Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 3 août 2022 par lequel la préfète des Landes lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour d'une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2201805 du 9 août 2022, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 8 septembre 2022, M. A..., représenté par Me Dutin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 9 août 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 3 août 2022 ;
3°) à titre subsidiaire, d'annuler l'arrêté du 3 août 2022 en tant seulement qu'il prononce une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans ;
4°) d'enjoindre à la préfète des Landes de procéder à l'effacement du signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen, sans délai à compter de la notification de la décision à intervenir ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 200 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation ;
- elle a été prise en méconnaissance de son droit d'être entendu ;
- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que la préfète n'a pas examiné son droit au séjour de plein droit ;
- elle méconnaît les articles L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L.611-1-5° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que son comportement ne constitue pas une menace actuelle et grave à l'ordre public ;
- la décision refusant un délai de départ volontaire est entachée d'erreur d'appréciation au regard de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que sa non comparution devant le tribunal judiciaire le 5 octobre 2022 dans le cadre de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité aura pour conséquence de le renvoyer automatiquement devant le tribunal correctionnel portant ainsi une atteinte aux droits de la défense et au droit à un procès équitable ;
- les conséquences de cette décision sur sa situation personnelle sont manifestement disproportionnées dès lors qu'elle aura pour effet d'exposer sa mère à un risque d'expulsion du logement qu'il occupe avec elle ;
- la décision lui interdisant le retour sur le territoire pour une durée de deux ans méconnaît l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; la durée de l'interdiction est manifestement disproportionnée dès lors que sa présence ne constitue pas une menace pour l'ordre public, qu'il n'a jamais fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement et qu'il justifie avoir établi le centre de ses intérêts familiaux et professionnels en France ;
- l'annulation de l'interdiction de retour sur le territoire français implique en application des dispositions de l'article R. 613-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 7 du décret du 28 mai 2020 la suppression, sans délai, de son signalement dans le système d'information Schengen.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 mars 2023, la préfète des Landes conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- la requête qui comporte des moyens similaires à ceux soulevés dans la demande de première instance sans comporter aucune critique à l'encontre du jugement attaqué est manifestement irrecevable ;
- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de procédure pénale ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Birsen Sarac-Deleigne a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant albanais, né le 28 juin 1986, est entré en France le 21 juin 2020 selon ses déclarations. Le 3 août 2022, il a été interpellé et placé en garde à vue pour des faits de faux et usage de faux documents administratifs. Par un arrêté du 3 août 2022 notifié à l'issue de sa garde à vue, la préfète des Landes lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. A... relève appel du jugement du 9 août 2022 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, M. A... reprend en appel, sans invoquer d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer utilement la réponse qui leur a été apportée par le tribunal administratif, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée, du défaut d'examen de sa situation personnelle et de la méconnaissance de son droit d'être entendu. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par le magistrat désigné.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
4. Si M. A... fait valoir la présence régulière sur le territoire français de sa sœur titulaire d'un titre de séjour valable du 25 janvier 2021 au 24 janvier 2023 ainsi que de sa mère, il ressort également des pièces du dossier que l'intéressé qui est arrivé en juin 2020 à l'âge de trente-quatre ans, est célibataire et sans charge de famille et que la demande d'asile de sa mère a fait l'objet d'un rejet par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 22 avril 2022. Par ailleurs, si le requérant se prévaut pour justifier de son intégration professionnelle de ce qu'il occupe un emploi à plein temps depuis dix-huit mois au sein de l'entreprise appartenant à sa sœur en qualité de maçon, il n'est pas contesté que l'intéressé qui est défavorablement connu des services de police pour avoir fait l'objet le 19 octobre 2021 d'une procédure pour des faits de conduite en état d'ivresse, a été interpellé et placé en garde à vue le 3 août 2022 pour détention et usage de faux documents administratifs. En outre, le requérant a reconnu lors de son audition par les services de police ne jamais avoir entrepris de démarches de régularisation de sa situation administrative depuis 2020, date de son entrée sur le territoire et avoir utilisé une fausse pièce d'identité grecque pour la recherche d'un emploi et d'un logement. Si M. A... n'a pas été condamné pour ces faits à la date de la décision contestée, il ressort des pièces du dossier qu'il a été convoqué le 5 octobre 2022 devant le procureur de la République en vue d'une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité pour usage de documents d'identité falsifiés sur le territoire national. Dans ces conditions, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions du séjour de M. A... en France, la préfète des Landes n'a pas porté, aux regard des buts poursuivis, une atteinte disproportionnée au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.
5. En troisième lieu, le moyen tiré de l'erreur de droit qu'aurait commise la préfète en ne procédant pas à l'examen de son droit au séjour de plein droit est dépourvu de précision permettant d'en apprécier son bien-fondé.
6. Enfin, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 2° L'étranger, entré sur le territoire français sous couvert d'un visa désormais expiré ou, n'étant pas soumis à l'obligation du visa, entré en France plus de trois mois auparavant, s'est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour ou, le cas échéant, sans demander le renouvellement du titre de séjour temporaire ou pluriannuel qui lui a été délivré ;(...) 5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public (...) ".
7. D'une part, eu égard aux faits exposé au point 4, c'est sans commettre d'erreur d'appréciation que la préfète des Landes a estimé que le comportement de l'intéressé représentait une menace à l'ordre public justifiant son éloignement alors même qu'à la date de l'arrêté de la préfète, les faits d'usages de faux n'avaient pas donné lieu à une condamnation pénale. D'autre part, la préfète des Landes a fondé sa décision faisant obligation au requérant de quitter le territoire français sur le 2° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en indiquant que l'appelant s'est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour. Ce motif est légalement fondé. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté.
Sur la légalité de la décision refusant un délai de départ volontaire :
8. D'une part aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. / L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. (...) ". Aux termes de l'article L. 612-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait objet. ". D'autre part, aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (...) ". Aux termes de l'article 410 du code de procédure pénale : " Le prévenu régulièrement cité à personne doit comparaître, à moins qu'il ne fournisse une excuse reconnue valable par la juridiction devant laquelle il est appelé (...) ".
9. Si M. A... a été convoqué devant le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Mont-de-Marsan le 5 octobre 2022, en vue d'une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, il lui était loisible de se faire représenter à cette audience et de se prévaloir des dispositions de l'article 410 du code de procédure pénale pour faire valoir qu'il était dans l'impossibilité de comparaître pour une cause indépendante de sa volonté. Dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir que son éloignement a pour effet de méconnaître son droit à un procès équitable garanti par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
10. La circonstance que la mère du requérant serait hébergée à son domicile n'est pas à elle seule de nature à entacher la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé alors en outre qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que celle-ci ne pourrait être hébergée chez sa fille dans l'attente d'une décision définitive sur sa demande d'asile.
Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans :
11. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
12. Il résulte de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux.
13. Comme indiqué précédemment, M. A... ne justifie pas de liens privés, familiaux ou professionnels en France tels qu'il aurait vocation à y rester et ne justifie pas en se prévalant de sa durée de présence sur le territoire national où réside sa sœur et sa mère, de circonstances humanitaires de nature à faire obstacle à l'édiction d'une décision d'interdiction de retour sur le territoire français. S'il soutient qu'il ne peut être considéré comme une menace pour l'ordre public, cette circonstance n'est pas de nature à faire obstacle, à elle seule, au prononcé d'une interdiction de retour si la situation de l'intéressé, au regard notamment des autres critères énumérés par les dispositions précitées de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, justifie légalement la décision d'interdiction de retour. Dans ces conditions, en décidant de prendre à l'encontre de M. A... une décision d'interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans, la préfète des Landes n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur le signalement dans le système d'information Schengen :
14. La décision portant interdiction à M. A... de revenir sur le territoire français pendant un délai de deux ans n'étant pas illégale, pour les motifs énoncés ci-dessus, le requérant n'est en tout état de cause pas fondé à exciper de la prétendue illégalité de la décision portant inscription au fichier du système d'information Schengen.
15. Il résulte de ce tout qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté de la préfète des Landes du 3 août 2022. Par suite sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Une copie en sera adressée à la préfète des Landes.
Délibéré après l'audience du 4 mai 2023 à laquelle siégeaient :
M. Jean-Claude Pauziès, président,
Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,
Mme Birsen Sarac-Deleigne, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 mai 2023.
La rapporteure,
Birsen Sarac-DeleigneLe président,
Jean-Claude PauzièsLa greffière,
Stéphanie Larrue
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22BX02452