sur le bien-fondé du jugement :
- en estimant que le délai de cinq ans prévu par l'article R. 511-35 du code de la sécurité intérieure devait être décompté à compter du 1er janvier de l'année du tableau d'avancement et non à compter de la date où le candidat à l'avancement est devenu agent de police municipale stagiaire, le tribunal a commis une erreur de droit et une erreur de fait ;
- le tribunal a méconnu les dispositions législatives en vigueur en refusant de prendre en compte les formations qu'il a suivies au motif qu'elles ne relevaient pas de la formation continue obligatoire ; cette notion n'est en effet pas définie par la loi de sorte qu'aucun texte ne précise les formations qui relèvent de cette formation continue obligatoire ;
- il a été victime de discrimination syndicale dès lors que la décharge syndicale dont il a bénéficié n'a pas été prise en compte en méconnaissance des dispositions de l'article 23 bis de la loi du 13 juillet 1983 ;
- la décision en litige méconnaît le principe d'égalité de traitement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 décembre 2021, le centre de gestion de la fonction publique territoriale (CGFPT) de La Réunion, représenté par Me Placidi, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. A... d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la sécurité intérieure ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 ;
- le décret n° 2011-444 du 21 avril 2011 ;
- le décret n° 2013-593 du 5 juillet 2013 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D... E...,
- et les conclusions de Mme Florence Madelaigue, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 26 septembre 2019, le président du centre de gestion de la fonction publique territoriale de La Réunion a fixé la liste d'aptitude pour l'accès au cadre d'emplois des chefs de service de police municipale au titre de la promotion interne de l'année 2019 et désigné comme promu M. F... C..., policier municipal en poste à Saint-Philippe, alors que la commission administrative paritaire (CAP) avait émis un avis favorable à l'inscription de M. B... A..., brigadier-chef principal de police municipale à Sainte-Marie en décharge syndicale depuis 2013, qui était en première position de cette liste. M. A... a demandé au tribunal administratif de La Réunion l'annulation de la décision du 26 septembre 2019 fixant la liste d'aptitude et portant nomination de M. C... comme chef de service de police municipale. Il relève appel du jugement par lequel le tribunal a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article 39 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " En vue de favoriser la promotion interne, les statuts particuliers fixent une proportion de postes susceptibles d'être proposés au personnel appartenant déjà à l'administration (...) non seulement par voie de concours (...) mais aussi par la nomination de fonctionnaires (...) suivant l'une des modalités ci-après : / 1° Inscription sur une liste d'aptitude après examen professionnel ; / 2° Inscription sur une liste d'aptitude établie par appréciation de la valeur professionnelle et des acquis de l'expérience professionnelle des agents. (...) / Les listes d'aptitude sont établies par (...) le président du centre de gestion pour les fonctionnaires des cadres d'emplois, emplois ou corps relevant de sa compétence, sur proposition de l'autorité territoriale (...) ". Aux termes de l'article L. 511-6 du code de la sécurité intérieure : " Outre la formation initiale dont ils bénéficient en application des dispositions de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 (...), les fonctionnaires mentionnés à l'article L. 511-2 [exerçant les fonctions d'agent de police municipale] reçoivent une formation continue dispensée en cours de carrière et adaptée aux besoins des services, en vue de maintenir ou parfaire leur qualification professionnelle et leur adaptation aux fonctions qu'ils sont amenés à exercer. / Cette formation est organisée et assurée par le Centre national de la fonction publique territoriale (...) ". Aux termes de l'article R. 511-35 de ce code : " En application de l'article L. 511-6 (...), les membres du cadre d'emplois des agents de police municipale sont tenus de suivre une formation de dix jours minimum par période de cinq ans ". L'article R. 511-37 dispose que : " La formation continue obligatoire des directeurs, des chefs de service et agents de police municipale mentionnée à l'article R. 511-35 est organisée et assurée par le Centre national de la fonction publique territoriale (...) ". Aux termes de l'article 6 du décret du 21 avril 2011 portant statut particulier du cadre d'emplois des chefs de service de police municipale : " Les recrutements opérés au titre des 1° et 2° de l'article 39 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée interviennent dans le grade de chef de service de police municipale (...) selon les modalités suivantes. / Peuvent être inscrits sur la liste d'aptitude prévue au 2° de l'article 4 du décret du 22 mars 2010 susvisé : (...) /2° Les fonctionnaires relevant du cadre d'emplois des agents de police municipale titulaires du grade de brigadier-chef principal ou de chef de police comptant au moins dix ans de services effectifs dans leur cadre d'emplois en position d'activité ou de détachement. / L'inscription sur les listes d'aptitude ne peut intervenir qu'au vu des attestations établies par le Centre national de la fonction publique territoriale précisant que l'agent a accompli, dans son cadre d'emplois d'origine, la formation continue obligatoire (...) ". Aux termes de l'article R.511-36 du code de sécurité intérieure, la formation continue obligatoire a pour objet : " de permettre (...) aux agents de police municipale le maintien ou le perfectionnement de leur qualification professionnelle et leur adaptation à l'exercice de leurs fonctions en tenant compte de l'évolution de l'environnement juridique, social, culturel et technique des missions de sécurité dévolues aux polices municipales ". Aux termes de l'article 21 du décret du 5 juillet 2013 relatif aux conditions générales de recrutement et d'avancement de grade et portant dispositions statutaires diverses applicables aux fonctionnaires de la fonction publique territoriale : " Les conditions fixées par chaque statut particulier pour l'inscription sur une liste d'aptitude en application de l'article 39 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée s'apprécient au 1er janvier de l'année au cours de laquelle est établie ladite liste ".
3. D'une part, les fonctionnaires appartenant à une administration publique ont qualité pour déférer à la juridiction administrative les nominations illégales faites dans cette administration, lorsque ces nominations sont de nature à leur porter préjudice en retardant irrégulièrement leur avancement ou en leur donnant pour cet avancement des concurrents qui ne satisfont pas aux conditions exigées par les lois ou règlements. Notamment, tout agent a intérêt à poursuivre l'annulation des nominations et promotions faites soit à son grade, soit aux grades supérieurs de son cadre, soit dans un cadre différent dont les agents sont susceptibles de se trouver en concurrence avec lui pour l'accès par voie d'avancement normal à des grades ou emplois supérieurs.
4. D'autre part, il résulte de la combinaison des dispositions précitées et notamment de l'article 21 du décret du 5 juillet 2013, que la période de cinq ans au cours de laquelle les agents doivent justifier avoir réalisé au moins dix jours de formation continue obligatoire dispensée par le centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) doit nécessairement se décompter au cours des cinq années précédant le 1er janvier de l'année au cours de laquelle est établie la liste d'aptitude.
5. En premier lieu, M. A... réitère en appel son moyen tiré de ce que le président du centre de gestion a commis une erreur de fait et une erreur de droit en écartant la proposition émise par la commission administrative paritaire de le classer en première position sur la liste d'aptitude, au motif qu'il n'aurait pas satisfait aux obligations de formation continue obligatoire. Toutefois, il ressort des pièces du dossier et plus précisément du tableau fourni par le CNFTP sur la base des attestations de formations produites par le requérant que, au cours de la période de cinq années comprise entre le 1er janvier 2014 et le 31 décembre 2018, M. A... n'avait suivi, en octobre 2015, que 12 heures de formation continue obligatoire dispensée par le CNFPT, seul organisme compétent pour dispenser la formation continue obligatoire. A cet égard les attestations de formation qu'il produit, relatives à la formation continue obligatoire qu'il a suivie au titre des années 2010 et 2013 ne peuvent être prises en compte dès lors qu'elles couvrent une période non comprise dans la période de référence. De même, les autres attestations qu'il produit, délivrées au titre d'autres formations suivies entre 2010 et 2015, ne peuvent davantage être prises en compte dès lors qu'elles ne sont pas relatives à la formation continue obligatoire et qu'elles n'ont pas été dispensées par le CNFPT. Par suite, les moyens tirés de l'erreur de fait et de l'erreur de droit doivent être écartés.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 23 bis de la loi du 13 juillet 1983 : " I.- Sous réserve des nécessités du service, le fonctionnaire en position d'activité ou de détachement qui, pour l'exercice d'une activité syndicale, bénéficie d'une décharge d'activité de services ou est mis à la disposition d'une organisation syndicale, est réputé conserver sa position statutaire. / II.- Le fonctionnaire qui bénéficie, depuis au moins six mois au cours d'une année civile, de l'une des mesures prévues au I et qui consacre la totalité de son service à une activité syndicale a droit, dès la première année, à l'application des règles suivantes : / 1° Son avancement d'échelon a lieu sur la base de l'avancement moyen, constaté au sein de la même autorité de gestion, des fonctionnaires du même grade ; / 2° Lorsqu'il réunit les conditions fixées par le statut particulier de son corps ou cadre d'emplois pour bénéficier d'un avancement d'échelon spécial, ce fonctionnaire est inscrit, de plein droit, au tableau d'avancement de cet échelon spécial, au vu de l'ancienneté acquise dans l'échelon immédiatement inférieur et de celle dont justifient en moyenne les fonctionnaires détenant le même échelon, relevant de la même autorité de gestion et ayant accédé, au titre du précédent tableau d'avancement et selon la même voie, à l'échelon spécial ; / 3° Lorsqu'il réunit les conditions fixées par le statut particulier de son corps ou cadre d'emplois pour bénéficier d'un avancement de grade au choix, ce fonctionnaire est inscrit, de plein droit, au tableau d'avancement de grade, au vu de l'ancienneté acquise dans ce grade et de celle dont justifient en moyenne les fonctionnaires titulaires du même grade relevant de la même autorité de gestion et ayant accédé, au titre du précédent tableau d'avancement et selon la même voie, au grade supérieur. / (...) V.- Les compétences acquises dans l'exercice d'une activité syndicale sont prises en compte au titre des acquis de l'expérience professionnelle. (...) ".
7. Ces dispositions subordonnent l'avancement de grade au choix des fonctionnaires bénéficiant d'une décharge totale de service pour l'exercice de mandats syndicaux à la réunion des conditions fixées par le statut particulier de leur corps ou cadre d'emplois. Elles n'ont ainsi ni pour objet ni pour effet de faire bénéficier ces fonctionnaires d'un droit automatique à l'avancement. Il s'ensuit que la circonstance que M. A... ait bénéficié d'une telle décharge ne le dispensait pas de l'obligation de satisfaire à la condition de formation obligatoire continue prescrite par le statut particulier du cadre d'emplois des chefs de service de police municipale. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 23 bis de la loi du 13 juillet 1983 ne peut qu'être écarté.
8. En troisième lieu, si M. A... soutient que le centre de gestion de la fonction publique territoriale de La Réunion s'opposerait par principe à la promotion interne des agents en décharge syndicale, il n'apporte aucun commencement de preuve au soutien de cette allégation. Ainsi que l'indique le jugement attaqué, le centre de gestion établit au demeurant que plusieurs agents bénéficiant d'une telle décharge syndicale et appartenant au même syndicat que le requérant ont pu bénéficier d'une inscription sur l'une ou l'autre des listes d'aptitude établies au titre de la promotion interne en 2018 et 2019. Par suite, le moyen doit être écarté.
9. En dernier lieu, M. A... soutient pour la première fois en appel que M. F... C... ne pouvait être promu dès lors qu'il ne remplissait pas les conditions liées à la formation continue obligatoire telles que rappelées au point 6. Il ressort des pièces du dossier et plus précisément des attestations de formations de M. C... que ce dernier n'a effectué aucun jour de formation obligatoire continue entre le 1er janvier 2014 et le 31 décembre 2018. Par suite, le requérant est fondé à soutenir que la décision du 26 septembre 2019 en litige nommant M. C... au grade de chef de police municipale au titre de la liste d'aptitude de l'année 2019 est illégale.
10. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 26 septembre 2019 du président du CGFPT de La Réunion en litige.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
11. Il résulte de ce qui a été dit aux points 5 et 7 que M. A... ne remplissait pas les conditions d'inscription sur la liste d'aptitude au titre de l'année 2019. Par suite, ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au centre de gestion de la fonction publique territoriale de La Réunion de l'inscrire sur cette liste ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
12. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des parties une somme quelconque au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de La Réunion est annulé.
Article 2 : La décision du 26 septembre 2019 du président du centre de gestion de la fonction publique territoriale de La Réunion fixant la liste d'aptitude pour l'accès au cadre d'emploi des chefs de service de police municipale au titre de la promotion interne de l'année 2019 est annulée.
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par M. A... et celles présentées par le centre de gestion de la fonction publique territoriale de la Réunion au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à M. F... C... et au centre de gestion de la fonction publique territoriale de La Réunion.
Délibéré après l'audience du 12 décembre 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Florence Demurger, présidente,
Mme Karine Butéri, présidente-assesseure,
Mme Caroline Gaillard, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 décembre 2022.
La rapporteure,
Caroline E...
La présidente,
Florence DemurgerLa greffière,
Catherine Jussy
La République mande et ordonne au préfet de La Réunion en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21BX01462