La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/02/2024 | FRANCE | N°23BX02091

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 15 février 2024, 23BX02091


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Le préfet de la Guadeloupe a déféré au tribunal administratif de la Guadeloupe

M. C... D... comme prévenu d'une contravention de grande voirie pour avoir procédé sans droit ni titre à des travaux d'extension d'un restaurant sur le domaine public maritime sur le territoire de la commune du Gosier et lui a demandé de le condamner au paiement de l'amende prévue à l'article L. 2132-26 du code général de la propriété des personnes publiques, de lui enjoindre de procéd

er à la remise du site en l'état dans un délai d'un mois, le cas échéant sous astreinte, et d'or...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet de la Guadeloupe a déféré au tribunal administratif de la Guadeloupe

M. C... D... comme prévenu d'une contravention de grande voirie pour avoir procédé sans droit ni titre à des travaux d'extension d'un restaurant sur le domaine public maritime sur le territoire de la commune du Gosier et lui a demandé de le condamner au paiement de l'amende prévue à l'article L. 2132-26 du code général de la propriété des personnes publiques, de lui enjoindre de procéder à la remise du site en l'état dans un délai d'un mois, le cas échéant sous astreinte, et d'ordonner l'exécution d'office de la décision à intervenir aux frais du contrevenant.

Par un jugement n° 2101035 du 25 mai 2023, le tribunal administratif de la Guadeloupe a relaxé M. D... des fins de la poursuite pour contravention de grande voirie engagée à son encontre et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 24 juillet 2023 et le 27 décembre 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 25 mai 2023 ;

2°) par l'effet dévolutif de l'appel, de faire droit à la demande présentée par le préfet de la Guadeloupe devant le tribunal.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier faute pour le président de la formation de jugement d'avoir rouvert l'instruction à la suite de la production d'une note en délibéré par le préfet contenant des éléments nouveaux susceptibles d'avoir une influence sur la solution du litige, notamment une décision récente du Conseil d'Etat caractérisant la réalité et l'imputabilité de l'infraction constatée ;

- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, M. D... pouvait légalement être poursuivi dès lors qu'il s'est présenté à l'agent verbalisateur comme le propriétaire du restaurant, qu'il est un des co-gérants de la société Immoroma, propriétaire du bien, et qu'il disposait en cette qualité des pouvoirs du propriétaire pour faire cesser les travaux d'extension du restaurant empiétant sur le domaine public maritime ;

- comme l'a relevé le Conseil d'Etat dans la décision n° 466993 du 14 avril 2023, les aménagements en litige sont implantés pour partie sur le domaine public maritime sans que le propriétaire des parcelles au droit desquelles ces constructions sont érigées ne dispose d'un droit ou d'une autorisation pour ce faire ; le préfet de la Guadeloupe était donc fondé à déférer M. D..., en sa qualité de co-gérant de la société Immoroma, comme prévenu d'une contravention de grande voirie ;

- aucun élément ne justifie de moduler le montant de l'amende devant être prononcé.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 novembre 2023, M. D..., représenté par Me Krebs, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à titre subsidiaire, au rejet de la demande présentée par le préfet de la Guadeloupe devant le tribunal ;

3°) à titre infiniment subsidiaire, à ce que le montant de l'amende soit limité à la somme de 300 euros et au rejet des conclusions du ministre tendant à ce qu'il soit condamné aux dépens, aux frais de procès-verbal et d'instance ;

4°) en toute hypothèse, à ce que soit mis à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les moyens invoqués par le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ne sont pas fondés ;

- le procès-verbal de contravention a été dressé par une autorité incompétente ;

- l'administration ne rapporte pas la preuve de la notification du procès-verbal dans les conditions prévues par l'article L. 774-2 du code de justice administrative ;

- il n'est pas non plus établi que l'agent ayant notifié ce procès-verbal aurait été compétent ;

- la construction litigieuse n'a pas été édifiée sur le domaine public maritime ;

- subsidiairement, le montant de la contravention devrait être modulé à une somme n'excédant pas 300 euros.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code pénal ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Kolia Gallier,

- les conclusions de M. Romain Roussel Cera, rapporteur public,

- et les observations de Me Krebs, représentant M. D....

Considérant ce qui suit :

1. Un procès-verbal de contravention de grande voirie a été dressé le 15 juin 2021 à l'encontre de M. C... D... pour avoir procédé sans droit ni titre à des travaux d'extension d'un restaurant sur le domaine public maritime sur le territoire de la commune du Gosier. Le préfet de la Guadeloupe a déféré, le 6 septembre 2021, M. D... devant le tribunal administratif de la Guadeloupe et lui a demandé de le condamner au paiement de l'amende prévue à l'article L.2132-26 du code général de la propriété des personnes publiques, de lui enjoindre de remettre les lieux en état, le cas échéant sous astreinte, et d'autoriser l'administration à procéder d'office à la remise en état de cette parcelle à ses frais et risques. Le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires relève appel du jugement du 25 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a relaxé M. D... des fins de la poursuite engagée à son encontre.

Sur la régularité du jugement :

2. Dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, le juge administratif a toujours la faculté de rouvrir l'instruction, qu'il dirige, lorsqu'il est saisi d'une production postérieure à la clôture de celle-ci. Il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et de la viser. S'il décide d'en tenir compte, il rouvre l'instruction et soumet au débat contradictoire les éléments contenus dans cette production qu'il doit, en outre, analyser. Dans le cas particulier où cette production contient l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire, le juge doit alors en tenir compte, à peine d'irrégularité de sa décision.

3. Le ministre soutient que les premiers juges ont entaché leur jugement d'irrégularité en s'abstenant de rouvrir l'instruction pour communiquer la note en délibéré produite par le préfet de la Guadeloupe le 17 mai 2023 mentionnant notamment la décision rendue le 14 avril 2023 par le Conseil d'Etat sur le pourvoi formé par les sociétés Cuisine éco-logique et diététique caribéenne et Immoroma contre l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe du 10 août 2022 enjoignant à la société Cuisine éco-logique et diététique caribéenne et à tout autre occupant du domaine public maritime sur la plage de la Datcha de libérer les lieux, de procéder à ses frais et risques à la démolition des ouvrages installés et à l'enlèvement de tout objet mobilier, sous astreinte de 200 euros par jour de retard faute d'exécution dans un délai de deux semaines. Toutefois, ni le préfet de la Guadeloupe dans sa note en délibéré, ni le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires devant la cour, n'indiquent que le préfet n'aurait pas été en mesure de faire état de cette décision avant la clôture de l'instruction, intervenue trois jours francs avant l'audience du 11 mai 2023 en application des dispositions de l'article R. 613-2 du code de justice administrative. Dans ces conditions, le tribunal n'a pas entaché son jugement d'irrégularité en s'abstenant de rouvrir l'instruction pour soumettre au débat contradictoire la note en délibéré produite par le préfet de la Guadeloupe. Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit, par suite, être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. Aux termes de l'article L. 2132-2 du code général de la propriété des personnes publiques : " Les contraventions de grande voirie sont instituées par la loi ou par décret, selon le montant de l'amende encourue, en vue de la répression des manquements aux textes qui ont pour objet, pour les dépendances du domaine public n'appartenant pas à la voirie routière, la protection soit de l'intégrité ou de l'utilisation de ce domaine public, soit d'une servitude administrative mentionnée à l'article L. 2131-1. / Elles sont constatées, poursuivies et réprimées par voie administrative. " L'article L. 2132-3 du même code prévoit : " Nul ne peut bâtir sur le domaine public maritime ou y réaliser quelque aménagement ou quelque ouvrage que ce soit sous peine de leur démolition, de confiscation des matériaux et d'amende. (...) ".

5. La personne qui peut être poursuivie pour contravention de grande voirie est, soit celle qui a commis ou pour le compte de laquelle a été commise l'action qui est à l'origine de l'infraction, soit celle sous la garde de laquelle se trouvait l'objet qui a été la cause de la contravention, qu'elle l'ait ou non édifié elle-même.

6. Pour relaxer M. D... des fins de la poursuite engagée à son encontre par le préfet de la Guadeloupe, le tribunal a retenu qu'il ne résultait pas de l'instruction qu'il puisse être regardé comme la personne qui a commis ou pour le compte de laquelle a été commise l'action à l'origine des infractions constatées, ni davantage qu'il aurait eu la garde de l'objet qui a été la cause de la contravention. Toutefois, il résulte du procès-verbal dressé le 15 juin 2021 que les agents verbalisateurs ont constaté la présence sur les lieux de M. C... D..., qui s'est présenté comme propriétaire, et d'un autre individu, ouvrier, tous deux procédant à la réfection du restaurant existant. Si l'intéressé soutient qu'il n'est pas établi qu'il serait l'auteur de l'infraction et que son identité n'a pas été vérifiée lors de l'opération, il ne conteste pas sérieusement avoir été l'individu identifié par les agents verbalisateurs en train de procéder aux travaux litigieux. En outre, il résulte des pièces produites pour la première fois en appel par le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, que M. C... D... a été nommé co-gérant par l'assemblée générale ordinaire du 10 juin 2019 de la SARL Immorama, propriétaire de l'établissement en cause. Au vu de ces éléments, M. D... doit être regardé comme la personne qui a commis et pour le compte de laquelle a été commise l'action à l'origine de l'infraction poursuivie par le préfet de la Guadeloupe et le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont retenu que tel n'était pas le cas pour le relaxer de la poursuite pour contravention de grande voirie engagée à son encontre.

7. Il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D....

En ce qui concerne la régularité des poursuites :

8. Aux termes de l'article L. 2132-21 du code général de la propriété des personnes publiques : " Sous réserve de dispositions législatives spécifiques, les agents de l'État assermentés à cet effet devant le tribunal judiciaire, les agents de police judiciaire et les officiers de police judiciaire, ainsi que les agents des douanes, sont compétents pour constater les contraventions de grande voirie ".

9. En premier lieu, il résulte des mentions du procès-verbal du 15 juin 2021, lesquelles font foi jusqu'à preuve du contraire, que celui-ci a été dressé par M. B..., agent de l'État affecté à la direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement de la Guadeloupe. Cet agent a été commissionné et assermenté pour constater les contraventions de grande voirie en vertu de l'article L. 2132-21 du code général de la propriété des personnes publiques ainsi qu'en a justifié le préfet de la Guadeloupe devant les premiers juges en produisant la carte de commission qui lui a été délivrée le 16 janvier 2018 par le ministre de la transition écologique et solidaire et le ministre de la cohésion des territoires et le procès-verbal de prestation de serment du 17 mai 2018. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le procès-verbal aurait été dressé par une autorité incompétente ne peut qu'être écarté.

10. Aux termes de l'article L. 774-2 du code de justice administrative : " Dans les dix jours qui suivent la rédaction d'un procès-verbal de contravention, le préfet fait faire au contrevenant notification de la copie du procès-verbal. (...) ".

11. Contrairement à ce que soutient M. D..., il résulte de l'instruction et en particulier de l'accusé de réception qu'il a signé le 15 juillet 2021 produit par le ministre, que le procès-verbal dressé le 15 juin 2021 lui a bien été notifié.

12. Cette notification a été effectuée par M. E... A..., directeur de la direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement de la Guadeloupe, ayant reçu par un arrêté du 13 août 2020 régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture de Guadeloupe librement accessible sur internet, délégation du préfet de la Guadeloupe pour procéder à l'ensemble des actes de protection du domaine public, en particulier ceux qui concernent les contraventions de grande voirie. Par suite, le moyen tiré de ce que cet agent n'aurait pas été compétent pour procéder à la notification du procès-verbal doit être écarté.

13. Si le procès-verbal dressé contre M. D... le 15 juin 2021 ne lui a été notifié que le 15 juillet suivant, cette circonstance n'a pas affecté la régularité de la procédure dès lors, d'une part, que le délai de dix jours prévu à l'article L. 774-2 du code de justice administrative cité ci-dessus n'est pas prescrit à peine de nullité et, d'autre part, qu'il ne résulte pas de l'instruction que le retard avec lequel le procès-verbal a été notifié à l'intéressé ait eu pour effet de porter atteinte aux droits de la défense, M. D... ayant pu produire en temps utile une défense devant le tribunal. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la notification du procès-verbal de contravention de grande voirie doit être écarté.

En ce qui concerne le bien-fondé de la contravention :

14. Aux termes de l'article L. 2111-4 du même code : " Le domaine public maritime naturel de l'Etat comprend : / 1° Le sol et le sous-sol de la mer entre la limite extérieure de la mer territoriale et, côté terre, le rivage de la mer. / Le rivage de la mer est constitué par tout ce qu'elle couvre et découvre jusqu'où les plus hautes mers peuvent s'étendre en l'absence de perturbations météorologiques exceptionnelles ; (...) / 3° Les lais et relais de la mer : / a) Qui faisaient partie du domaine privé de l'Etat à la date du 1er décembre 1963, sous réserve des droits des tiers ; / b) Constitués à compter du 1er décembre 1963. / Pour l'application des a et b ci-dessus dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de La Réunion, la date à retenir est celle du 3 janvier 1986 ; / 4° La zone bordant le littoral définie à l'article L. 5111-1 dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de La Réunion ; (...) ". L'article L. 5111-1 du même code dispose : " La zone comprise entre la limite du rivage de la mer et la limite supérieure de la zone dite des cinquante pas géométriques définie à l'article L. 5111-2 fait partie du domaine public maritime de l'Etat. " Aux termes de l'article L. 5111-3 du même code : " Les dispositions de l'article L. 5111-1 s'appliquent sous réserve des droits des tiers à la date du 5 janvier 1986. Les droits des tiers résultent : / 1° Soit de titres reconnus valides par la commission prévue par les dispositions de l'article 10 du décret n° 55-885 du 30 juin 1955 ; / 2° Soit de ventes ou de promesses de vente consenties par l'Etat postérieurement à la publication de ce décret et antérieurement à la date du 5 janvier 1986 (...) ".

15. Pour constater que l'infraction, à caractère matériel, d'occupation irrégulière du domaine public, est constituée, le juge de la contravention de grande voirie doit déterminer, au vu des éléments de fait et de droit pertinents, si la dépendance concernée relève du domaine public. S'agissant du domaine public maritime, le juge doit appliquer les critères fixés par l'article L.2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques et n'est pas lié par les termes d'un arrêté, à caractère déclaratif, de délimitation du domaine public maritime. L'appartenance d'une dépendance au domaine public ne peut résulter de l'application d'un tel arrêté, dont les constatations ne représentent que l'un des éléments d'appréciation soumis au juge.

16. Il résulte de l'instruction que l'Etat a cédé à deux acquéreurs, par un acte de vente du 19 août 1961, des parcelles d'une superficie totale de 14 057 m2 bornées au sud par la plage dite " de la Datcha " et comprises dans la zone dite des cinquante pas géométriques, ces parcelles ayant été ensuite revendues à la société Pergola en 1976, qui les a elle-même cédées en 1977 à la société Immoroma. Si M. D... soutient que la limite sud de la propriété de cette société est constituée par le rivage de la mer de sorte que les travaux d'extension du restaurant auquel il a procédé vers le sud ne la dépasserait pas, il résulte au contraire du procès-verbal de contravention dressé le 15 juin 2021, faisant foi jusqu'à preuve du contraire, des plans de délimitation du rivage de la mer et des photographies produites tant par le préfet en première instance que par le ministre devant la cour que les travaux entrepris empiètent sur le domaine public maritime de l'Etat. Dans ces conditions, les travaux litigieux et l'occupation irrégulière du domaine public maritime constituent une infraction de contravention de grande voirie et les poursuites engagées par le préfet de la Guadeloupe ne méconnaissent pas le droit de propriété de la société Immorama.

En ce qui concerne l'amende :

17. Aux termes de l'article L. 2132-26 du code général de la propriété des personnes publiques : " Sous réserve des textes spéciaux édictant des amendes d'un montant plus élevé, l'amende prononcée pour les contraventions de grande voirie ne peut excéder le montant prévu par le 5° de l'article 131-13 du code pénal (...) ". L'article 131-13 du code pénal dispose : " (...) Le montant de l'amende est le suivant : (...) / 5° 1 500 euros au plus pour les contraventions de la 5ème classe, montant qui peut être porté à 3 000 euros en cas de récidive lorsque le règlement le prévoit, hors les cas où la loi prévoit que la récidive de la contravention est un délit. ". Lorsqu'il retient la qualification de contravention de grande voirie s'agissant des faits qui lui sont soumis, le juge est tenu d'infliger une amende au contrevenant. Alors même que les dispositions précitées ne prévoient pas de modulation des amendes, le juge, qui est le seul à les prononcer, peut toutefois, dans le cadre de ce contentieux répressif, moduler leur montant dans la limite du plafond prévu par la loi et du plancher que constitue le montant de la sanction directement inférieure, pour tenir compte de la gravité de la faute commise, laquelle est appréciée au regard de la nature du manquement et de ses conséquences.

18. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner M. D... au paiement d'une amende d'un montant de 1 500 euros.

En ce qui concerne la réparation domaniale :

19. Lorsqu'il qualifie de contravention de grande voirie des faits d'occupation irrégulière d'une dépendance du domaine public, le juge administratif, saisi d'un procès-verbal de contravention de grande voirie accompagné ou non de conclusions de l'administration tendant à l'évacuation de cette dépendance, enjoint au contrevenant de libérer sans délai le domaine public et peut, s'il l'estime nécessaire, prononcer une astreinte en fixant lui-même, dans le cadre de son pouvoir d'appréciation, le point de départ de cette astreinte, sans être lié par la demande de l'administration.

20. Au vu de ce qui précède et dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner M. D... à procéder à la remise en état du site par la démolition des installations édifiées sur le domaine public maritime dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé ce délai. L'administration pourra procéder d'office à la démolition des installations litigieuses et à la remise des lieux dans leur état naturel aux frais et risques du contrevenant en cas d'inexécution après ce même délai.

21. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a relaxé M. D... des fins de la poursuite pour contravention de grande voirie engagée à son encontre par le préfet de la Guadeloupe. Il y a lieu, par suite, d'annuler le jugement et de faire droit, dans les conditions exposées ci-dessus, aux poursuites pour contravention de grande voirie engagée par le préfet de la Guadeloupe. Les conclusions présentées par M. D... ne peuvent, quant à elles, qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme quelconque au titre des frais exposés par M. D... pour les besoins du litige.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2101035 du tribunal administratif de la Guadeloupe est annulé.

Article 2 : M. D... est condamné au paiement d'une amende de 1 500 euros.

Article 3 : Il est enjoint à M. D... de remettre dans son état naturel la partie du domaine public maritime irrégulièrement occupée dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt et sous astreinte de 50 euros par jour de retard. A l'expiration de ce délai, l'Etat est autorisé à faire exécuter d'office cette remise en état, aux frais et risques du contrevenant.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D..., à la société anonyme à responsabilité limitée Immoroma et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copies en seront transmises pour information au préfet de la Guadeloupe et à la ministre des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 25 janvier 2024 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Claude Pauziès, président,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Kolia Gallier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 février 2024.

La rapporteure,

Kolia GallierLe président,

Jean-Claude Pauziès

La greffière,

Stéphanie Larrue

La République mande et ordonne au préfet de la Guadeloupe en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23BX02091 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23BX02091
Date de la décision : 15/02/2024
Type de recours : Contentieux répressif

Composition du Tribunal
Président : M. PAUZIÈS
Rapporteur ?: Mme Kolia GALLIER
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL CERA
Avocat(s) : KREBS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-15;23bx02091 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award