Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par deux requêtes distinctes, M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Limoges :
- d'une part, d'annuler la décision du 12 juillet 2018 par laquelle le directeur du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Haute-Vienne a mis un terme à ses fonctions de mécanicien du centre d'incendie et de secours de Saint-Yrieix La Perche à compter du 1er juin 2018 ;
- d'autre part, d'annuler la décision du 15 mars 2018, par laquelle le directeur du SDIS de la Haute-Vienne l'a suspendu de ses fonctions opérationnelles au centre de secours de Saint-Yrieix La Perche et l'a affecté sur des fonctions de chef de groupe sur le secteur sud à compter du 14 mars 2018.
Par un jugement n° 1801766, 1902241 du 16 décembre 2020, le tribunal administratif de Limoges, après avoir joint ces deux requêtes, a rejeté les demandes de M. C....
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 15 février 2021, M. C..., représenté par Me Galinet, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du
16 décembre 2020 ;
2°) d'annuler la décision du 15 mars 2018 par laquelle le directeur du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Haute-Vienne l'a suspendu de ses fonctions opérationnelles au centre de secours de Saint-Yrieix La Perche et l'a affecté sur des fonctions de chef de groupe sur le secteur sud à compter du 14 mars 2018, ainsi que la décision du 12 juillet 2018 par laquelle ce même directeur a mis un terme à ses fonctions de mécanicien du centre d'incendie et de secours de Saint-Yrieix La Perche à compter du 1er juin 2018 ;
3°) de mettre à la charge du SDIS de la Haute-Vienne la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
S'agissant de la décision du 15 mars 2018 :
- il ne saurait être considéré qu'il a eu connaissance de cette décision plus d'un an avant l'introduction de son recours devant le tribunal administratif ; l'entretien du
14 mars ayant précédé l'édiction de cette décision n'a pas été lui-même précédé d'une convocation et il n'a pas été invité à prendre connaissance des pièces de son dossier préalablement à cet entretien ; surtout, dans le cadre de cet entretien, il ne lui a jamais été fait part de ce qu'il allait être suspendu de ses fonctions opérationnelles ; en outre, la décision du 15 mars 2018 ne lui a jamais été notifiée, même si, dans la pratique, il a été déprogrammé des plannings ; cette décision n'a pas eu pour effet de " l'affecter sur des fonctions de chef de groupe en dehors de Saint-Yrieix La Perche ", car il exerçait déjà de telles fonctions antérieurement ; contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, la correspondance du 22 octobre 2018 ne lui a pas davantage permis d'avoir eu connaissance de la mesure de suspension contestée ; il n'a donc eu réellement connaissance de la décision que le
17 août 2019, par la production d'un mémoire en défense dans le cadre de l'instance engagée contre la décision du 12 juillet 2018 ; par conséquent, son recours n'était pas tardif ;
- la décision n'est pas motivée en droit, en violation des dispositions de
l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;
- la décision est illégale au regard de l'article 6.10.3 du règlement intérieur du SDIS de la Haute-Vienne, qui précise qu'une mesure de suspension ne peut excéder 4 mois ; or, il a demandé en vain à plusieurs reprises des explications sur son exclusion, notamment par des courriers du 30 avril et du 5 octobre 2018 ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'il n'est pas à l'origine des dysfonctionnements au sein du SDIS et que c'est à juste titre qu'il a dénoncé les nouvelles modalités de la gestion individuelle des alertes (GIA), qui sont contraires à
l'article 54 du règlement opérationnel du SDIS ;
S'agissant de la décision du 12 juillet 2018 :
- il ne s'agit pas d'une mesure d'ordre intérieur, car elle a porté atteinte à ses prérogatives, à ses droits et libertés fondamentaux, et a diminué ses responsabilités et sa rémunération, qui a été baissée d'environ 100 euros par mois ;
- cette mesure n'a été précédée d'aucune des procédures préalables prévues par le décret n° 2013-412 du 17 mai 2013 ;
- elle n'est pas motivée au sens de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors que ses problèmes de comportement ne sont pas démontrés et que la décision n'est pas motivée par ces problèmes ; en outre, sa " demande du 26 mars 2018 " visée par la décision, et qui en constitue la seule motivation, était seulement une demande de suspension provisoire.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 novembre 2022, le SDIS de la
Haute-Vienne, représenté par Me Clerc, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. C... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- le décret n° 2013-412 du 17 mai 2013 ;
- l'arrêté du président du conseil d'administration du SDIS de la Haute-Vienne du 12 juillet 2007, portant règlement intérieur du corps départemental et du SDIS de la
Haute-Vienne ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac,
- et les conclusions de Mme Kolia Gallier, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... C..., lieutenant sapeur-pompier volontaire affecté au centre d'incendie et de secours (CIS) de Saint-Yrieix La Perche (Haute-Vienne) s'est vu confier, par une décision en date du 27 mai 2014, en complément de ses missions opérationnelles, des fonctions d'aide mécanicien au sein de ce centre puis, par une décision du 22 décembre 2015, celles de mécanicien. Par une décision du 15 mars 2018, le directeur du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Haute-Vienne l'a suspendu de ses fonctions opérationnelles au centre de secours de Saint-Yrieix La Perche et l'a affecté sur des fonctions de chef de groupe sur le secteur sud. Par une décision du 12 juillet 2018, le même directeur a mis un terme, à compter du 1er juin 2018, à l'exercice par M. C... de ses fonctions de mécanicien. M. C... relève appel du jugement du tribunal administratif de Limoges du 16 décembre 2020 qui a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces deux décisions.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision du 15 mars 2018 :
2. Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières, dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance. Cette règle, qui a pour seul objet de borner dans le temps les conséquences de la sanction attachée au défaut de mention des voies et délais de recours, ne porte pas atteinte à la substance du droit au recours, mais tend seulement à éviter que son exercice, au-delà d'un délai raisonnable, ne mette en péril la stabilité des situations juridiques et la bonne administration de la justice, en exposant les défendeurs potentiels à des recours excessivement tardifs. Il appartient dès lors au juge administratif d'en faire application au litige dont il est saisi, quelle que soit la date des faits qui lui ont donné naissance.
3. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision en litige, laquelle ne comporte pas la mention des voies et délais de recours, ait été notifiée à M. C.... Toutefois, si ce dernier soutient qu'il n'en a eu connaissance que le 17 août 2019, il ne pouvait raisonnablement ignorer l'existence de ladite décision, dès lors d'une part qu'elle a été précédée d'un entretien le 14 mars 2018, visé dans la décision contestée, et dont M. C... ne conteste pas qu'il se soit tenu, et, d'autre part, qu'elle a nécessairement eu pour effet de lui interdire de reprendre ses fonctions de sapeur-pompier volontaire au centre de secours de Saint-Yrieix La Perche et de l'affecter exclusivement sur des fonctions de chef de groupe en dehors de ce centre de secours, fonctions que l'intéressé ne conteste pas avoir effectivement exercées. En outre, par un courrier en date du 26 mars 2018 au directeur départemental, l'intéressé relève qu'il lui est désormais " interdit d'intervenir au sein du centre de secours de Saint-Yrieix ". Enfin, dans une correspondance du 22 octobre 2018 produite à l'appui des écritures du SDIS, son directeur a informé l'avocate de M. C... que " la reprise de fonction plus avancée " de ce dernier " au sein du centre de secours de Saint-Yrieix pourrait avoir lieu après la nomination d'un chef de centre en titre, nomination qui devrait intervenir en fin d'année " et qui devrait permettre " de faciliter avec bienveillance le retour de M. C... dans les rangs du centre. ". Dans ces conditions, M. C... doit être regardé comme ayant eu connaissance de la décision le suspendant de ses fonctions opérationnelles et l'affectant sur des fonctions de chef de groupe, plus d'un an avant le 20 décembre 2019, date à laquelle il a introduit son recours contre la décision du 15 mars 2018 devant le tribunal administratif. Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que ses conclusions à fin d'annulation de cette décision étaient tardives.
En ce qui concerne la décision du 12 juillet 2018 :
4. Les mesures prises à l'égard d'agents publics qui, compte tenu de leurs effets, ne peuvent être regardées comme leur faisant grief, constituent de simples mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours. Il en va ainsi des mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu'ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu'ils tiennent de leur statut ou à l'exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ni n'emportent perte de responsabilités ou de rémunération. Le recours contre de telles mesures, à moins qu'elles ne traduisent une discrimination, est irrecevable.
5. Aux termes de l'article L. 723-4 du code de la sécurité intérieure : " Par son engagement, le sapeur-pompier volontaire participe, sur l'ensemble du territoire, aux missions de sécurité civile de toute nature, confiées principalement aux services d'incendie et de secours, et peut également exercer des missions ou remplir des fonctions particulières dans le cadre de l'organisation des services. ". Selon l'article L. 723-5 du code de la sécurité intérieure : " L'activité de sapeur-pompier volontaire, qui repose sur le volontariat et le bénévolat, n'est pas exercée à titre professionnel mais dans des conditions qui lui sont propres. ". Enfin, aux termes de l'article 6.6.6 du règlement intérieur susvisé : " En dehors des missions opérationnelles, chaque sapeur- pompier volontaire peut se voir confier pendant ces périodes, des tâches d'entrainement physique, de formation professionnelle, de contrôle et d'entretien des locaux, matériels ou agrès et des tâches de gestion administrative ou technique. ".
6. Il ressort des pièces du dossier, notamment du courrier du 11 juin 2018 adressé par le directeur du SDIS de la Haute-Vienne au préfet de ce département, reprenant les conclusions du rapport de l'enquête administrative sur les difficultés internes au centre d'incendie et de secours de Saint-Yrieix La Perche commandée le 20 mars 2018, que ce centre a connu des dysfonctionnements liés d'une part à la mise en place d'un nouveau dispositif, la gestion individualisée de l'alerte, mal accepté par les sapeurs-pompiers, d'autre part à des tensions importantes au sein de l'encadrement entre le lieutenant B... et le lieutenant C...,lesquelles ont conduit le directeur départemental du SDIS à suspendre, par une décision du 15 mars 2018, M. C... de ses fonctions opérationnelles dans l'attente des résultats de l'enquête administrative. Puis, après que l'intéressé ait demandé par un courrier du 26 mars 2018 à être suspendu de ses fonctions de mécanicien " sur la même période que durera l'interdiction qui m'est faite d'intervenir ", le directeur du SDIS a, par la décision contestée, mis un terme à ses fonctions de mécanicien.
7. Comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, la cessation des fonctions de mécanicien de M. C... n'a pas eu pour effet de priver ce dernier des fonctions opérationnelles qui lui sont dévolues en vertu de l'article L. 723-5 du code de la sécurité intérieure. Ainsi, et alors au demeurant que l'activité de sapeur-pompier volontaire repose sur le volontariat et le bénévolat, cette cessation de fonctions ne saurait donc être regardée comme étant de nature à porter atteinte aux droits et prérogatives qu'il tient de cette qualité ou à l'exercice de ses droits et libertés fondamentaux, ni à diminuer ses responsabilités. Si en appel, M. C... soutient que cet arrêt de ses fonctions de mécanicien aurait fait baisser sa rémunération " d'environ 100 euros par mois ", il ne l'établit nullement. Enfin, il ressort des pièces du dossier que cette mesure n'a pas été édictée dans le but de sanctionner le requérant, lequel a lui-même demandé à être suspendu de ses fonctions de mécanicien, mais de restaurer un climat serein au centre de secours et d'assurer l'efficacité des interventions, au vu des difficultés mentionnées au point ci-dessus. Dans ces conditions, et alors que M. C... n'établit ni même ne soutient avoir été victime d'une discrimination, l'acte contesté, qui a été pris dans l'intérêt du service, présente le caractère d'une mesure d'ordre intérieur, qui ne fait pas grief et n'est donc pas susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif a considéré que les conclusions aux fins d'annulation de la décision du 12 juillet 2018 présentées par M. C... devaient également être rejetées comme irrecevables.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté ses demandes d'annulation.
Sur les frais liés au litige :
9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le SDIS de la Haute-Vienne sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au service départemental d'incendie et de secours de la Haute-Vienne.
Délibéré après l'audience du 9 mai 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
Mme Anne Meyer, présidente assesseure,
Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er juin 2023.
La rapporteure,
Florence Rey-Gabriac
La présidente,
Catherine Girault
La greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne à la préfète de la Haute-Vienne en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
21BX00578 2