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23/05/2023 | FRANCE | N°22BX02579

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 23 mai 2023, 22BX02579


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... B... E... épouse A... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 24 septembre 2021 par lequel le préfet du Lot-et-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée.

Par un jugement n° 2200477 du 3 mai 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 29 septembre 2022, Mme B... E... épouse A... C..., représ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... B... E... épouse A... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 24 septembre 2021 par lequel le préfet du Lot-et-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée.

Par un jugement n° 2200477 du 3 mai 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 septembre 2022, Mme B... E... épouse A... C..., représentée par Me Da Ros, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2200477 du tribunal administratif de Bordeaux du 3 mai 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Lot-et-Garonne du 24 septembre 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Lot-et-Garonne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans un délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

- elle est entachée d'un défaut de motivation ;

- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que justifiant d'une entrée régulière sur le territoire et d'une durée de vie commune et effective depuis plus de six mois elle remplissait les conditions pour se voir attribuer un titre de séjour en qualité de conjoint de français ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que le préfet n'a pas tenu compte de la stabilité du mariage qui dure depuis plus de quatre ans ni de son apprentissage du français et de l'effectivité de la vie commune avec son époux depuis neuf ans ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision lui refusant le séjour ;

- elle est entachée d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'au jour où la mesure d'éloignement a été prononcée, elle justifiait bien d'une communauté de vie de plus de trois ans ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 mars 2023, le préfet du Lot-et-Garonne conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Mme B... E... épouse A... C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 juin 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) 2018/1806 du Parlement européen et conseil du 14 novembre 2018 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. D... F... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... E... épouse A... C..., ressortissante brésilienne née le 5 décembre 1986, a déclaré être entrée en France au cours de l'année 2013 munie de son passeport brésilien en cours de validité et d'un permis de résidence espagnol valable du 9 mai 2013 au 14 février 2015. Elle s'est mariée en France avec M. A... C..., de nationalité française, le 30 septembre 2017 et a sollicité le 6 janvier 2021 son admission au séjour en qualité de conjointe d'un ressortissant français. Par un arrêté du 24 septembre 2021, le préfet du Lot-et-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée. Mme B... E... épouse A... C... relève appel du jugement du 3 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du 24 septembre 2021 :

2. Aux termes de l'article L. 423-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, entré régulièrement et marié en France avec un ressortissant français avec lequel il justifie d'une vie commune et effective de six mois en France, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. ".

3. Aux termes de l'article 4 du règlement (UE) 2018/1806 du 14 novembre 2018 : " Les ressortissants des pays tiers figurant sur la liste de l'annexe II sont exemptés de l'obligation prévue à l'article 3, paragraphe 1, pour des séjours dont la durée n'excède pas 90 jours sur toute période de 180 jours (...) ". Aux termes de l'article R. 621-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " N'est pas astreint à la déclaration d'entrée sur le territoire français l'étranger qui se trouve dans l'une des situations suivantes : 1° N'est pas soumis à l'obligation du visa pour entrer en France en vue d'un séjour d'une durée inférieure ou égale à trois mois ; 2° Est titulaire d'un titre de séjour en cours de validité, d'une durée supérieure ou égale à un an, délivré par un Etat partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 ; toutefois un arrêté du ministre chargé de l'immigration peut désigner les étrangers titulaires d'un tel titre qui demeurent astreints à la déclaration d'entrée. ".

4. La souscription de la déclaration prévue par l'article 22 de la convention d'application de l'accord de Schengen et dont l'obligation figure à l'article L. 621-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est une condition de la régularité de l'entrée en France de l'étranger soumis à l'obligation de visa et en provenance directe d'un État partie à cette convention qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire. Toutefois sont dispensés de cette formalité, en vertu de l'article R. 621-4 du même code, les étrangers qui ne sont pas astreints à l'obligation de visa pour un séjour inférieur à trois mois et ceux qui sont titulaires d'un titre de séjour en cours de validité, d'une durée supérieure ou égale à un an, délivré par un État partie à la convention d'application de l'accord de Schengen.

5. Il ressort des pièces du dossier et notamment de la copie du passeport brésilien de Mme B... E... épouse A... C... valable du 29 novembre 2010 au 28 novembre 2014, produite pour la première fois en appel, que l'intéressée est entrée en France via l'aéroport de Toulouse Blagnac le 13 novembre 2013, soit pendant la durée de validité du titre de séjour qui lui avait été délivré par les autorités espagnoles, valable du 9 mai 2013 au 14 février 2015. Le préfet du Lot-et-Garonne fait valoir qu'il ressort néanmoins des mentions de ce même document que, postérieurement à son entrée sur le territoire français, la requérante a quitté Lisbonne le 5 février 2014 et y est retournée le 29 avril 2014, et qu'elle n'établit pas être de nouveau régulièrement entrée en France avant le 14 février 2015, date d'expiration de son titre de séjour espagnol. Toutefois Mme B... E... épouse A... C... verse au dossier un courrier du 16 juillet 2014 adressé par sa banque, une facture d'un fournisseur d'électricité du 17 juillet 2014, une facture d'une enseigne de grande distribution du 17 septembre 2014, des factures téléphoniques du 22 octobre 2014 et du 7 février 2015, ainsi qu'une facture d'un fournisseur d'eau du 21 novembre 2014. L'ensemble de ces documents, établis à la même adresse de Villeneuve-sur-Lot où résidait la requérante depuis 2013, sont, en l'espèce, de nature à justifier de ce que l'intéressée est revenue régulièrement s'établir en France postérieurement à son retour à Lisbonne le 29 avril 2014 et antérieurement à l'expiration de son titre de séjour espagnol, le 14 février 2015. Au demeurant, en qualité de ressortissante brésilienne, l'intéressée était exemptée de l'obligation de visa de court séjour, en application des stipulations précitées de l'article 4 du règlement (UE) 2018/1806 du 14 novembre 2018 et de l'annexe II à ce règlement. Elle est, par conséquent, fondée à soutenir qu'en lui opposant l'irrégularité de son entrée en France, le préfet du Lot-et-Garonne, qui admet, par ailleurs, que Mme B... E... épouse A... C... satisfait à la condition de vie commune et effective de six mois prévue par les dispositions précitées de l'article L. 423-2, a entaché sa décision portant refus de séjour d'erreur de fait. L'illégalité de cette décision entraîne, par voie de conséquence, celle des décisions subséquentes portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B... E... épouse A... C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande Elle est dès lors fondée à demander l'annulation de ce jugement ainsi que celle de l'arrêté du préfet du Lot-et-Garonne du 24 septembre 2021.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

7. Eu égard au motif d'annulation retenu au point 5 et en l'absence de changement dans les circonstances de droit et de fait intervenu depuis l'édiction de l'arrêté du 24 septembre 2021, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement la délivrance, au profit de Mme B... E... épouse A... C..., d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Dès lors, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Lot-et-Garonne de délivrer un tel titre de séjour à l'intéressée dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente, de la munir d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

8. D'une part, Mme B... E... épouse A... C... n'établit pas avoir exposé d'autres frais que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été allouée par décision du 30 juin 2022. D'autre part, l'avocate de Mme B... E... épouse A... C... n'a pas demandé, sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, la mise à la charge de l'Etat de la somme correspondant aux frais exposés qu'elle aurait réclamée à sa cliente si cette dernière n'avait pas bénéficié de l'aide juridictionnelle totale. Dès lors, les conclusions de la requête tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2200477 du 3 mai 2022 du tribunal administratif de Bordeaux et l'arrêté du préfet du Lot-et-Garonne du 24 septembre 2021 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Lot-et-Garonne de délivrer à Mme B... E... épouse A... C... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente, de la munir d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... B... E... épouse A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet du Lot-et-Garonne.

Délibéré après l'audience du 2 mai 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

M. Michaël Kauffmann, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mai 2023.

Le rapporteur,

Michaël F... La présidente,

Evelyne BalzamoLe greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 22BX025792


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX02579
Date de la décision : 23/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Michaël KAUFFMANN
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : DA ROS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-05-23;22bx02579 ?
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