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10/10/2023 | FRANCE | N°21BX04598

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 10 octobre 2023, 21BX04598


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée Opti Cubes a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre de l'année 2019 pour un montant de 4 959 euros et d'enjoindre au directeur régional des finances publiques de la Guadeloupe de procéder à la restitution de la somme de 12 989 euros correspondant au crédit d'impôt investissements productifs outre-mer au titre de l'année 2019.

Par un juge

ment n° 2000913 du 21 octobre 2021, le tribunal administratif de la Guadeloupe a reje...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée Opti Cubes a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre de l'année 2019 pour un montant de 4 959 euros et d'enjoindre au directeur régional des finances publiques de la Guadeloupe de procéder à la restitution de la somme de 12 989 euros correspondant au crédit d'impôt investissements productifs outre-mer au titre de l'année 2019.

Par un jugement n° 2000913 du 21 octobre 2021, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 décembre 2021, la société Opti Cubes, représentée par Me Michel-Gabriel, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2000913 du tribunal administratif de la Guadeloupe du 21 octobre 2021 ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre de l'année 2019 pour un montant de 4 959 euros ;

3°) d'enjoindre au directeur régional des finances publiques de la Guadeloupe de procéder à la restitution de la somme de 12 989 euros correspondant au crédit d'impôt investissements productifs outre-mer au titre de l'année 2019 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat les frais qu'elle a exposés au cours de l'instance, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle remplit les conditions prévues à l'article 244 quater W du code général des impôts pour bénéficier du crédit d'impôt investissements productifs outre-mer au titre de l'année 2019 ;

- elle exerce à titre principal une activité de production et de transformation sur mesure de verres optiques ; cette activité relève de l'artisanat, secteur éligible au crédit d'impôt investissements productifs outre-mer ;

- l'acquisition d'un véhicule est strictement indispensable à l'activité de la société ; dans ces conditions, cet investissement est éligible au crédit d'impôt prévu à l'article 244 quater W du code général des impôts ;

- l'acquisition de cinq machines-outils, utilisés pour les besoins de l'activité de production de la société, ne constitue pas du simple mobilier d'aménagement, mais constitue un investissement productif dans un secteur éligible au sens de l'article 199 undecies B du code général des impôts.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 juin 2022, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- les conclusions aux fins de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles la société Opti Cubes a été assujettie au titre de l'année 2019 sont irrecevables, faute d'avoir fait l'objet d'une réclamation contentieuse préalable ;

- les moyens invoqués par la société requérante ne sont pas fondés ;

- il est fondé à solliciter une substitution de base légale de la décision attaquée, qui est fondée dès lors que les investissements réalisés par la société requérante ne sont pas éligibles au dispositif prévu par les dispositions de l'article 244 quater W du code général des impôts ;

- les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont irrecevables, faute d'être chiffrées.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Pauline Reynaud,

- et les conclusions de Mme Nathalie Gay, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société par actions simplifiée Opti Cubes exerce une activité d'opticien-lunetier. Le 9 juillet 2020, cette société a sollicité le bénéfice de l'agrément prévu à l'article 244 quater W du code général des impôts, à raison de l'acquisition d'un véhicule et de matériels de production pour un montant global de 51 281 euros au titre de l'année 2019. Par une décision du 5 août 2020, l'administration fiscale a rejeté cette demande. La société Opti Cubes a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2019 et d'enjoindre au directeur régional des finances publiques de la Guadeloupe de lui restituer la somme de 12 989 euros correspondant au crédit d'impôt pour investissements productifs outre-mer au titre de l'année 2019. La société Opti Cubes relève appel du jugement n° 2000913 du 21 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. D'une part, aux termes de l'article 199 undecies B du code général des impôts : " I. -Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs qu'ils réalisent dans les départements d'outre-mer, (...) / Toutefois, n'ouvrent pas droit à la réduction d'impôt les investissements réalisés, dans les secteurs d'activité suivants : a) Commerce (...) ". Aux termes de l'article 244 quater W du même code dans sa rédaction alors applicable : " I - 1. Les entreprises imposées d'après leur bénéfice réel (...) exerçant une activité agricole ou une activité industrielle, commerciale ou artisanale (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt à raison des investissements productifs neufs qu'elles réalisent dans un département d'outre-mer pour l'exercice d'une activité ne relevant pas de l'un des secteurs énumérés aux a à l du I de l'article 199 undecies B (...) II. ' 1. Le crédit d'impôt est assis sur le montant (...) des investissements productifs (...) VII. ' Lorsque le montant total par programme d'investissements est supérieur aux seuils mentionnés au II quater et au III de l'article 217 undecies, le bénéfice du crédit d'impôt est conditionné à l'obtention d'un agrément préalable délivré par le ministre chargé du budget dans les conditions prévues au III du même article. VIII. ' 1. L'investissement ayant ouvert droit au crédit d'impôt doit être affecté, par l'entreprise qui en bénéficie, à sa propre exploitation pendant un délai de cinq ans, décompté à partir de la date de l'acquisition ou de la création du bien (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 110-1 du code de commerce : " La loi répute actes de commerce : / 1° Tout achat de biens meubles pour les revendre, soit en nature, soit après les avoir travaillés et mis en œuvre ; (...) ".

4. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l'assujettissement à l'impôt ou, le cas échéant, s'il remplit les conditions légales d'une exonération.

5. L'agrément sollicité par la société Opti Cubes l'a été dans le cadre de l'acquisition d'un véhicule et de matériels de production. Pour refuser de délivrer cet agrément, le directeur régional des finances publiques de la Guadeloupe s'est fondé sur la circonstance que l'activité exercée par la société Opti Cubes relève du secteur du commerce, qui n'est pas un secteur éligible au crédit d'impôt investissements productifs outre-mer, en application des dispositions combinées des articles 244 quater W et 199 undecies B du code général des impôts.

6. La société Opti Cubes soutient que ses investissements n'ont pas été réalisés dans le secteur commercial dès lors que son activité principale relève de l'artisanat, secteur éligible au bénéfice du crédit d'impôt. D'une part, l'article 2 des statuts de la société indique que " La société a pour objet (...) : opticien-lunetier, le commerce de détail d'optique, la vente et le montage de lunettes, de verres correcteurs, de lentilles de contact, de verres solaires, de produits, de petites maroquineries et accessoires ; la vente d'appareils d'audioprothèse. (...) ". D'autre part, il résulte également de l'instruction que la société requérante exerce une activité de montage, de réparation et de transformation de verres et d'instruments d'optiques au sein de son atelier, et qu'ainsi, elle n'exerce pas à titre principal une activité de revente, en l'état, en gros ou en détail. La société requérante est par ailleurs inscrite au répertoire des métiers de l'artisanat et dispose d'une carte professionnelle délivrée par la chambre de métiers et de l'artisanat de la région Guadeloupe pour son activité de montage de lunettes de verres correcteurs. Il résulte enfin du courrier du 12 octobre 2020 adressé par l'administration fiscale à la société Opti Cubes, que l'activité principale de cette société, qui consiste en la vente de produits transformés, procure un chiffre d'affaires ou de recettes dont le montant excède 50% du montant du chiffre d'affaires global ou des recettes totales de l'exploitation au titre des exercices ouverts en 2018 et 2019. Dans ces conditions, la société requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a estimé qu'elle n'exerçait pas à titre principal une activité dans le secteur de l'artisanat et que, dès lors, elle ne remplissait pas les conditions pour bénéficier du crédit d'impôt au titre de l'année 2019.

7. Toutefois, l'administration est en droit, à tout moment de la procédure contentieuse suivie devant le juge de l'impôt, de justifier l'imposition en substituant une base légale à une autre, sous réserve que le contribuable ne soit pas privé des garanties de procédure qui lui sont données par la loi compte tenu de la base légale substituée et notamment de la faculté, prévue par les articles L. 59 et L. 59 A du livre des procédures fiscales, de demander la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires (CIDTCA), lorsque celle-ci est compétente pour connaître du différend.

8. Le ministre de l'action et des comptes publics fait valoir que la décision de refus de remboursement de crédit d'impôt pour investissements productifs outre-mer est légalement justifiée par le motif tiré de l'inéligibilité des investissements réalisés par la société Opti Cubes au crédit d'impôt.

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

9. Aux termes de l'article 244 quater W du code général des impôts : " (...) / Le crédit d'impôt prévu au premier alinéa s'applique également aux travaux de rénovation et de réhabilitation d'hôtel, de résidence de tourisme et de village de vacances classés lorsque ces travaux constituent des éléments de l'actif immobilisé (...) / 2. Le crédit d'impôt ne s'applique pas : / a) A l'acquisition de véhicules définis au premier alinéa du I de l'article 1010 qui ne sont pas strictement indispensables à l'activité ; (...) ". Selon l'article 1010 du même code : " I. - Les sociétés sont soumises à une taxe annuelle à raison des véhicules de tourisme qu'elles utilisent en France (...). Sont considérés comme véhicules de tourisme les voitures particulières (...) ". Selon l'article 23 L quater de l'annexe IV de ce code : " Les véhicules de tourisme (...) mentionnés à l'article L. 421-2 du code des impositions sur les biens et services strictement indispensables à l'activité de l'exploitant, mentionnés (...) au a du 2 du I de l'article 244 quater W et au 1° du 2 du A du I de l'article 244 quater Y du code général des impôts, s'entendent des véhicules neufs, acquis dans le cadre de l'exercice d'une activité ouvrant droit à la réduction d'impôt, à la déduction fiscale ou au crédit d'impôt prévus à ces articles, sans lesquels l'entreprise ne pourrait pas poursuivre son activité ". L'article 1007 de ce code indique que : " 5° Les véhicules de tourisme s'entendent : / a) Des véhicules de la catégorie M1, à l'exception des véhicules à usage spécial qui ne sont pas accessibles en fauteuil roulant ; (...) ".

S'agissant du véhicule :

10. Il résulte du certificat d'immatriculation du véhicule acquis par la société requérante que celui-ci relève de la catégorie M1, de sorte qu'il constitue un véhicule de tourisme au sens des dispositions précitées. La société requérante soutient qu'elle utilise le véhicule acquis pour le transport de marchandises et de machines, pour la vente à domicile et le transport des plateaux de présentation de montures, malettes de verres d'essai, appareils de prises de mesure et ordinateur, ainsi que pour la livraison à domicile et donc le transport des lunettes montées à livrer. Il ne résulte toutefois pas des seuls éléments produits, à savoir des factures de plaques d'acétate et la preuve de deux prises de rendez-vous à domicile, les 16 décembre 2020 et 3 février 2021, que la livraison à domicile fasse partie intégrante de l'activité de la société requérante et qu'ainsi, l'acquisition du véhicule serait strictement indispensable à son activité. En conséquence, la demande de substitution de motifs doit sur ce point être accueillie.

S'agissant du matériel de production :

11. Si la société Opti Cubes se prévaut de l'acquisition de cinq machines-outils pour un montant de 16 275 euros, et produit à ce titre une facture du 21 septembre 2018 de la société Essilor Caraïbes, il résulte toutefois de l'instruction que la demande de remboursement de crédit d'impôt formée au titre de l'année 2019 en litige était quant à elle accompagnée d'une facture LMP construction Antilles du 7 mars 2019 pour un montant de 14 289 euros hors taxes. Ainsi, les travaux réalisés par la société, qui ont consisté dans l'aménagement de son local commercial (démontage vitrine, porte automatique, avancement vitrine, repose porte automatique, aménagement meuble extérieur, achat placo et trappe, et main d'œuvre plaquiste), ne correspondent pas à l'investissement dont se prévaut la société au titre de l'achat de machines-outils, et ne font pas partie de ceux visés à l'article 244 quater W du CGI, éligibles au crédit d'impôt. En conséquence, la demande de substitution de motifs doit sur ce point être accueillie.

En ce qui concerne l'application de la doctrine administrative :

12. La société Opti Cubes n'est pas fondée à se prévaloir de la doctrine publiée le 5 juillet 2017 sous la référence BOI-BIC-RICI-20-10-10-20, laquelle ne contient aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il a été fait application susceptible d'être opposée à l'administration sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a estimé qu'elle ne remplissait pas les conditions pour bénéficier du crédit d'impôt au titre de l'année 2019. Ses conclusions à fin d'annulation de ce jugement doivent donc être rejetées. En conséquence les conclusions présentées à fin d'injonction, ainsi qu'au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au demeurant non chiffrées, doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Opti Cubes est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Opti Cubes et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal Sud-Ouest.

Délibéré après l'audience du 19 septembre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente assesseure,

Mme Pauline Reynaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 octobre 2023.

La rapporteure,

Pauline ReynaudLa présidente,

Evelyne Balzamo Le greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 21BX04598 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX04598
Date de la décision : 10/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: Mme Pauline REYNAUD
Rapporteur public ?: Mme GAY
Avocat(s) : MICHEL-GABRIEL

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-10-10;21bx04598 ?
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