Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 3 juin 2019 par laquelle le président du conseil départemental de la Gironde a suspendu son agrément d'assistante maternelle pour une durée maximale de quatre mois, la décision du 25 septembre 2019 ayant restreint son agrément d'assistante maternelle de quatre enfants dont un âgé de plus de 18 mois, à deux enfants à la journée, et la décision rejetant implicitement le recours gracieux formé le 22 novembre 2019 contre cette décision.
Par un jugement n° 2003152 du 22 mars 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 25 mai 2022, le 2 mai 2023, le 12 mai 2023, le 15 juin 2023 et le 18 juillet 2023, Mme A..., représentée par la SELARL AFC Ledermann, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) d'annuler les décisions des 3 juin et 25 septembre 2019, ainsi que le rejet de son recours gracieux contre cette dernière décision ;
3°) de condamner le département de la Gironde à lui verser une somme de 43 752,72 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 3 juin 2019 ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les décisions des 3 juin et 25 septembre 2019 sont insuffisamment motivées contrairement à ce qu'a retenu le tribunal ;
- les décisions de suspension et de limitation d'agrément sont entachées d'erreur d'appréciation ; la procédure pénale a été classée sans suite et les causes de l'hématome présenté par l'enfant n'ont pas été identifiées ;
- l'illégalité de ces décisions lui a causé un préjudice financier qui peut être évalué à 9 336,72 euros pour la période de suspension de son agrément et à 24 416 euros pour la période de limitation de son agrément, qui a cessée le 28 février 2022, ainsi qu'un préjudice moral qui sera justement réparé à hauteur de 10 000 euros.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 28 février 2023 et le 17 mai 2023, le département de la Gironde, représenté par Me Merlet-Bonnan, conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les conclusions indemnitaires présentées par Mme A... sont irrecevables faute d'avoir été précédées d'une demande préalable ; cette irrecevabilité n'est pas susceptible de régularisation en appel ;
- les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 25 septembre 2019 sont tardives faute de preuve de réception par le département du recours gracieux formé le 22 novembre contre cette décision ;
- les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 3 juin 2019 sont également tardives ;
- les autres moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés ;
- la réalité des préjudices allégués n'est pas démontrée.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Kolia Gallier,
- les conclusions de M. Romain Roussel Cera, rapporteur public,
- les observations de Me Vuez, représentant Mme A... et de Me Merlet-Bonnan, représentant le département de la Gironde.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., titulaire d'un agrément d'assistante maternelle lui permettant d'accueillir quatre enfants à son domicile dont un âgé de plus de dix-huit mois, a fait l'objet, par une décision du 3 juin 2019, d'une suspension de son agrément pour une durée maximale de quatre mois à la suite de l'hospitalisation, le 27 mai 2019, de l'une des enfants qu'elle accueillait. Par une décision du 25 septembre 2019, le président du conseil départemental de la Gironde a ensuite décidé de la restriction de son agrément à l'accueil à la journée de deux enfants. Mme A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux l'annulation de ces décisions des 3 juin et 25 septembre 2019, ainsi que celle du rejet implicite du recours gracieux formé le 22 novembre 2019 contre cette dernière décision. Elle a, en outre, demandé au tribunal la condamnation du département de la Gironde à lui verser une somme globale de 38 288,40 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des mesures de suspension et de restriction de son agrément. Mme A... relève appel du jugement du 22 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
2. Aux termes de l'article L. 421-1 du code de l'action sociale et des familles, dans sa version applicable à l'espèce : " L'assistant maternel est la personne qui, moyennant rémunération, accueille habituellement et de façon non permanente des mineurs à son domicile. (...) ". L'article L. 421-3 du même code dispose : " L'agrément nécessaire pour exercer la profession d'assistant maternel ou d'assistant familial est délivré par le président du conseil départemental du département où le demandeur réside. (...) ". Aux termes de l'article L. 421-4 du même code, dans sa version alors applicable : " L'agrément de l'assistant maternel précise le nombre et l'âge des mineurs qu'il est autorisé à accueillir simultanément ainsi que les horaires de l'accueil. Le nombre des mineurs accueillis simultanément ne peut être supérieur à quatre y compris le ou les enfants de moins de trois ans de l'assistant maternel présents à son domicile, dans la limite de six mineurs de tous âges au total. (...) ". L'article L. 421-6 du code de l'action sociale et des familles, dans sa version applicable à l'espèce : " (...) Si les conditions de l'agrément cessent d'être remplies, le président du conseil départemental peut, après avis d'une commission consultative paritaire départementale, modifier le contenu de l'agrément ou procéder à son retrait. En cas d'urgence, le président du conseil départemental peut suspendre l'agrément. Tant que l'agrément reste suspendu, aucun enfant ne peut être confié. / Toute décision de retrait de l'agrément, de suspension de l'agrément ou de modification de son contenu doit être dûment motivée et transmise sans délai aux intéressés. (...) ".
3. Les décisions du 3 juin 2019 et du 25 septembre 2019 portant respectivement suspension de l'agrément de Mme A... pour une durée maximale de quatre mois et restriction de cet agrément à l'accueil de deux enfants à la journée précisent notamment qu'elles sont édictées en application de l'article L. 421-6 du code de l'action sociale et des familles. Elles font état, par ailleurs, de façon précise et circonstanciée des éléments matériels sur lesquels s'est fondé le président du conseil départemental pour les édicter. Ces décisions sont, par suite, suffisamment motivées.
4. Il résulte des dispositions précitées au point 2 qu'il incombe au président du conseil départemental de s'assurer que les conditions d'accueil garantissent la sécurité, la santé et l'épanouissement des enfants accueillis, et de procéder à la suspension ou au retrait de l'agrément si ces conditions ne sont pas ou plus remplies. A cette fin, dans l'hypothèse où il est informé de suspicions de comportements susceptibles de compromettre la santé, la sécurité ou l'épanouissement d'un enfant, de la part du bénéficiaire de l'agrément ou de son entourage, il lui appartient de tenir compte de tous les éléments portés à la connaissance des services compétents du département ou recueillis par eux et de déterminer si ces éléments sont suffisamment établis pour lui permettre raisonnablement de penser que l'enfant est victime des comportements en cause ou risque de l'être. Il peut, en outre, si la première appréciation de ces éléments révèle une situation d'urgence, procéder à la suspension de l'agrément.
5. Il ressort des pièces du dossier que l'une des enfants, âgée de neuf mois, accueillie au domicile de Mme A... a présenté en fin de matinée du 27 mai 2019 une importante tuméfaction de l'hémiface gauche ayant nécessité une hospitalisation de vingt-quatre heures pour bilan. Si Mme A... indique avoir laissé l'enfant quelques instants dans un parc à jouet, le temps de réchauffer le repas à la cuisine, et ne pas être en mesure d'expliquer l'apparition de l'hématome qu'elle a constaté à son retour dans le salon alors que l'enfant n'avait pas pleuré ainsi qu'en atteste sa belle-fille, elle ne conteste pas la matérialité des faits, qu'elle a elle-même immédiatement signalé aux parents de l'enfant et le lendemain aux services de protection maternelle et infantile. Le défaut de surveillance qui lui est reproché est ainsi corroboré par ses propres explications, l'intéressée reconnaissant ne pas avoir été dans la pièce lors de l'accident et ne pas être en mesure de fournir d'explication sur l'origine de l'hématome présenté par l'enfant. Dans ces conditions, alors d'une part que l'hôpital ayant pris en charge l'enfant a estimé nécessaire compte tenu de l'importance de l'hématome de la garder en observation pour réaliser plusieurs examens de contrôle et de procéder à un signalement et, d'autre part, que le procureur de la République a ouvert une enquête, le président du conseil départemental se trouvait dans une situation d'urgence dans laquelle il pouvait, sans commettre d'erreur d'appréciation, procéder à une suspension temporaire de l'agrément de Mme A.... Au vu de ces mêmes éléments et alors même que Mme A... justifie de la satisfaction de nombreux parents dont elle a gardé les enfants, la décision de restriction de son agrément à l'accueil de deux enfants à la journée n'est pas entachée d'erreur d'appréciation. Par ailleurs, la circonstance que la plainte pénale des parents de l'enfant a été classée sans suite le 7 septembre 2020 est sans incidence sur la légalité des décisions attaquées.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposée par le département de la Gironde, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Sa requête doit, par suite, être rejetée en toutes ses conclusions, y compris les conclusions indemnitaires.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au département de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 11 janvier 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente,
Mme Edwige Michaud, première conseillère,
Mme Kolia Gallier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er février 2024.
La rapporteure,
Kolia GallierLa présidente,
Christelle Brouard-Lucas
La greffière,
Marion Azam Marche
La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22BX01469 2