Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... A... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler l'arrêté du 17 février 2021 par lequel le préfet de La Réunion lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2100710 du 27 octobre 2021, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 10 mars 2022, M. A..., représenté par Me Belliard, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de La Réunion du 27 octobre 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 17 février 2021 du préfet de La Réunion ;
3°) d'enjoindre au préfet de La Réunion de lui délivrer le titre de séjour mention " salarié " dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision portant refus de renouvellement de certificat de résidence est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation dès lors que le préfet lui a déjà accordé une autorisation de travail et que les dispositions du code du travail ne lui sont pas opposables ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire est dépourvue de base légale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 décembre 2022, le préfet de La Réunion conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
M. A... a obtenu l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 3 février 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail :
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme B... C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... A..., ressortissant algérien né le 28 octobre 1982, a bénéficié d'un titre de séjour en tant que conjoint de français. Etant séparé de son épouse, il a sollicité le 6 août 2020 le renouvellement de son certificat de résidence en demandant un titre de séjour mention " salarié. " Par un arrêté du 17 février 2021, le préfet de La Réunion a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays de renvoi. M. A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté du 17 février 2021.
2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968: " (...) / b) Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée reçoivent après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les services du ministre chargé de l'emploi, un certificat de résidence valable un an pour toutes professions et toutes régions, renouvelable et portant la mention "salarié": cette mention constitue l'autorisation de travail exigée par la législation française; ". En prévoyant l'apposition de la mention " salarié " sur le certificat de résidence délivré aux ressortissants algériens et en précisant que cette mention constitue l'autorisation de travail exigée par la législation française, les stipulations de l'article 7 de l'accord franco-algérien rendent ainsi applicables à l'exercice par ces ressortissants d'une activité salariée, les dispositions des articles L. 5221-5 et suivants et R. 5221-17 et suivants du code du travail.
3. D'autre part, aux termes de l'article R. 5221-20 du code du travail dans sa version applicable à l'espèce : " Pour accorder ou refuser l'une des autorisations de travail mentionnées à l'article R. 5221-11, le préfet prend en compte les éléments d'appréciation suivants : / 1° La situation de l'emploi dans la profession et dans la zone géographique pour lesquelles la demande est formulée, compte tenu des spécificités requises pour le poste de travail considéré, et les recherches déjà accomplies par l'employeur auprès des organismes concourant au service public de l'emploi pour recruter un candidat déjà présent sur le marché du travail ; / 2° L'adéquation entre la qualification, l'expérience, les diplômes ou titres de l'étranger et les caractéristiques de l'emploi auquel il postule ; ". Enfin selon l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d'un tiers que si elle est illégale et si l'abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ".
4. Il ressort des pièces du dossier que, par une décision du 4 décembre 2020 dépourvue de toute motivation, le préfet de La Réunion a accordé à la Sarl Hammam Sarah l'autorisation d'embaucher M. A... par contrat à durée indéterminée en qualité d'agent d'entretien. Toutefois, il y a lieu de considérer que, par sa décision du 17 février 2021, le préfet a implicitement mais nécessairement entendu retirer cette décision du 4 décembre 2020.
5. Il est constant que cette décision de retrait est intervenue dans le délai de quatre mois prévu par les dispositions précitées de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration précitée. Il n'est en outre pas plus contesté en appel qu'en première instance que l'emploi d'agent d'entretien sollicité par M. A... ne répond pas aux exigences fixées par le code du travail et opposables au requérant, dès lors que cet emploi n'est pas en adéquation avec ses compétences de marin pêcheur et qu'il existait à La Réunion, à la date de la décision en litige, une très forte tension sur le marché du travail dans le secteur d'activité au titre duquel le titre de séjour est demandé. Il s'ensuit que M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour en qualité de salarié, la décision attaquée aurait irrégulièrement méconnu une précédente décision créatrice de droits l'autorisant à travailler prise deux mois auparavant.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2 Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".il
7. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., entré en France en 2019, justifiait à la date de la décision contestée de moins de deux ans de présence en France, qu'il est séparé de son épouse de nationalité française depuis août 2020 et ne justifie pas avoir noué des attaches sur le territoire français. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il serait dépourvu d'attaches familiales en Algérie, pays dans lequel il a vécu jusqu'à l'âge de 36 ans. Dans ces conditions, en refusant de délivrer à M. A... un titre de séjour, le préfet de La Réunion ne peut être regardé comme ayant porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a pris la décision attaquée. Il n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
8. En dernier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour doit être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 février 2021. Sa requête doit, par suite, être rejetée en toutes ses conclusions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera délivrée au préfet de La Réunion.
Délibéré après l'audience du 6 février 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Florence Demurger, présidente,
M. Frédéric Faïck, président-assesseur,
Mme Caroline Gaillard, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 mars 2023.
La rapporteure,
Caroline C...
La présidente,
Florence DemurgerLa greffière,
Catherine JussyLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22BX00823