Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), l'association pour la protection des animaux sauvages (ASPAS) et l'association Humanité et Biodiversité (HetB) ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 6 novembre 2020 par lequel la préfète de Lot-et-Garonne a mis en œuvre des dérogations au confinement en matière de régulation de la faune sauvage et de destruction d'espèces animales susceptibles d'occasionner des dégâts relevant de missions d'intérêt général sur demande de l'autorité administrative.
Par un jugement n° 2005175 du 12 janvier 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a, d'une part, admis l'intervention en défense de la fédération départementale des chasseurs de Lot-et-Garonne et, d'autre part, rejeté la requête de la LPO et autres.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 mars 2023, et un mémoire, enregistré le 18 juillet 2023, celui-ci n'ayant pas été communiqué, la LPO et autres, représentées par Me Victoria, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2005175 du tribunal administratif de Bordeaux du 12 janvier 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 6 novembre 2020 de la préfète de Lot-et-Garonne ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- le jugement est irrégulier dès lors que, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, elles disposent d'un intérêt leur donnant qualité pour agir contre l'arrêté du 6 novembre 2020 ;
- les membres de la commission départementale de la chasse et de la faune sauvage n'ont pas reçu de convocation comportant l'ordre du jour et les documents nécessaires à l'examen des affaires qui y sont inscrites au moins cinq jours avant la réunion, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 133-8 du code des relations entre le public et l'administration ;
- aucune procédure de participation du public n'a été mise en œuvre, en méconnaissance de l'article L. 123-19-1 du code de l'environnement ;
- l'arrêté méconnaît les articles 3 et 4 du décret du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire dès lors qu'il autorise la chasse en battue, et donc les rassemblements et regroupements de personnes sans limite de nombre, y compris pour des espèces pour lesquelles ce mode de chasse n'est pas nécessaire ; la préfète ne pouvait pas assouplir les interdictions prévues aux articles 3 et 4 du décret du 29 octobre 2020 ;
- l'arrêté est entaché d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il inclut, en tant que mission d'intérêt général, des activités de chasse non nécessaires à la régulation de la faune sauvage en vue de réduire les dégâts aux cultures, aux forêts et aux biens visant des espèces telles que la corneille noire, la pie bavarde, le geai des chênes, l'étourneau sansonnet, le renard roux, la fouine et le pigeon ramier, dont la chasse n'est pas autorisée à cette période de l'année ;
- l'arrêté est trop général et n'est pas circonscrit aux seules espèces susceptibles de générer des dégâts aux cultures, forêts ou biens et à des modes de chasse spécifiques ; il n'est justifié d'aucun dégât ; il n'y a pas de semis de maïs, tournesol, colza, céréales à paille à l'automne ; les dégâts imputés aux renards sont anciens ; aucun dégât n'est imputé au geai des chênes, à la pie bavarde, à la fouine, à l'étourneau sansonnet ; ces espèces ont déjà fait l'objet d'une régulation cynégétique ; les pigeons régulés à l'automne ne sont pas les mêmes que ceux susceptibles d'occasionner des dégâts au printemps dès lors qu'ils s'inscrivent dans des mouvements migratoires distincts ; la destruction par tirs, notamment du pigeon ramier, s'apparente à une pratique de loisirs dès lors que le piégeage est autorisé ; il n'est pas justifié que cette dérogation n'est pas limitée aux seuls lieutenants de louvèterie.
Par un mémoire, enregistré le 13 juin 2023, la fédération départementale de chasseurs de Lot-et-Garonne, représentée par Me Lagier, intervenant au soutien de l'Etat, conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que :
- ayant intérêt au maintien du jugement attaqué et de la décision contestée, son intervention est recevable ;
- les conclusions de première instance tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 novembre 2020 sont irrecevables dès lors que les requérantes ne disposent pas d'un intérêt à agir ; l'association HetB n'est pas agréée et son président n'a pas été autorisée à agir en justice par son assemblée générale ;
- les moyens soulevés par les requérantes ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juin 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les conclusions de première instance tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 novembre 2020 sont irrecevables dès lors que les requérantes ne disposent pas d'un intérêt à agir et que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Michaël Kauffmann,
- les conclusions de Mme Nathalie Gay, rapporteure publique,
- et les observations de Me Victoria, représentant les associations requérantes, et de Me Lagier, représentant la fédération départementale de chasseurs de Lot-et-Garonne.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 6 novembre 2020, la préfète de Lot-et-Garonne a déterminé, en application du décret du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19, les modalités d'organisation, pendant la période de confinement, des opérations de régulation de la faune sauvage et de destruction d'espèces animales susceptibles d'occasionner des dégâts dans le département. La LPO et autres relèvent appel du jugement du 12 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a, d'une part, admis l'intervention en défense de la fédération départementale des chasseurs de Lot-et-Garonne et, d'autre part, rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 novembre 2020.
Sur l'intervention de la fédération départementale des chasseurs de Lot-et-Garonne :
2. Aux termes de l'article 1er de ses statuts, la fédération départementale des chasseurs de Lot-et-Garonne a notamment pour objet " (...) de participer à la mise en valeur du patrimoine cynégétique départemental et à la protection et à la gestion de la faune sauvage ainsi que de ses habitats. Elle assure la promotion et la défense de la chasse ainsi que des intérêts de ses adhérents. (...) ". Eu égard à cet objet, la fédération départementale des chasseurs de Lot-et-Garonne a intérêt au maintien du jugement attaqué. Par conséquent, son intervention, régulièrement présentée, est recevable.
Sur la régularité du jugement :
3. D'une part, aux termes de l'article 4 du décret du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, alors en vigueur : " I. - Tout déplacement de personne hors de son lieu de résidence est interdit à l'exception des déplacements pour les motifs suivants en évitant tout regroupement de personnes : / (...) / 8° Participation à des missions d'intérêt général sur demande de l'autorité administrative. (...) ".
4. D'autre part, aux termes du second alinéa de l'article L. 142-1 du code de l'environnement : " Toute association de protection de l'environnement agréée au titre de l'article L. 141-1 (...) justifient d'un intérêt pour agir contre toute décision administrative ayant un rapport direct avec leur objet et leurs activités statutaires et produisant des effets dommageables pour l'environnement sur tout ou partie du territoire pour lequel elles bénéficient de l'agrément dès lors que cette décision est intervenue après la date de leur agrément. ". L'agrément pour la protection de l'environnement a pour objet de favoriser, par la voie des associations agréées, la participation des citoyens à la concertation locale sur les décisions relatives à l'environnement. Il confère intérêt pour agir contre toute décision administrative, quel que soit son auteur, susceptible de produire des effets dommageables pour l'environnement sur le territoire pour lequel l'association est agréée.
5. Aux termes de l'article 2 de ses statuts, l'ASPAS, association agréée de protection de l'environnement en vertu de l'article L. 141-1 du code de l'environnement, a notamment pour objet, sur l'ensemble du territoire national, d'agir pour la protection de la faune, la réhabilitation des animaux sauvages et la défense des différentes espèces animales. Dans le cadre de cet objectif, cette association se donne pour mission d'accomplir tous les actes devant les juridictions pouvant contribuer directement ou indirectement à sa réalisation. L'arrêté du 6 novembre 2020 de la préfète de Lot-et-Garonne, qui a pour objet d'autoriser les chasseurs et les détenteurs de droit de chasse, par dérogation à l'interdiction de rassemblement et de déplacement des personnes hors de leur lieu de résidence édictée pendant la période de confinement sanitaire, à organiser et mettre en œuvre des missions de régulation de la faune sauvage sur certaines espèces animales tels le sanglier, le chevreuil et le cerf, a un rapport direct avec l'objet et l'activité statutaires de l'ASPAS et est susceptible de produire des effets dommageables pour l'environnement, quand bien même l'intérêt général de ces missions serait admis, au sens et pour l'application du 8° de l'article 4 du décret précité du 29 octobre 2020. Dès lors, cette association justifie, au regard des dispositions du second alinéa de l'article L. 142-1 du code de l'environnement, d'un intérêt lui donnant qualité pour agir contre cet arrêté. Dans ces conditions, alors que la recevabilité d'une requête collective est assurée lorsque l'un au moins des requérants est recevable à agir, la LPO et autres sont fondées à soutenir que le jugement attaqué, par lequel leur demande a été rejetée comme irrecevable pour défaut d'intérêt à agir, est entaché d'irrégularité et à en demander l'annulation.
6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Bordeaux pour qu'il statue à nouveau sur la demande de la LPO et autres.
Sur les frais liés au litige :
7. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la LPO et autres présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : L'intervention de la fédération départementale des chasseurs de Lot-et-Garonne est admise.
Article 2 : Le jugement n° 2005175 du 12 janvier 2023 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.
Article 3 : La LPO et autres sont renvoyées devant le tribunal administratif de Bordeaux pour qu'il soit statué sur leur demande.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la LPO et autres est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la Ligue pour la protection des oiseaux, désignée en qualité de représentant unique des requérantes en application de l'article R. 751-3 du code de justice administrative, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la fédération départementale des chasseurs de Lot-et-Garonne.
Copie en sera adressée au préfet de Lot-et-Garonne.
Délibéré après l'audience du 5 septembre 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,
M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 septembre 2023.
Le rapporteur,
Michaël Kauffmann La présidente,
Evelyne BalzamoLe greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 23BX00746
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