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17/10/2023 | FRANCE | N°22BX02170

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 17 octobre 2023, 22BX02170


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Eveha services administration a demandé au tribunal administratif de Limoges de prononcer le remboursement du crédit d'impôt recherche dont elle s'estime bénéficiaire au titre de l'année 2018 à raison de dépenses de recherche qu'elle a engagées, à hauteur de 470 878 euros.

Par un jugement n° 2000299 du 9 juin 2022, le tribunal administratif de Limoges a fait droit à sa demande en tant qu'une somme supplémentaire de 966 103,74 euros devait être intégr

e dans l'assiette du crédit d'impôt auquel la SAS Eveha Services Administration avait ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Eveha services administration a demandé au tribunal administratif de Limoges de prononcer le remboursement du crédit d'impôt recherche dont elle s'estime bénéficiaire au titre de l'année 2018 à raison de dépenses de recherche qu'elle a engagées, à hauteur de 470 878 euros.

Par un jugement n° 2000299 du 9 juin 2022, le tribunal administratif de Limoges a fait droit à sa demande en tant qu'une somme supplémentaire de 966 103,74 euros devait être intégrée dans l'assiette du crédit d'impôt auquel la SAS Eveha Services Administration avait droit au titre des dépenses de recherche qu'elle avait exposées en 2018, et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés les 1er août 2022 et 1er mars 2023, la société Eveha services administration, représentée par Me Fraignieau, demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 2000299 du tribunal administratif de Limoges du 9 juin 2022 ;

2°) de lui accorder le complément de crédit d'impôt recherche dont elle s'estime bénéficiaire au titre des dépenses qu'elle a engagées au cours de l'année 2018 en admettant dans le calcul des bases de ce crédit d'impôt un montant de dépenses de personnel complémentaire de 77 090 euros, de lui accorder en conséquence un complément de crédit d'impôt recherche de 35 059 euros et d'assortir cette somme des intérêts moratoires auxquels elle peut prétendre ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le guide pratique du CIR qui comporte la grille d'analyse établie par le MESRI, sur laquelle s'est fondée l'administration, est inopposable au contribuable sur le fondement de la garantie contre les changements de doctrine administrative ;

- la grille d'analyse du MESRI sur laquelle s'est fondée l'administration pour prendre sa décision est illégale ; elle est contraire à la loi fiscale, à la doctrine fiscale et à la jurisprudence du Conseil d'Etat ; elle est entachée d'une incompétence de son auteur, d'une erreur de droit dans l'interprétation de la règle fiscale applicable et d'un détournement de pouvoir ;

- du fait de l'illégalité de cette grille d'analyse, la décision de l'administration est dépourvue de base légale ;

- les premiers juges ont omis de tirer toutes les conséquences de cette illégalité et la société Eveha a été conduite à tort à écarter de la base de son CIR 2018 les autres dépenses de personnels, alors qu'elles correspondaient au temps consacré aux "autres études spécialisées" nécessaires à la réalisation des opérations de recherche et de développement et qu'elles ont été conduites en étroite collaboration avec les chercheurs ; la base brute de ces dépenses de personnel a porté sur un montant de 77 909 euros.

Par des mémoires enregistrés les 3 février et 31 mai 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 11 mai 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 9 juin 2023.

Par courrier du 13 juillet 2023, les parties ont été informées de ce que la cour était susceptible, dans l'affaire citée en référence, de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de ce qu'en l'absence de litige né et actuel entre le comptable et la société requérante, les conclusions de cette société tendant au versement des intérêts mentionnés à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ne sont pas recevables.

Un mémoire en réponse a été enregistré pour le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique le 24 juillet 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de M. Gueguein, rapporteur public ;

- et les observations de Me Fraignieau représentant la société Eveha services administration.

Considérant ce qui suit :

1. La société Eveha services administration a déposé le 13 mai 2019 auprès de l'administration fiscale, une déclaration en vue de bénéficier du dispositif de crédit d'impôt recherche (CIR) pour les projets de recherche réalisée par sa filiale, la SAS Eveha études et valorisations archéologiques, au cours de l'année 2018 pour un montant de 2 858 986 euros. Par une décision du 20 décembre 2019, l'administration lui a accordé une restitution d'un crédit d'impôt recherche au titre de l'année 2018 à hauteur de 2 353 061 euros et a rejeté le surplus de sa demande. Par une demande enregistrée le 24 février 2020, la société Eveha services administration a contesté ce rejet partiel devant le tribunal administratif de Limoges. Par un jugement du 9 juin 2022, ce tribunal a fait droit à sa demande en tant qu'une somme supplémentaire de 966 103,74 euros devait être intégrée dans l'assiette du crédit d'impôt auquel la SAS Eveha Services Administration avait droit au titre des dépenses de recherche qu'elle avait exposées en 2018, et a rejeté le surplus de sa demande. La société Eveha services administration relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande.

Sur le bien-fondé du rejet partiel de la demande de remboursement de CIR :

En ce qui concerne la base légale du refus de remboursement du CIR :

2. Comme le soutient la société, les documents de portée générale émanant d'autorités publiques, matérialisés ou non, tels que les circulaires, instructions, recommandations, notes, présentations ou interprétations du droit positif peuvent être déférés au juge de l'excès de pouvoir lorsqu'ils sont susceptibles d'avoir des effets notables sur les droits ou la situation d'autres personnes que les agents chargés, le cas échéant, de les mettre en œuvre. Ont notamment de tels effets ceux de ces documents qui ont un caractère impératif ou présentent le caractère de lignes directrices. Il appartient au juge d'examiner les vices susceptibles d'affecter la légalité du document en tenant compte de la nature et des caractéristiques de celui-ci ainsi que du pouvoir d'appréciation dont dispose l'autorité dont il émane. Le recours formé à son encontre doit être accueilli notamment s'il fixe une règle nouvelle entachée d'incompétence, si l'interprétation du droit positif qu'il comporte en méconnaît le sens et la portée ou s'il est pris en vue de la mise en œuvre d'une règle contraire à une norme juridique supérieure.

3. Il résulte de l'instruction que pour rejeter partiellement la demande de remboursement du crédit d'impôt recherche dont la société requérante s'estime bénéficiaire au titre de l'année 2018, à raison des activités de sa filiale, la société Eveha études et valorisations archéologiques, l'administration s'est appuyée sur le rapport de l'expert du MESRI du 16 décembre 2019, qu'elle avait saisi en octobre 2019 sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 45 B du livre des procédures fiscales. Il résulte de ce rapport que pour déterminer l'éligibilité ou l'inéligibilité au CIR des dépenses engagées par la société en matière de fouilles archéologiques, l'expert s'est reporté à la grille d'analyse des dépenses d'archéologie figurant dans le guide du crédit d'impôt recherche diffusé chaque année par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche. Cette grille liste les activités constituant une " opération archéologique " et pouvant être reconnues comme des activités de recherche et développement " en raison du caractère novateur des informations qu'elles mettent au jour et de leur rôle déterminant dans le processus de la production d'informations recevables en tant qu'indicateurs RetD ". Elle distingue différentes phases dans les opérations de fouille : la phase préalable, " phase 1 ", la phase d'activités sur le terrain, " phase 2 ", la phase d'activités post-fouille, " phase 3 ", la phase de rédaction du rapport final d'opération, " phase 4 ", et enfin la phase de valorisation scientifique, " phase 5 ". Dans les phases 2 et 3, elle distingue une phase de dégagement simple constituée par les " opérations de fouille technique " ne relevant pas des dépenses éligibles au CIR, " phases 2.1 et 2.2 " et " phases 3.1 et 3.2 ", et une phase interprétative constituées des fouilles fines et des relevés de terrain ainsi que des analyses qui relèvent des dépenses éligibles au CIR, " phase 2.3 " et " phase 3.3 ". La société requérante, soulève par exception d'illégalité, le caractère contraire à la loi, à la doctrine et à la jurisprudence fiscale de cette grille.

4. Le guide du crédit d'impôt recherche diffusé chaque année par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche est " conçu comme une aide aux utilisateurs du CIR (...) notamment pour préparer leur déclaration, déposer un rescrit ou demander un agrément ". Il comporte des lignes directrices appliquées par les experts du MESRI, s'agissant notamment dans des critères d'identification de la recherche et du développement dans l'archéologie au travers d'une grille d'analyse à utiliser par les entreprises qui détermine les dépenses éligibles ou non au CIR. Ainsi, eu égard aux effets notables que ce guide est susceptible d'entrainer sur la situation des entreprises dans le cadre de leurs demandes de CIR, il peut faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. Toutefois, contrairement à ce que soutient la société requérante, il ne résulte pas de l'instruction, que cette grille d'analyse, à laquelle l'expert et l'administration se sont référés à titre indicatif pour déterminer l'éligibilité des dépenses en litige au CIR, constituerait pour autant la base légale de la décision par laquelle l'administration a décidé de rejeter partiellement la demande de remboursement du CIR de la société requérante, décision qui se fonde sur les dispositions législatives et réglementaires citées aux points 5 et 6. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à exciper, au soutien de sa contestation du rejet partiel de sa demande de remboursement de CIR, de l'illégalité de la grille d'analyse fixée par le MESRI dans son guide du CIR. Dans ces conditions, les moyens tirés de ce que ce rejet serait dépourvu de base légale et de ce que les items créés par cette grille seraient contraires à la loi, à la doctrine et à la jurisprudence fiscale en matière de CIR doivent être écartés.

En ce qui concerne le droit à remboursement de CIR sur le terrain de la loi fiscale :

5. D'une part, aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " I. - Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel ou exonérées en application des articles 44 sexies, 44 sexies A, 44 septies, 44 octies, 44 octies A, 44 duodecies, 44 terdecies à 44 quindecies peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année. (...) II. - Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont : (...) b) Les dépenses de personnel afférentes aux chercheurs et techniciens de recherche directement et exclusivement affectés à ces opérations. Lorsque ces dépenses se rapportent à des personnes titulaires d'un doctorat, au sens de l'article L. 612-7 du code de l'éducation, ou d'un diplôme équivalent, elles sont prises en compte pour le double de leur montant pendant les vingt-quatre premiers mois suivant leur premier recrutement à condition que le contrat de travail de ces personnes soit à durée indéterminée et que l'effectif du personnel de recherche salarié de l'entreprise ne soit pas inférieur à celui de l'année précédente ; (...) d bis) Les dépenses exposées pour la réalisation d'opérations de même nature confiées à des organismes de recherche privés agréés par le ministre chargé de la recherche, ou à des experts scientifiques ou techniques agréés dans les mêmes conditions. (...) j) Les dépenses de veille technologique exposées lors de la réalisation d'opérations de recherche, dans la limite de 60 000 € par an. (...) ". Aux termes de l'article 49 septies G de l'annexe III du même code : " Le personnel de recherche comprend : 1. Les chercheurs qui sont les scientifiques ou les ingénieurs travaillant à la conception ou à la création de connaissances, de produits, de procédés, de méthodes ou de systèmes nouveaux. Sont assimilés aux ingénieurs les salariés qui, sans posséder un diplôme, ont acquis cette qualification au sein de leur entreprise. 2. Les techniciens, qui sont les personnels travaillant en étroite collaboration avec les chercheurs, pour assurer le soutien technique indispensable aux travaux de recherche et de développement expérimental. Notamment : - Ils préparent les substances, les matériaux et les appareils pour la réalisation d'expériences ; - Ils prêtent leur concours aux chercheurs pendant le déroulement des expériences ou les effectuent sous le contrôle de ceux-ci ; - Ils ont la charge de l'entretien et du fonctionnement des appareils et des équipements nécessaires à la recherche et au développement expérimental. Dans le cas des entreprises qui ne disposent pas d'un département de recherche, les rémunérations prises en compte pour le calcul du crédit d'impôt sont exclusivement les rémunérations versées aux chercheurs et techniciens à l'occasion d'opérations de recherche. ". Aux termes de l'article 49 septies F de l'annexe III à ce code : " Pour l'application des dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts, sont considérées comme opérations de recherche scientifique ou technique : / a. Les activités ayant un caractère de recherche fondamentale, qui pour apporter une contribution théorique ou expérimentale à la résolution des problèmes techniques, concourent à l'analyse des propriétés, des structures, des phénomènes physiques et naturels, en vue d'organiser, au moyen de schémas explicatifs ou de théories interprétatives, les faits dégagés de cette analyse ; / b. Les activités ayant le caractère de recherche appliquée qui visent à discerner les applications possibles des résultats d'une recherche fondamentale ou à trouver des solutions nouvelles permettant à l'entreprise d'atteindre un objectif déterminé choisi à l'avance. / Le résultat d'une recherche appliquée consiste en un modèle probatoire de produit, d'opération ou de méthode ". Aux termes de l'article 220 B du même code : " Le crédit d'impôt pour dépenses de recherche défini à l'article 244 quater B est imputé sur l'impôt sur les sociétés dû par l'entreprise dans les conditions prévues à l'article 199 ter B ". Aux termes de l'article 199 ter B du même code : " I. - Le crédit d'impôt pour dépenses de recherche défini à l'article 244 quater B est imputé sur l'impôt sur le revenu dû par le contribuable au titre de l'année au cours de laquelle les dépenses de recherche prises en compte pour le calcul du crédit d'impôt ont été exposées. (...) ". Pour l'application de ces dispositions, peuvent être qualifiés de techniciens de recherche les salariés qui réalisent des opérations nécessaires aux travaux de recherche ou de développement expérimental éligibles au crédit d'impôt recherche, sous la conduite d'un ou plusieurs chercheurs qui les supervisent, sans qu'y fasse obstacle la circonstance qu'ils ne disposeraient pas d'un diplôme ou d'une qualification professionnelle dans le domaine scientifique.

6. D'autre part, aux termes de l'article L. 45 B du livre des procédures fiscales : " La réalité de l'affectation à la recherche des dépenses prises en compte pour la détermination du crédit d'impôt défini à l'article 244 quater B du code général des impôts peut, sans préjudice des pouvoirs de contrôle de l'administration des impôts qui demeure seule compétente pour l'application des procédures de rectification, être vérifiée par les agents du ministère chargé de la recherche et de la technologie. ". Aux termes de l'article R. 45 B-1 du même code : " I. - La réalité de l'affectation à la recherche des dépenses prises en compte pour la détermination du crédit d'impôt mentionné à l'article 244 quater B du code général des impôts est vérifiée soit par un agent dûment mandaté par le directeur général pour la recherche et l'innovation, soit par un délégué régional à la recherche et à la technologie ou un agent dûment mandaté par ce dernier. (...) II. - Dans le cadre de cette procédure, l'agent chargé du contrôle de la réalité de l'affectation à la recherche des dépenses déclarées envoie à l'entreprise contrôlée une demande d'éléments justificatifs. (...) Si les éléments fournis par l'entreprise en réponse à cette demande ne permettent pas de mener l'expertise à bien, l'agent chargé du contrôle peut envoyer à l'entreprise contrôlée une seconde demande d'informations à laquelle celle-ci doit répondre dans un délai de trente jours. (...) Lorsque l'entreprise n'a pas répondu aux demandes d'informations qui lui ont été adressées, lorsqu'elle a refusé de communiquer les pièces justificatives demandées ou lorsqu'elle n'a pas produit ces éléments en cas de visite sur place, les agents chargés du contrôle constatent que l'affectation des dépenses à la recherche n'est pas justifiée. (...) ".

7. Il appartient au juge de l'impôt de constater, au vu de l'instruction dont le litige qui lui est soumis a fait l'objet, qu'une entreprise remplit ou non les conditions lui permettant de se prévaloir de l'avantage fiscal institué par l'article 244 quater B du code général des impôts.

8. Il résulte de l'instruction que la société requérante a communiqué à l'expert, au titre de sa demande de remboursement de CIR pour l'année 2018, une documentation complète respectant la grille d'analyse détaillée au point 3. La société soutient en appel que, si les premiers juges ont fait droit à une majeure partie de sa demande, ils ont écarté à tort de la base de son CIR 2018 les " autres dépenses de personnels ", alors qu'elles correspondaient au temps consacré aux " autres études spécialisées nécessaires à la réalisation des opérations de recherche et développement et qu'elles ont été conduites en étroite collaboration avec les chercheurs ". Elle fait ainsi valoir que la base brute de ces dépenses de personnel, qui porte sur un montant de 77 909 euros, doit être réintégrée à la base de remboursement de son CIR 2018.

9. Les opérations de fouilles archéologiques sont des opérations scientifiques qui peuvent être éligibles au CIR, et elles constituent une chaîne qui englobe les travaux de préparation de la fouille, la fouille proprement dite, la collecte des vestiges puis leur analyse et la valorisation scientifique qui en est faite. Toutefois, contrairement à ce que soutient la société requérante, il ne résulte pas des dispositions législatives et règlementaires, précitées que toutes les tâches des phases et items des opérations de fouilles archéologiques doivent être considérées comme affectées aux opérations de recherche et de développement. Il résulte au contraire de ces dernières que seules sont éligibles les opérations qui, en raison du caractère novateur des informations mises à jour et de leur rôle déterminant dans le processus de la production d'informations, apportent à la recherche et au développement, et s'agissant des salariés, ceux qui réalisent des opérations nécessaires aux travaux de recherche ou de développement expérimental éligibles au crédit d'impôt recherche en étroite collaboration et sous la supervision des chercheurs. En l'espèce, il résulte de l'instruction que l'expert a écarté les dépenses de personnel en litige dès lors que les éléments dont il disposait, et que lui avait communiqués la société, étaient insuffisants pour établir que ce personnel remplissait effectivement les conditions précitées. Par le seul tableau qu'elle produit en appel, correspondant aux données déjà transmises à l'expert, listant les tâches " post-fouilles " qu'auraient accomplies ces différents chercheurs, la société requérante n'apporte pas d'éléments suffisants permettant d'estimer que les dépenses se rattachent aux dépenses visées au II de l'article 244 quater B du code général des impôts. Par suite, la SAS Eveha services administration n'est pas fondée à demander que les dépenses relatives à ces personnels, à hauteur de 77 909 euros, soient réintégrées à la base de remboursement de son CIR 2018.

En ce qui concerne la méconnaissance par l'administration de sa propre doctrine :

10. D'une part, aux termes de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales : " Les réclamations relatives aux impôts, contributions, droits, taxes, redevances, soultes et pénalités de toute nature, établis ou recouvrés par les agents de l'administration, relèvent de la juridiction contentieuse lorsqu'elles tendent à obtenir soit la réparation d'erreurs commises dans l'assiette ou le calcul des impositions, soit le bénéfice d'un droit résultant d'une disposition législative ou réglementaire. (...) ". D'autre part, aux termes de l'article L. 80 A du même code : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. (...) ".

11. La demande de remboursement d'un crédit d'impôt recherche a le caractère d'une réclamation préalable au sens des dispositions citées plus haut de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales. Par suite, la décision refusant de rembourser un crédit d'impôt ne constitue ni un rehaussement d'imposition ni un redressement. Dans ces conditions, la société Eveha services administration ne peut utilement se prévaloir de la garantie prévue par les dispositions précitées de l'article L. 80 A pour soutenir que le guide pratique du CIR qui comporte la grille d'analyse établie par le MESRI, sur laquelle s'est fondée l'administration, est inopposable au contribuable et contraire à d'autres éléments de la doctrine fiscale. Par suite, ce moyen doit être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la société Eveha services administration n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Limoges a rejeté le surplus de sa demande de remboursement du crédit d'impôt recherche au titre de l'année 2018.

Sur les conclusions tendant au versement par l'Etat d'intérêts moratoires :

13. Il n'existe aucun litige né et actuel entre le comptable et la société requérante concernant les intérêts mentionnés à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales. Dès lors, ces conclusions ne sont pas recevables.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Eveha services administration est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Eveha services administration et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Une copie en sera adressée pour information à la direction de contrôle fiscal Sud-Ouest.

Délibéré après l'audience du 26 septembre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

M. Sébastien Ellie, premier conseiller,

Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2023.

La rapporteure,

Héloïse A...

La présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°22BX02170


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX02170
Date de la décision : 17/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Héloïse PRUCHE-MAURIN
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : DELCADE SAS

Origine de la décision
Date de l'import : 22/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-10-17;22bx02170 ?
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