Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 4 avril 2022 par lequel le préfet de la Vienne lui a refusé un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2201115 du 20 septembre 2022, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 octobre 2022, M. C... A..., représenté par Me Caliot, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 20 septembre 2022 ;
2°) d'annuler cet arrêté du préfet de la Vienne du 4 avril 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Vienne, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour en raison de son état de santé ou au titre de la " vie privée et familiale " dans un délai de 15 jours à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de 48 heures à compter de la notification de la décision à intervenir sous une astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, au profit de son conseil, la somme de 2 000 euros à au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
M. A... soutient que :
- l'arrêté attaqué a été signé par une autorité incompétente en l'absence de justification d'une délégation de signature ;
- il n'est pas suffisamment motivé ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il porte atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;
- il méconnaît également l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet de la Vienne qui n'a pas produit d'observations.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n° 2022/013831 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux du
10 novembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Côte-d'Ivoire relative à la circulation et au séjour des personnes, signée le 21 septembre 1992 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Au cours de l'audience publique, a été entendu le rapport de M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant ivoirien né le 3 août 1980, déclare être entré en France le 28 novembre 2016. Il s'est vu délivrer un titre de séjour valable du 2 juillet 2019 au 1er juillet 2021, sur le fondement des dispositions, alors en vigueur, du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le 5 juillet 2021, il a sollicité le renouvellement du son titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du même code désormais en vigueur et, à titre subsidiaire, un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-23 de ce code. Par un arrêté du 4 avril 2022, le préfet de la Vienne a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. A... relève appel du jugement du 20 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, M. A... reprend dans des termes similaires les moyens, déjà soulevés en première instance, tirés de ce que l'arrêté attaqué a été signé par une autorité incompétente et est insuffisamment motivé. Il n'apporte en cause d'appel aucun élément susceptible de remettre en cause l'appréciation des premiers juges qui ont suffisamment et pertinemment répondu à l'ensemble de ces moyens. Par suite, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Poitiers.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Aux termes de l'article R. 425-11 du même code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. (...) ".
4. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
5. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui a entendu lever le secret médical, souffre d'un diabète insulino-dépendant. Il produit un certificat d'un médecin généraliste, établi le 16 mai 2022, qui précise la nature de traitement administré au requérant. Toutefois, ce seul document, au demeurant postérieur à l'arrêté attaqué, qui ne mentionne aucune indisponibilité du traitement en Côte d'Ivoire, n'est pas de nature à remettre en cause l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui a estimé, dans son avis du 24 août 2021, que si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il pouvait néanmoins bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, vers lequel il pouvait voyager sans risque. La circonstance que M. A... a obtenu deux précédents titres de séjour en raison de son état de santé n'implique pas nécessairement, compte tenu de l'évolution de son état de santé et des traitements disponibles dans son pays d'origine, qu'il remplirait toujours les conditions pour obtenir le renouvellement de ce titre une troisième fois. A supposer même que les injections régulières d'insuline que nécessite son diabète insulino-dépendant ne soient pas disponibles dans son village natal de Côte-d'Ivoire, ce qui n'est avéré par aucune pièce du dossier, l'arrêté attaqué n'a ni pour objet, ni pour effet de le renvoyer dans ce village, ni, par suite, de l'empêcher de se rapprocher d'un centre de soins où ce traitement est disponible. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Vienne, qui s'est notamment fondé sur cet avis pour refuser de renouveler son titre de séjour, aurait fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ". Pour l'application de ces dispositions et stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
7. Il n'est pas contesté que M. A... est entré en France le 28 novembre 2016 et qu'il y réside depuis lors. Si le requérant se prévaut de la présence à ses côtés de l'un de ses enfants, né le 31 mars 2016, de nationalité brésilienne, qui était, à la date de l'arrêté attaqué, scolarisé en école maternelle, l'arrêté attaqué ne fait pas obstacle à ce que ce dernier l'accompagne dans son pays d'origine où il n'est pas établi, ni même allégué, qu'il ne pourrait poursuivre sa scolarité. Si l'intéressé se prévaut également de la présence en France de sa demi-sœur de nationalité ivoirienne, en situation régulière, il ne justifie pas, par la seule attestation de l'intéressée, de l'intensité des relations qu'il entretient avec cette dernière, laquelle réside dans les Pyrénées-Atlantiques. Si M. A... a effectué plusieurs missions d'intérim, entre août 2021 et janvier 2022, en tant que manœuvre ou maçon, et exerce des activités bénévoles en tant que pasteur assistant, il ne justifie pas d'une intégration sociale et professionnelle suffisante. Enfin, il n'est pas contesté que le requérant n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident notamment un autre de ses fils, sa mère, trois de ses sœurs et un frère et où il a lui-même vécu jusqu'à l'âge de 36 ans au moins. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Vienne aurait, en refusant de lui délivrer un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français, porté à son droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ces mesures ont été prises. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. Pour les mêmes raisons, le préfet ne s'est pas davantage livré à une appréciation manifestement erronée des conséquences de son arrêté sur la situation personnelle de l'intéressé.
8. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".
9. Si M. A... soutient que son retour en Côte-d'Ivoire l'exposerait personnellement au risque de subir des traitements inhumains et dégradants en raison de son soutien à un ancien président de la République de ce pays, il n'apporte aucun élément au soutien de ses allégations. Au demeurant, il ressort des pièces du dossier que la demande d'asile du requérant a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 16 mars 2018, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 17 avril 2019. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
10. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'annulation de ce jugement et de l'arrêté du préfet de la Vienne du 4 avril 2022 doivent donc être rejetées de même que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles relatives aux frais d'instance.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à Me Caliot et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Vienne.
Délibéré après l'audience du 23 janvier 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Florence Demurger, présidente,
Mme Karine Butéri, présidente-assesseure,
M. Anthony Duplan premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 février 2023.
Le rapporteur,
Anthony B...
La présidente,
Florence Demurger
La greffière,
Catherine JussyLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22BX02673