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17/10/2023 | FRANCE | N°21BX00597

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 17 octobre 2023, 21BX00597


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Eveha services administration a demandé au tribunal administratif de Limoges de prononcer le remboursement du crédit d'impôt recherche dont elle s'estime bénéficiaire au titre du second semestre de l'année 2017 à raison de dépenses de recherche qu'elle a engagées, à hauteur de 306 987 euros.

Par un jugement n° 1801254 du 16 décembre 2020, le tribunal administratif de Limoges a fait droit à sa demande de restitution du crédit d'impôt recherche dû au t

itre du second semestre 2017 selon les sommes rectifiées à 2 131 252,52 euros au titre ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Eveha services administration a demandé au tribunal administratif de Limoges de prononcer le remboursement du crédit d'impôt recherche dont elle s'estime bénéficiaire au titre du second semestre de l'année 2017 à raison de dépenses de recherche qu'elle a engagées, à hauteur de 306 987 euros.

Par un jugement n° 1801254 du 16 décembre 2020, le tribunal administratif de Limoges a fait droit à sa demande de restitution du crédit d'impôt recherche dû au titre du second semestre 2017 selon les sommes rectifiées à 2 131 252,52 euros au titre de la rémunération du personnel en charge des opérations de terrain et à 398 066,89 euros au titre des dépenses de valorisation scientifique, et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés les 15 février, 7 octobre 2021, 12 septembre, 26 octobre et 21 novembre 2022, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la société Eveha services administration, représentée par Me Fraignieau, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement n° 1801254 du tribunal administratif de Limoges du 16 décembre 2020 ;

2°) de prononcer le remboursement du crédit d'impôt recherche dont elle s'estime bénéficiaire au titre du second semestre de l'année 2017 à raison de dépenses de recherche qu'elle a engagées, à hauteur de 242 938 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur la régularité du jugement attaqué :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé dès lors qu'il ne répond pas à l'ensemble des moyens qu'elle a soulevés en première instance et notamment ceux exposés dans son dernier mémoire enregistré le 2 novembre 2020, qui n'est d'ailleurs pas visé ;

- les premiers juges ont insuffisamment motivé leur réponse au moyen tiré de ce que l'administration avait méconnu le principe de sécurité juridique ;

- il appartenait aux premiers juges, dans le cadre de leur office, de déterminer eux-mêmes le montant du crédit d'impôt recherche (CIR) auquel elle pouvait prétendre au titre de la correction des erreurs matérielles commises par l'expert du ministère de l'enseignement supérieur de la recherche et de l'innovation (MESRI) ;

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

- en sollicitant un niveau de documentation plus important de sa part pour justifier du crédit d'impôt recherche (CIR) au titre du second semestre 2017, et en modifiant ainsi la règle fiscale qui lui était applicable depuis des années, l'administration a méconnu le principe de sécurité juridique garanti par l'article 2 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et élevé au rang d'objectif à valeur constitutionnelle ; elle a méconnu les dispositions de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales en violant ses prises de position formelles antérieures ;

- en se fondant, pour motiver sa décision de rejet partiel du CIR demandé au titre du second semestre de l'année 2017, sur les conclusions de l'expertise diligentée par le ministère de l'enseignement supérieure de la recherche et de l'innovation (MESRI) concernant le CIR sollicité au titre de l'année 2015, l'administration a méconnu le principe d'annualité de l'impôt et les dispositions de l'article 199 ter B du code général des impôts ;

- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, elle n'a pas été défaillante quant à la production de documentation relative à sa demande de CIR pour l'année 2017 : elle a déposé une documentation complète et détaillée permettant au juge de fonder sa conviction selon le principe de la preuve objective ;

- le montant du supplément de crédit d'impôt recherche (CIR) auquel elle peut prétendre au titre de la correction des erreurs matérielles commises par l'expert du ministère de l'enseignement supérieure de la recherche et de l'innovation (MESRI) s'élève à 64 049 euros et non à 38 823 euros comme l'a décidé l'administration dans sa décision non motivée du 12 janvier 2021 prise en application du jugement de première instance ;

- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges et l'expert du MESRI, les dépenses relatives aux personnels participant aux opérations techniques de fouille, quelles que soit leurs qualifications, constituent des dépenses éligibles au CIR, conformément à la loi fiscale, à la doctrine fiscale et à la jurisprudence du Conseil d'Etat ; en opérant une distinction entre la fouille proprement dite, qu'il juge non éligible, et les activités de terrain nécessitant l'intervention de spécialistes, qu'il juge éligibles, l'expert va à l'encontre des préconisations données par le Conseil national de la recherche archéologique (CNRA) ; or l'ensemble de l'activité de fouille sur le terrain constitue une opération nécessaire à la recherche fondamentale en archéologie préventive ; c'est d'ailleurs ce qu'a décidé le tribunal administratif de Limoges dans deux jugements rendus le 9 juin 2022 concernant le CIR qu'elle a sollicitée au titre des années 2018 et 2019 ;

- la grille d'analyse établie par le MESRI est illégale ;

- par souci de conciliation, elle a écarté dans la base de calcul du CIR qu'elle propose de retenir, toutes les opérations de " fouilles simples ".

Par des mémoires enregistrés les 13 août, 8 novembre 2021, 3 octobre et 8 novembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au non-lieu à statuer concernant les conclusions de l'appelante tendant au remboursement de crédit d'impôt à hauteur de la somme qui lui a été déjà remboursé en exécution du jugement de première instance soit 25 226 euros et au rejet du surplus de la requête.

Il soutient que :

- les conclusions en remboursement ne sont recevables qu'à hauteur de 242 938 euros ;

- les moyens développés par la requérante ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 8 novembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 8 décembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de M. Gueguein, rapporteur public ;

- et les observations de Me Fraignieau représentant la société Eveha services administration.

Considérant ce qui suit :

1. La société Eveha services administration a déposé le 10 avril 2018 auprès de l'administration fiscale, une déclaration en vue de bénéficier du dispositif de crédit d'impôt recherche (CIR) pour les projets de recherche réalisés par sa filiale, la SAS Eveha études et valorisations archéologiques, au cours de l'année 2017. Par décision du 20 juin 2018, l'administration a accordé la restitution d'un crédit d'impôt recherche au titre du premier semestre 2017 et a rejeté sa demande au titre du second semestre 2017. Par deux décisions des 21 mai 2019, l'administration, après expertise diligentée à sa demande par le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation (MESRI), a admis une restitution partielle au titre du second semestre 2017 et a maintenu sa décision de rejet à concurrence d'une somme de 324 943 euros. Par un jugement du 16 décembre 2020, le tribunal administratif de Limoges a fait droit à la demande de la société requérante de restitution du crédit d'impôt recherche dû au titre du second semestre 2017 selon les sommes rectifiées à 2 131 252,52 euros au titre de la rémunération du personnel en charge des opérations de terrain et à 398 066,89 euros au titre des dépenses de valorisation scientifique, et a rejeté le surplus de sa demande. Par la présente requête, la société Eveha services administration relève appel du jugement du tribunal administratif de Limoges en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande.

Sur l'étendue du litige et la fin de non-recevoir opposée par le ministre en défense :

2. Par la présente requête, la société Eveha services administration demande le remboursement du crédit d'impôt recherche (CIR) dont elle s'estime bénéficiaire au titre du second semestre de l'année 2017 à raison de dépenses de recherche qu'elle a engagées, à hauteur de 268 164 euros. Il résulte de l'instruction qu'elle a demandé, en première instance, au tribunal administratif de prononcer ce remboursement à hauteur de 306 987 euros. Il n'est pas contesté qu'elle a obtenu depuis, par deux décisions datées 12 janvier 2021 et 12 mars 2021, des remboursements respectifs de CIR à hauteur de 38 823 euros et 25 226 euros. Si l'administration soutient en défense que la société requérante n'est recevable à demander en appel à ce que soit prononcé un remboursement que dans la limite de l'imposition demeurée en litige, soit à hauteur de 242 938 euros, il résulte de l'instruction que la seconde décision portant sur un remboursement de 25 226 euros est intervenue postérieurement à l'introduction de la requête d'appel le 15 février 2021. Ainsi, à cette date, la société requérante était recevable à solliciter un remboursement à hauteur de de 268 164 euros. Par ailleurs, et dès lors que la société Eveha services administration a réduit, après que l'administration ait précisé les remboursements accordés en cours d'instance, le montant de CIR demandé à hauteur de 242 938 euros, le présent litige ne porte que sur cette somme.

Sur la demande de remboursement de CIR restant en litige :

3. D'une part, aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " I. - Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel ou exonérées en application des articles 44 sexies, 44 sexies A, 44 septies, 44 octies, 44 octies A, 44 duodecies, 44 terdecies à 44 quindecies peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année. (...) II. - Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont : (...) b) Les dépenses de personnel afférentes aux chercheurs et techniciens de recherche directement et exclusivement affectés à ces opérations. Lorsque ces dépenses se rapportent à des personnes titulaires d'un doctorat, au sens de l'article L. 612-7 du code de l'éducation, ou d'un diplôme équivalent, elles sont prises en compte pour le double de leur montant pendant les vingt-quatre premiers mois suivant leur premier recrutement à condition que le contrat de travail de ces personnes soit à durée indéterminée et que l'effectif du personnel de recherche salarié de l'entreprise ne soit pas inférieur à celui de l'année précédente ; (...) d bis) Les dépenses exposées pour la réalisation d'opérations de même nature confiées à des organismes de recherche privés agréés par le ministre chargé de la recherche, ou à des experts scientifiques ou techniques agréés dans les mêmes conditions. (...) j) Les dépenses de veille technologique exposées lors de la réalisation d'opérations de recherche, dans la limite de 60 000 € par an. (...) ". Aux termes de l'article 49 septies G de l'annexe III du même code : " Le personnel de recherche comprend : 1. Les chercheurs qui sont les scientifiques ou les ingénieurs travaillant à la conception ou à la création de connaissances, de produits, de procédés, de méthodes ou de systèmes nouveaux. Sont assimilés aux ingénieurs les salariés qui, sans posséder un diplôme, ont acquis cette qualification au sein de leur entreprise. 2. Les techniciens, qui sont les personnels travaillant en étroite collaboration avec les chercheurs, pour assurer le soutien technique indispensable aux travaux de recherche et de développement expérimental. Notamment : - Ils préparent les substances, les matériaux et les appareils pour la réalisation d'expériences ; - Ils prêtent leur concours aux chercheurs pendant le déroulement des expériences ou les effectuent sous le contrôle de ceux-ci ; - Ils ont la charge de l'entretien et du fonctionnement des appareils et des équipements nécessaires à la recherche et au développement expérimental. Dans le cas des entreprises qui ne disposent pas d'un département de recherche, les rémunérations prises en compte pour le calcul du crédit d'impôt sont exclusivement les rémunérations versées aux chercheurs et techniciens à l'occasion d'opérations de recherche. ". Aux termes de l'article 220 B du même code : " Le crédit d'impôt pour dépenses de recherche défini à l'article 244 quater B est imputé sur l'impôt sur les sociétés dû par l'entreprise dans les conditions prévues à l'article 199 ter B ". Aux termes de l'article 199 ter B du même code : " I. - Le crédit d'impôt pour dépenses de recherche défini à l'article 244 quater B est imputé sur l'impôt sur le revenu dû par le contribuable au titre de l'année au cours de laquelle les dépenses de recherche prises en compte pour le calcul du crédit d'impôt ont été exposées. (...) ". Pour l'application de ces dispositions, peuvent être qualifiés de techniciens de recherche les salariés qui réalisent des opérations nécessaires aux travaux de recherche ou de développement expérimental éligibles au crédit d'impôt recherche, sous la conduite d'un ou plusieurs chercheurs qui les supervisent, sans qu'y fasse obstacle la circonstance qu'ils ne disposeraient pas d'un diplôme ou d'une qualification professionnelle dans le domaine scientifique.

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 45 B du livre des procédures fiscales : " La réalité de l'affectation à la recherche des dépenses prises en compte pour la détermination du crédit d'impôt défini à l'article 244 quater B du code général des impôts peut, sans préjudice des pouvoirs de contrôle de l'administration des impôts qui demeure seule compétente pour l'application des procédures de rectification, être vérifiée par les agents du ministère chargé de la recherche et de la technologie. ". Aux termes de l'article R. 45 B-1 du même code : " I. - La réalité de l'affectation à la recherche des dépenses prises en compte pour la détermination du crédit d'impôt mentionné à l'article 244 quater B du code général des impôts est vérifiée soit par un agent dûment mandaté par le directeur général pour la recherche et l'innovation, soit par un délégué régional à la recherche et à la technologie ou un agent dûment mandaté par ce dernier. (...) II. - Dans le cadre de cette procédure, l'agent chargé du contrôle de la réalité de l'affectation à la recherche des dépenses déclarées envoie à l'entreprise contrôlée une demande d'éléments justificatifs. (...) Si les éléments fournis par l'entreprise en réponse à cette demande ne permettent pas de mener l'expertise à bien, l'agent chargé du contrôle peut envoyer à l'entreprise contrôlée une seconde demande d'informations à laquelle celle-ci doit répondre dans un délai de trente jours. (...) Lorsque l'entreprise n'a pas répondu aux demandes d'informations qui lui ont été adressées, lorsqu'elle a refusé de communiquer les pièces justificatives demandées ou lorsqu'elle n'a pas produit ces éléments en cas de visite sur place, les agents chargés du contrôle constatent que l'affectation des dépenses à la recherche n'est pas justifiée. (...) ".

5. Il appartient au juge de l'impôt de constater, au vu de l'instruction dont le litige qui lui est soumis a fait l'objet, qu'une entreprise remplit ou non les conditions lui permettant de se prévaloir de l'avantage fiscal institué par l'article 244 quater B du code général des impôts.

6. Il résulte de l'instruction que pour rejeter partiellement la demande de remboursement du crédit d'impôt recherche dont la société requérante s'estime bénéficiaire au titre du second semestre 2017, à raison des activités de sa filiale, la société Eveha études et valorisations archéologiques, l'administration s'est appuyée, pour ce qui concerne les sommes restant en litige, sur le rapport de l'expert du MESRI du 5 avril 2019, qu'elle avait saisi en juin 2018 sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 45 B du livre des procédures fiscales. Il résulte de ce rapport que pour déterminer l'éligibilité ou l'inéligibilité au CIR des dépenses engagées par la société en matière de fouilles archéologiques, l'expert s'est reporté à la grille d'analyse des dépenses d'archéologie figurant dans le guide du crédit d'impôt recherche diffusé chaque année par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche. Cette grille liste les activités constituant une " opération archéologique " et pouvant être reconnues comme des activités de recherche et développement " en raison du caractère novateur des informations qu'elles mettent au jour et de leur rôle déterminant dans le processus de la production d'informations recevables en tant qu'indicateurs RetD ". Elle distingue différentes phases dans les opérations de fouille : la phase préalable, " phase 1 ", la phase d'activités sur le terrain, " phase 2 ", la phase d'activités post-fouille, " phase 3 ", la phase de rédaction du rapport final d'opération, " phase 4 ", et enfin la phase de valorisation scientifique, " phase 5 ". Dans la phase 2, elle distingue une phase de dégagement simple constituée par les " opérations de fouille technique " ne relevant pas des dépenses éligibles au CIR, " phases 2.1 et 2.2 ", et une phase interprétative constituées des fouilles fines et des relevés de terrain qui relèvent des dépenses éligibles au CIR, " phase 2.3 ".

7. Pour restituer la " phase 2.2 ", intégrée par la société requérante dans la " phase 2.3 ", l'expert a considéré que toutes les dépenses afférentes au personnel ayant le plus bas statut sur le chantier relevaient des dépenses d'opérations de fouilles simples, non éligibles au CIR, et que les dépenses afférentes au personnel spécialisé relevaient des dépenses d'opérations de fouilles complexes, éligibles au CIR. Il a ainsi considéré que la topographie relevait de la " phase 2.2 " tandis que les relevés archéologiques et l'analyse spatiale relevaient de la " phase 2.3 ". Il a également considéré que lorsque qu'une activité de la " phase 2.3 ", telle qu'une fouille spatiale, ne pouvait s'envisager sans une activité de la " phase 2.2 ", tel qu'un relevé topographique, un tiers des heures affectées à la " phase 2.3 " devait être basculé en " phase 2.2 ". Il conclut en ce qui concerne les opérations de terrain à l'éligibilité partielle d'une quarantaine de projets sur un total de 139 déclarés par la société, en raison de l'exclusion des dépenses de personnels relevant, selon lui, de la " phase 2.2 " et non de la " phase 2.3 ". Comme précédemment indiqué, la société Eveha n'a pas établi de distinction entre les " phases 2.2 et 2.3 " dans les documents qu'elle a transmis à l'expert et soutient que cette répartition artificielle des dépenses est contraire aux dispositions législatives et règlementaires précitées.

8. Les opérations de fouilles archéologiques sont des opérations scientifiques qui peuvent être éligibles au CIR, et constituent une chaîne qui englobe les travaux de préparation de la fouille, la fouille proprement dite, la collecte des vestiges puis leur analyse et la valorisation scientifique qui en est faite. L'administration considère que, pour autant, ces opérations ne peuvent relever entièrement de la recherche et du développement et se réfère ainsi à la grille d'analyse précitée pour exclure certaines dépenses relatives à certaines tâches. En l'espèce, elle a exclu à ce titre, de la base de remboursement du CIR pour le second semestre de l'année 2017, les dépenses de personnels afférentes aux travaux de préparation de terrain et à la topographie, qu'elle a qualifiées d'opérations " techniques de fouilles simples " et que l'expert a replacé en " phase 2.2 " selon la méthodologie précédemment décrite. Pour ce faire, il résulte de l'instruction que l'expert n'a retenu pour seuls critères que la qualification des personnels et la nature des tâches réalisées. Toutefois, l'administration, qui a repris cette analyse, ne pouvait exclure lesdites dépenses sans rechercher si les travaux de préparation des chantiers et les tâches réalisées par les topographes étaient, en l'espèce, nécessaires à l'opération en elle-même et effectuées en étroite collaboration avec les chercheurs. Or, il résulte de l'instruction, et notamment de la description donnée par la société requérante des tâches accomplies par les topographes dans le cadre de ses projets, qui n'est pas utilement contredite par l'administration, que ces derniers réalisent le relevé, le traitement et la restitution des données sur la ou les opérations de fouilles archéologiques, en étroite collaboration avec le responsable de l'opération, aux fins notamment d'établir et mettre à jour le plan général de fouilles et de restituer les données graphiques et cartographiques. Par suite, en application des principes précités, la société Eveha services administration est fondée à soutenir que les dépenses de personnel engagées à raison de ces personnels ouvrent droit à un crédit d'impôt recherche sur le fondement des dispositions des articles 244 quater B et 49 septies G de l'annexe III du code général des impôts. Ainsi, la totalité de la masse salariale déclarée au titre des tâches des techniciens de recherche pour les montants avancés par la société et non contestés par l'administration, doit être réintégrée dans la base du CIR.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Eveha services administration est fondée à demander le remboursement à hauteur de 242 938 euros du crédit d'impôt recherche au titre du second semestre de l'année 2017 à raison de dépenses de recherche qu'elle a engagées.

Sur les frais liés au litige :

10. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à la société Eveha services administration au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Il est accordé à la société Eveha services administration un remboursement du crédit d'impôt recherche à hauteur de 242 938 euros au titre des dépenses de recherche qu'elle a engagées au cours du second semestre de l'année 2017.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Limoges du 16 décembre 2020 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à la SAS Eveha Services Administration sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Eveha services administration et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Une copie en sera adressée pour information à la direction du contrôle fiscal Sud-Ouest.

Délibéré après l'audience du 26 septembre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

M. Sébastien Ellie, premier conseiller,

Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2023.

La rapporteure,

Héloïse A...

La présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°21BX00597


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX00597
Date de la décision : 17/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Héloïse PRUCHE-MAURIN
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : DELCADE SAS

Origine de la décision
Date de l'import : 22/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-10-17;21bx00597 ?
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