Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de la Martinique de condamner la commune de Sainte-Anne à lui verser une indemnité mensuelle d'un montant de 370 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de l'implantation irrégulière d'une voie communale sur la parcelle dont elle est propriétaire et d'enjoindre à cette commune de mettre fin à l'empiètement de la voie communale sur sa propriété.
Par un jugement n° 2000611 du 14 juin 2021, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 4 août 2021, le 20 juin 2022 et le 12 septembre 2022, Mme A..., représentée par Me Fernandez-Begault, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Martinique du 14 juin 2021 ;
2°) de condamner la commune de Sainte-Anne à lui verser la somme de 370 euros par mois écoulé depuis la constitution de l'emprise et sa régularisation ;
3°) d'enjoindre à la commune de Sainte-Anne de mettre fin à l'empiètement de la voie communale sur sa propriété ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Sainte-Anne une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors que la voie publique communale empiète sur son terrain contrairement à ce que les premiers juges ont retenu ;
- il existe deux zones d'emprise irrégulière d'une surface de 33 et 37 m2 ;
- le préjudice résultant de l'emprise irrégulière doit être indemnisé à hauteur de 370 euros par mois jusqu'à sa cessation définitive ;
- la délibération du 24 mars 1995 dont se prévaut la commune n'emporte pas transfert d'une voie privée dans la voirie communale sur le fondement de l'article L. 318-3 du code de l'urbanisme ;
- à supposer qu'une voie préexistante privée ait été transférée à la commune, elle n'avait pas la même assiette que la voie actuelle et une indemnisation est due au titre de l'emprise constituée lors de l'élargissement de la voie.
Par des mémoires en défense enregistrés le 21 octobre 2021 et le 22 août 2022, la commune de Sainte-Anne, représentée par Me Yang-Ting Ho, conclut au rejet de la requête, subsidiairement à ce qu'une expertise avant dire droit soit ordonnée et, en toute hypothèse, à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête d'appel se borne à reprendre les écritures de première instance ;
- c'est à juste titre que les premiers juges n'ont pas retenu l'existence d'une emprise ;
- l'élargissement de la voie communale avait été sollicité par plusieurs riverains, notamment les précédents propriétaires du bien de Mme A... ;
- à supposer l'emprise caractérisée, une indemnisation ne saurait intervenir faute de charge spéciale et exorbitante hors de proportion avec l'objectif d'intérêt général poursuivi par la commune ;
- l'intérêt général s'oppose à toute démolition.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Kolia Gallier,
- les conclusions de M. Romain Roussel Cera, rapporteur public,
- et les observations de Me Denilauler, représentant Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... est propriétaire d'une parcelle cadastrée H n° 656 située rue de Gorée Panorama sur le territoire de la commune de Saint-Anne sur laquelle se trouve une maison d'habitation. Estimant qu'une voie communale empiète irrégulièrement sur sa propriété, elle a demandé au maire de Sainte-Anne de mettre fin à cette emprise à plusieurs reprises. Par un courrier du 31 juillet 2020, elle a adressé à la commune une demande d'indemnisation. Mme A... relève appel du jugement du 14 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Saint-Anne à l'indemniser du préjudice subi du fait de cette emprise et à ce qu'il lui soit enjoint de mettre fin à l'empiètement de la voie communale sur sa parcelle.
Sur la régularité du jugement :
2. Si Mme A... soutient que les premiers juges ont retenu à tort que la voie communale n'empiétait pas sur sa propriété, une telle argumentation relève du bien-fondé du jugement et est dépourvue d'incidence sur sa régularité.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Lorsqu'il est saisi d'une demande tendant à ce que soit ordonnée la démolition d'un ouvrage public dont il est allégué qu'il est irrégulièrement implanté par un requérant qui estime subir un préjudice du fait de l'implantation de cet ouvrage et qui en a demandé sans succès la démolition à l'administration, il appartient au juge administratif, juge de plein contentieux, de déterminer, en fonction de la situation de droit et de fait existant à la date à laquelle il statue, si l'ouvrage est irrégulièrement implanté, puis, si tel est le cas, de rechercher, d'abord, si eu égard notamment à la nature de l'irrégularité, une régularisation appropriée est possible, puis, dans la négative, de prendre en considération, d'une part les inconvénients que la présence de l'ouvrage entraîne pour les divers intérêts publics ou privés en présence, notamment, le cas échéant, pour le propriétaire du terrain d'assiette de l'ouvrage, d'autre part, les conséquences de la démolition pour l'intérêt général, et d'apprécier, en rapprochant ces éléments, si la démolition n'entraîne pas une atteinte excessive à l'intérêt général.
4. S'agissant de l'emprise de la voirie communale alléguée par Mme A... sur le côté sud de sa parcelle, il résulte des photographies produites par la commune que la voirie et la ligne formée par le portail de l'intéressée prolongé de part et d'autre par des murets enceignant le jardin sont séparés par une bande de terre partiellement bétonnée en son centre pour former une rampe d'accès pour les véhicules à la propriété. Il n'est pas contesté par la commune que cette bande de terrain actuellement non bitumée et sur laquelle la voirie n'empiète pas, appartient à Mme A... qui indique d'ailleurs avoir procédé elle-même à la création de la rampe d'accès pour les véhicules. Il résulte des photographies et du plan de bornage produits au dossier que la voirie empiète néanmoins de façon croissante sur cette bande herbeuse à partir du bord extérieur droit de la rampe d'accès jusqu'à la voie perpendiculaire, longeant la propriété de Mme A... à l'est, créée pour désenclaver la parcelle 654. Cependant, ainsi que le fait valoir la commune, les précédents propriétaires du terrain de la requérante ont consenti à cette emprise dans le cadre de travaux qu'ils avaient eux-mêmes sollicités, avec d'autres riverains du quartier, afin de désenclaver certaines propriétés du secteur. La commune produit à cet égard la délibération du conseil municipal du 24 mars 1995 approuvant la réalisation des travaux auxquels les riverains ont donné leur accord, ainsi qu'en témoigne l'apposition de leurs signatures sur le plan annexé. Ainsi, compte tenu de l'accord amiable en vertu duquel les travaux de voirie ont été réalisés par la commune sur le bord sud de la parcelle de Mme A..., celle-ci n'est pas fondée à soutenir qu'ils caractériseraient une emprise irrégulière sur sa propriété.
5. S'agissant de l'emprise alléguée par la requérante de la desserte perpendiculaire à la rue de Gorée sur le côté est de sa propriété, il résulte des photographies au dossier que la zone grisée du plan de bornage qu'elle produit correspond, non pas à la route, mais à une portion de terrain herbeuse située à l'intérieur du grillage de clôture installé en limite de propriété, ainsi qu'en atteste la borne séparative située à cet endroit. Il ne résulte ainsi de l'instruction aucune emprise de la voie sur le côté est de la parcelle de Mme A....
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la commune de Sainte-Anne, que Mme A... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
7. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Sainte-Anne, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme A... demande au titre des frais exposés pour les besoins de l'instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... une somme de 1 500 euros à verser à la commune sur le fondement de ces mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Mme A... versera à la commune de Sainte-Anne la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la commune de Sainte-Anne.
Délibéré après l'audience du 2 octobre 2023 à laquelle siégeaient :
M. Jean-Claude Pauziès, président,
Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,
Mme Kolia Gallier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 novembre 2023.
La rapporteure,
Kolia GallierLe président,
Jean-Claude Pauziès
La greffière,
Stéphanie Larrue
La République mande et ordonne au préfet de la Martinique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21BX03338 2