Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'une part, d'annuler l'arrêté du 10 mars 2020 par lequel le maire de Saint-François a refusé de lui délivrer un permis de construire et, d'autre part, de condamner solidairement la commune de Saint-François et l'État à lui verser la somme de 15 000 euros en réparation de son préjudice.
Par un jugement n° 2000502 du 23 avril 2021, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 17 juillet 2021, Mme A..., représentée par Me Relouzat Bruno, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 23 avril 2021 ;
2°) d'annuler la décision 17 mars 2020 portant refus d'accorder le permis de construire demandé le 13 janvier 2020 valant retrait de l'autorisation tacite n° PC 97112520SF012 définitivement intervenue le 14 mars 2020 ;
3°) d'enjoindre au maire de Saint-François de lui délivrer un certificat valant permis de construire tacite instruit sous le n° PC 97112520SF012 intervenu le 13 mars 2020 dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard en application de l'article L. 911-3 du code de justice administrative ; à titre subsidiaire, d'enjoindre au maire de lui délivrer un permis de construire en application de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, dans un délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
4°) de lui allouer la somme de 4 000 euros au titre de ses frais irrépétibles.
Elle soutient que :
- elle est bénéficiaire à compter du 13 mars 2020, en application des articles L. 424-2 et R*423-23 du code de l'urbanisme, d'un permis de construire tacite qui a été retiré le 17 mars suivant sans procédure contradictoire préalable en méconnaissance des articles L. 121-1 et L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration ;
- à titre subsidiaire, en ne suivant pas les conclusions particulièrement motivées de son rapporteur public sur l'inexacte application par le préfet des dispositions de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme et ne retenant pas que la parcelle AV n°569 est bien en continuité avec le hameau urbanisé et en rupture franche avec le nord agricole, le tribunal administratif a commis une erreur de droit et a dénaturé les faits de l'espèce ;
- le préfet a fait une inexacte application de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme dès lors que la parcelle d'assiette du projet litigieux, qui s'intègre au sein d'un hameau d'une cinquantaine de maisons appartient à une partie urbanisée de la commune ; il n'existe aucune coupure physique et objective entre la parcelle cadastrée AV n°569 et le hameau alors que la coupure est en revanche particulièrement marquée avec la vaste espace naturel et agricole visé par le tribunal ;
- l'annulation du refus de permis de construire pris au visa de l'avis défavorable du préfet implique que la cour ordonne à l'autorité compétente de délivrer le permis de construire sollicité.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 février 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- l'ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Birsen Sarac-Deleigne,
- les conclusions de M. Romain Roussel Cera, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... a déposé, le 13 janvier 2020 une demande de permis de construire en vue de l'édification d'une maison individuelle d'une surface de plancher de 105 mètres carrés sur un terrain, cadastré AV n°569, situé au lieu-dit La Coulée sur le territoire de la commune de Saint-François. Le 6 mars 2020, le préfet de la Guadeloupe a émis un avis conforme défavorable au projet en application des dispositions de l'article L. 422-5 du code de l'urbanisme. Par un arrêté du 10 mars 2020, notifié le 17 mars 2020, le maire de la commune de Saint-François a refusé de lui délivrer le permis de construire sollicité. Par un jugement du 23 avril 2021, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté la demande de Mme A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 mars 2020 ainsi qu'à la condamnation de la commune de Saint-François à lui verser la somme de 15 000 euros en réparation de son préjudice. Mme A... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 mars 2020.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne l'existence d'un permis de construire tacite retiré en méconnaissance du principe du contradictoire :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 424-2 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Le permis est tacitement accordé si aucune décision n'est notifiée au demandeur à l'issue du délai d'instruction. / (...) ". Aux termes de l'article R. 423-23 du même code : " Le délai d'instruction de droit commun est de : / (...) b) Deux mois pour (...) les demandes de permis de construire portant sur une maison individuelle, au sens du titre III du livre II du code de la construction et de l'habitation, ou ses annexes (...) ". Aux termes de l'article R. 423-19 de ce code : " Le délai d'instruction court à compter de la réception en mairie d'un dossier complet. ". Aux termes de l'article R. 423-22 : " Pour l'application de la présente section, le dossier est réputé complet si l'autorité compétente n'a pas, dans le délai d'un mois à compter du dépôt du dossier en mairie, notifié au demandeur (...) la liste des pièces manquantes dans les conditions prévues par les articles R. 423-38 et R. 423-41. ". Aux termes de l'article R. 424-1 : " A défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction déterminé comme il est dit à la section IV du chapitre III ci-dessus, le silence gardé par l'autorité compétente vaut, selon les cas : / (...) b) Permis de construire (...) tacite. ". Aux termes de l'article R. 424-10 : " La décision (...) refusant le permis (...) est notifiée au demandeur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception postal, ou, dans les cas prévus à l'article R. 423-48, par transmission électronique. ". Aux termes de l'article R.423-48, alors applicable : " Lorsque la demande précise que le demandeur accepte de recevoir à une adresse électronique les réponses de l'autorité compétente, les notifications peuvent lui être adressées par échange électronique. / Dans ce cas, le demandeur est réputé avoir reçu ces notifications à la date à laquelle il les consulte à l'aide de la procédure électronique. Un accusé de réception électronique est adressé à l'autorité compétente au moment de la consultation du document. A défaut de consultation à l'issue d'un délai de huit jours après leur envoi, le demandeur est réputé avoir reçu ces notifications. ".
3. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'un permis de construire est réputé être titulaire d'un permis tacite si aucune décision ne lui a été notifiée avant l'expiration du délai réglementaire d'instruction de son dossier. En cas de notification par échange électronique, cette notification intervient à la date à laquelle le demandeur consulte la réponse de l'autorité compétente et à défaut de consultation à l'issue d'un délai de huit jours après l'envoi, le demandeur est réputé en avoir reçu notification. Par ailleurs, aux termes de l'article 12 ter de l'ordonnance du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période : " Sans préjudice de la faculté de prévoir, pour les mêmes motifs que ceux énoncés à l'article 9, une reprise des délais par décret, les délais d'instruction des demandes d'autorisation et de certificats d'urbanisme et des déclarations préalables prévus par le livre IV du code de l'urbanisme, y compris les délais impartis à l'administration pour vérifier le caractère complet d'un dossier ou pour solliciter des pièces complémentaires dans le cadre de l'instruction, ainsi que les procédures de récolement prévues à l'article L. 462-2 du même code, qui n'ont pas expiré avant le 12 mars 2020 sont, à cette date, suspendus. Ils reprennent leur cours à compter du 24 mai 2020 (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du récépissé délivré par la mairie de Saint-François que la demande de permis de construire de Mme A... a été déposée le 13 janvier 2020. Il est constant que pour cette demande, le délai d'instruction était de deux mois et qu'aucune demande de pièces complémentaires interrompant ce délai n'a été adressée à l'intéressée. Ainsi, le délai qui a commencé à courir à compter du 13 janvier 2020 expirait le 13 mars 2020. Si le maire de Saint-François a entendu refuser la délivrance du permis sollicité par un arrêté du 10 mars 2020, il ressort des pièces produites par la requérante en première instance et il n'est pas contesté que cet arrêté lui a été notifié par un courriel daté du 17 mars 2020, soit après expiration du délai d'instruction initialement prévu, le service instructeur ayant précisé que le service était fermé pour raison sanitaire. Toutefois, il résulte des dispositions de l'article 12 de l'ordonnance du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire que le délai d'instruction de la demande de permis de construire déposée par Mme A... qui n'avait pas expiré avant le 12 mars 2020 a été suspendu à compter de cette même date jusqu'au 24 mai 2020 pour expirer le 25 mai suivant. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle serait titulaire d'un permis de construire tacite que la décision du 17 mars 2020 aurait eu pour effet de retirer en méconnaissance du principe du contradictoire.
En ce qui concerne la méconnaissance de l'article. L. 111-3 du code de l'urbanisme :
5. Aux termes de l'article L. 174-1 du code de l'urbanisme : " Les plans d'occupation des sols qui n'ont pas été mis en forme de plan local d'urbanisme, en application du titre V du présent livre, au plus tard le 31 décembre 2015 sont caducs à compter de cette date, sous réserve des dispositions des articles L. 174-2 à L. 174-5. / La caducité du plan d'occupation des sols ne remet pas en vigueur le document d'urbanisme antérieur. / A compter du 1er janvier 2016, le règlement national d'urbanisme mentionné aux articles L. 111-1 et L. 422-6 s'applique sur le territoire communal dont le plan d'occupation des sols est caduc ". Aux termes de l'article L.422-5 du même code : " Lorsque le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale est compétent, il recueille l'avis conforme du préfet si le projet est situé : / a) Sur une partie du territoire communal non couverte par une carte communale, un plan local d'urbanisme ou un document d'urbanisme en tenant lieu (...) ".
6. Il est constant que, à la date de l'arrêté attaquée, le territoire de la commune de Saint-François n'était pas couvert par un plan local d'urbanisme, ni par une carte communale, ou par un document d'urbanisme en tenant lieu. Il est également constant que le plan d'occupation des sols de la commune de Saint-François est devenu caduc, de sorte que le règlement national d'urbanisme était applicable sur le territoire communal. Ainsi, en application de l'article L. 422-5 de ce code, le maire de Saint-François a recueilli l'avis conforme du préfet de la Guadeloupe, lequel a émis un avis défavorable le 6 mars 2020 au motif que le terrain d'assiette du projet de M. A..., qui est éloigné des centres agglomérés de la commune, ne se situait pas dans une partie urbanisée de la commune.
7. Aux termes de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme : " En l'absence de plan local d'urbanisme, de tout document d'urbanisme en tenant lieu ou de carte communale, les constructions ne peuvent être autorisées que dans les parties urbanisées de la commune ". Ier ou aux directives territoriales d'aménagement précisant leurs modalités d'application ". L'article L. 111-4 du même code, dans sa version applicable au litige, dispose que : " Peuvent toutefois être autorisés en dehors des parties urbanisées de la commune : 1° L'adaptation, le changement de destination, la réfection, l'extension des constructions existantes ou la construction de bâtiments nouveaux à usage d'habitation à l'intérieur du périmètre regroupant les bâtiments d'une ancienne exploitation agricole, dans le respect des traditions architecturales locales ; 2° Les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole, à des équipements collectifs dès lors qu'elles ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière sur le terrain sur lequel elles sont implantées, à la réalisation d'aires d'accueil ou de terrains de passage des gens du voyage, à la mise en valeur des ressources naturelles et à la réalisation d'opérations d'intérêt national ; 3° Les constructions et installations incompatibles avec le voisinage des zones habitées et l'extension mesurée des constructions et installations existantes ; 4° Les constructions ou installations, sur délibération motivée du conseil municipal, si celui-ci considère que l'intérêt de la commune, en particulier pour éviter une diminution de la population communale, le justifie, dès lors qu'elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages, à la salubrité et à la sécurité publiques, qu'elles n'entraînent pas un surcroît important de dépenses publiques et que le projet n'est pas contraire aux objectifs visés à l'article L. 101-2 et aux dispositions des chapitres I et II du titre II du livre Ier ou aux directives territoriales d'aménagement précisant leurs modalités d'application ".
8. Ces dispositions interdisent, en principe, les constructions implantées " en dehors des parties urbanisées de la commune ", c'est-à-dire des parties du territoire communal qui comportent déjà un nombre et une densité significatifs de constructions. Il en résulte qu'en dehors du cas où elles relèvent des exceptions expressément et limitativement prévues par l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme, les constructions ne peuvent être autorisées dès lors que leur réalisation a pour effet d'étendre la partie urbanisée de la commune. Pour apprécier si un projet a pour effet d'étendre une partie actuellement urbanisée de la commune, il est tenu compte de sa proximité avec les constructions existantes situées dans les parties urbanisées de la commune ainsi que du nombre et de la densité des constructions projetées.
9. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des vues aériennes produites au dossier, que le terrain d'assiette du projet litigieux d'une superficie de 2 802 mètres carrés, se situe dans la partie est de la commune au lieu-dit La Coulée dans une zone d'habitats dispersés et est distant de près de 2,5 kilomètres du centre bourg. A supposer que la zone puisse être considérée comme un hameau, cette parcelle est localisée à l'extrémité Nord, dans la partie la moins dense du hameau. En outre, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, si la parcelle litigieuse jouxte au Sud un terrain bâti, elle s'ouvre au Nord sur un vaste espace naturel et agricole, à l'Ouest sur une parcelle non bâtie et à l'Est sur une zone comportant des constructions discontinues, elles-mêmes entourées de vastes parcelles naturelles. Dans ces conditions, au regard de la configuration des lieux, alors même que le terrain est desservi par une voirie et des réseaux publics, le préfet de la Guadeloupe n'a pas fait une inexacte application de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme en estimant que ce terrain n'était pas situé dans les parties urbanisées de la commune. Les extraits du constat d'huissier de justice repris dans sa requête dont se prévaut la requérante ne comportent aucune constatation de nature à infirmer cette appréciation. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme doit être écarté.
10. Il résulte de toute ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.
Sur les frais liés à l'instance :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint-François ou de l'État qui ne sont pas dans la présente instance les parties perdantes, la somme demandée par Mme A... sur le fondement ces dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B..., à la commune de Saint-François et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Délibéré après l'audience du 17 mai 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente,
Mme Birsen Sarac-Deleigne, première conseillère,
Mme Charlotte Isoard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juin 2023.
La rapporteure,
Birsen Sarac-DeleigneLa présidente,
Christelle Brouard-LucasLa greffière,
Marion Azam Marche
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 21BX03086