Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 24 février 2023, notifié le 9 mars 2023, par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire sans délai, a désigné le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire pendant une durée de trois ans.
Par un jugement n° 2301244 du 17 mars 2023, le magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du préfet de la Gironde du 24 février 2023 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français sans délai, désignation du pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans et a renvoyé les conclusions de M. B... tendant à l'annulation du refus de séjour à une formation collégiale du tribunal.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 11 avril 2023, le préfet de Gironde demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux du 17 mars 2023 en tant qu'il annule les décisions du 24 février 2023 portant obligation de quitter le territoire français sans délai, désignation du pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal.
Il soutient que M. B... n'apporte pas la preuve de ce qu'il contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de son enfant et qu'il ne pouvait ainsi bénéficier de la protection accordée par les dispositions du 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire enregistré le 24 juin 2023, M. B..., représenté par Me Blal-Zenasni, conclut au rejet de la requête, à l'attribution de l'aide juridictionnelle à titre provisoire et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- elle a été prise par une autorité incompétente ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il remplissait les conditions pour bénéficier des dispositions du 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans :
- elle a été prise par une autorité incompétente ;
- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Au cours de l'audience publique ont été entendus :
- le rapport de Mme Héloïse Pruche-Maurin ;
- les observations de Me Blal-Zenasni, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant tunisien né le 29 avril 1998, est entré en France le 1er mai 2018 selon ses déclarations. L'intéressé a fait l'objet de trois obligations de quitter le territoire français les 16 octobre 2018, 29 novembre 2018 et 27 août 2020, qu'il n'a pas exécutées. Il a sollicité le 27 octobre 2022, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en tant que parent d'enfant français. Par arrêté du 24 février 2023, le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire sans délai, a désigné le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire pendant une durée de trois ans. Par un jugement du 17 mars 2023 dont le préfet relève appel, le magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux a annulé cet arrêté en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français sans délai, désignation du pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans et a renvoyé les conclusions de M. B... tendant à l'annulation de refus de séjour à une formation collégiale du tribunal.
Sur l'attribution de l'aide juridictionnelle à titre provisoire :
2. Il ne résulte pas de l'instruction que M. B... aurait présenté une demande d'admission à l'aide juridictionnelle. Il ne peut, dès lors, être fait droit à sa demande tendant à être admis provisoirement au bénéfice de cette aide.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Pour prononcer l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français, et par voie de conséquence, des décisions portant désignation du pays de renvoi, refus d'octroi d'un délai de départ et interdiction de retour sur le territoire pour une durée de 3 ans, le magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux a jugé que M. B... ne pouvait faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français dès lors qu'il était parent d'un enfant français mineur résidant en France, et qu'il établissait contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de ce dernier et a retenu le moyen tiré de ce que la décision du préfet a méconnu les dispositions du 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 5° L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ; (...) ". Aux termes de l'article 371-2 du code civil : " Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant. (...) ".
5. M. B... est père d'un enfant français né le 28 juillet 2021 de son union avec une ressortissante française. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des nombreuses photographies produites et des attestations émises dans le cadre de sa demande de titre de séjour, qu'il a contribué de manière effective à l'entretien et l'éducation de son fils, dont il partageait le domicile, jusqu'à la séparation du couple en novembre 2022, l'épouse ayant dénoncé les violences qu'elle subissait et sollicité la protection du juge judiciaire. Par une ordonnance de protection du 27 décembre 2022, le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Bordeaux a fixé les modalités d'exercice de l'autorité parentale en l'attribuant exclusivement à la mère, dans l'attente du jugement correctionnel relatif aux violences dénoncées, et a fixé un droit de visite du père sur l'enfant au point de rencontre en milieu médiatisé de l'association d'enquête et de médiation (AEM) 33, ainsi qu'une pension alimentaire due pour l'entretien et l'éducation de l'enfant d'un montant de 150 euros par mois. Si M. B... a été placé en détention provisoire et incarcéré, à compter du 1er février 2023, pour les violences commises sur son ex-conjointe, il établit, comme l'a relevé à juste titre le premier juge, avoir effectué début janvier un versement d'une somme de 150 euros à la mère de son enfant et avoir effectué les démarches auprès du point de rencontre afin de se conformer à l'ordonnance de protection, l'AEM 33 lui ayant proposé le 1er mars 2023 comme date de premier rendez-vous. Ainsi, à la date de la mesure d'éloignement contestée, M. B... établit participer effectivement à l'entretien et à l'éducation de son enfant depuis sa naissance, quand bien même il a été dans l'impossibilité d'avoir des relations suivies avec ce dernier depuis la séparation du couple, compte tenu de la procédure judiciaire le visant et de son incarcération. Dans ces conditions, M. B... est fondé à soutenir que la décision attaquée méconnaît les dispositions du 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Gironde n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux a annulé les décisions du 24 février 2023 portant obligation de quitter le territoire français sans délai, désignation du pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans. Par suite sa requête doit être rejetée.
Sur les frais d'instance :
7. M. B... n'a pas été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Son avocat ne peut, par suite, se prévaloir des dispositions de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Les conclusions de la requête tendant à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, ainsi, être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet de la Gironde est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de M. B... tendant à l'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. A... B....
Copie en sera adressée au préfet de Gironde.
Délibéré après l'audience du 12 septembre 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente,
M. Ellie, premier conseiller,
Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 octobre 2023.
La rapporteure,
Héloïse Pruche-MaurinLa présidente,
Elisabeth Jayat
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 23BX01018 2