Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 7 juillet 2023 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans.
Par un jugement n° 2301812 du 27 juillet 2023, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Pau a, renvoyé l'examen de la légalité de la décision du refus de séjour à une formation collégiale du tribunal, annulé l'arrêté du préfet de la Gironde en tant qu'il refuse à M. A... un délai de départ volontaire et en tant qu'il prononce à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français, enjoint au préfet de procéder à l'effacement du signalement de M. A... aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen et rejeté les conclusions tendant à l'annulation des décision d'éloignement et fixant le pays de destination.
Procédures devant la cour :
I. Par une requête enregistrée le 17 août 2023 sous le n° 23BX02275, M. A..., représenté par Me Dumaz Zamora, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Pau du 27 juillet 2023 en tant qu'il rejette ses conclusions tendant à l'annulation des décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi, et en tant qu'il ne statue pas sur ses conclusions relatives aux frais exposés pour les besoins du litige ;
2°) avant dire droit, d'enjoindre au préfet de la Gironde de produire son dossier de demande de renouvellement de titre de séjour ;
3°) d'annuler les décisions du 7 juillet 2023 par lesquelles le préfet de la Gironde lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français et a fixé le pays de destination ;
4°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai d'une semaine à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
5°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 500 euros, à verser à son conseil, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le magistrat désigné a omis de statuer sur la demande tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet, avant dire droit, de produire son dossier de demande de renouvellement de titre de séjour ;
- le magistrat désigné a également omis de se prononcer sur la demande présentée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
- en jugeant que le refus de séjour était légalement fondé au regard de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le magistrat désigné a procédé à une substitution de base légale dont les parties n'ont pas été informées et sur laquelle elles n'ont pas été mises en mesure de présenter d'observations ; le jugement est par suite irrégulier ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ; la décision ne fait pas état de l'appréciation du préfet au regard de l'intérêt supérieur de sa fille ;
- cette décision est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;
- le refus de séjour est entaché d'un défaut de motivation ;
- cette décision méconnaît l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le refus de séjour a été édicté en méconnaissance de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile faute de consultation de la commission du titre de séjour ;
- il méconnaît également l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- cette décision méconnaît en outre l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant qui n'est pas visée ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le préfet a omis de tenir compte de sa qualité de réfugié reconnue par les autorités italiennes pour décider de son éloignement et de son pays de renvoi et n'a pas procédé à un examen approfondi des risques auxquels il serait exposé en cas de retour dans son pays d'origine ;
- la décision fixant le pays de renvoi est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision d'éloignement ;
- cette décision méconnaît l'article 33 de la convention de Genève, l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 8 décembre 2023, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Il indique s'en remettre à ses écritures de première instance.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 septembre 2023.
II. Par une requête enregistrée le 6 septembre 2023 sous le n° 23BX02409, M. A..., représenté par Me Dumaz Zamora, demande à la cour :
1°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Pau du 27 juillet 2023 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'exécution de la décision du magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux est susceptible d'entraîner pour lui des conséquences difficilement réparables ;
- les moyens soulevés dans sa requête au fond sont sérieux.
Par un mémoire en défense enregistré le 8 décembre 2023, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Il indique s'en remettre à ses écritures de première instance.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Kolia Gallier a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant nigérian né le 13 mai 1989, s'est vu délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " en qualité de parent d'enfant français le 4 septembre 2020, renouvelé le 16 mars 2022. Le 15 février 2023, il a sollicité, auprès des services de la préfecture de la Gironde, le renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 7 juillet 2023, le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. M. A... a demandé l'annulation de cet arrêté au tribunal administratif de Pau dont le magistrat désigné a, par un jugement du 27 juillet 2023, renvoyé l'examen des conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus de séjour à une formation collégiale du tribunal, annulé l'arrêté du préfet de la Gironde en tant qu'il lui refuse un délai de départ volontaire et en tant qu'il prononce à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français. Par une requête enregistrée sous le n° 23BX02275, M. A... relève appel de ce jugement en tant qu'il rejette ses conclusions tendant à l'annulation des décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi. Par une requête enregistrée sous le n° 23BX02409, il demande à la cour d'ordonner le sursis à exécution de ce jugement dans la même mesure. Ces requêtes concernant un même jugement, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
Sur la requête n° 23BX02275 :
En ce qui concerne la régularité du jugement :
2. En premier lieu, M. A... soutient que le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Pau a omis de se prononcer sur ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Gironde de produire, avant dire droit, l'ensemble de son dossier de demande de renouvellement de titre de séjour. Le magistrat désigné, suffisamment informé à la suite de l'instruction, a pu à bon droit refuser de faire droit à cette demande. En rejetant au fond les conclusions présentées par M. A... tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi, il a implicitement mais nécessairement rejeté la demande dont il était saisi à cette fin. Par suite, l'absence de motifs explicites du jugement sur ce point n'entache pas d'irrégularité le jugement attaqué.
3. En deuxième lieu, M. A... soutient à juste titre que le magistrat désigné a omis de se prononcer sur les conclusions qu'il a présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, le jugement attaqué ne comportant aucune mention à cet égard, ni dans ses motifs ni dans son dispositif. Par suite, le jugement est irrégulier en tant qu'il a omis de se prononcer sur ces conclusions et doit être annulé dans cette mesure.
4. En troisième lieu, M. A... soutient que le jugement attaqué est irrégulier en tant qu'il a procédé à une substitution de base légale sans information préalable des parties. Il ressort des pièces du dossier que le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Pau a retenu, après avoir cité les dispositions de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui n'étaient, il est vrai, pas mentionnée par l'arrêté du préfet de la Gironde, que M. A... ne pouvait prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-7 du même code, notamment en raison de la menace pour l'ordre public que représente sa présence en France. Ce faisant, il n'a toutefois pas procédé à une substitution de base légale, mais simplement confirmé la légalité d'un motif qui figurait explicitement dans l'arrêté litigieux. Ce moyen doit, par suite, être écarté.
5. Il y a lieu de statuer, par la voie de l'évocation, sur les conclusions de la demande de M. A... relatives aux frais exposés pour les besoins du litige et, par la voie de l'effet dévolutif, sur le surplus des conclusions présentées par l'intéressé.
En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation :
S'agissant de l'exception d'illégalité de la décision de refus de séjour :
6. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L.211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
7. Pour refuser d'accorder à M. A... le renouvellement de son titre de séjour en qualité de parent d'enfant français, le préfet de la Gironde a retenu, d'une part, qu'il ne justifiait pas contribuer à l'entretien et à l'éducation de son enfant français depuis sa naissance ou au moins deux ans et, d'autre part, que sa présence en France représentait une menace réelle, actuelle et grave pour l'ordre public. La décision de refus de séjour vise le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en particulier les dispositions relatives aux décisions d'éloignement et à l'exécution des décisions d'éloignement et fait référence, dans ses motifs, à l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur le fondement duquel la demande de l'intéressée a été présentée. Elle ne vise ni ne fait référence, toutefois, aux dispositions de l'article L. 412-5 de ce code qui prévoient que la circonstance que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public fait obstacle à la délivrance et au renouvellement de la carte de séjour temporaire. Par suite, cette décision ne comporte pas l'énoncé complet des considérations de droit qui en constituent le fondement et M. A... est fondé à soutenir que la décision de refus de séjour qui lui a été opposée est insuffisamment motivée et, par suite, illégale.
S'agissant des décisions portant obligation de quitter le territoire français et détermination d'un pays de renvoi :
8. Il résulte de ce qui a été exposé au point précédent, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que les décisions portant obligation de quitter le territoire français et détermination d'un pays de renvoi sont dépourvues de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de séjour.
9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner au préfet, par une mesure avant dire droit, de communiquer l'entier dossier de M. A..., que celui-ci est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Pau a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi.
En ce qui concerne les conclusions à fin d'injonction :
10. Aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ".
11. Le présent arrêt implique seulement, eu égard à ses motifs, que le préfet de la Gironde procède au réexamen de la situation administrative de M. A... dans un délai de deux mois à compter de sa notification et lui délivre, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour en application des dispositions précitées.
En ce qui concerne les frais liés au litige :
12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à Me Dumaz Zamora au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 pour les frais exposés en première instance et en appel.
Sur la requête n° 23BX02409 :
13. Le présent arrêt statuant au fond sur les conclusions de M. A..., sa requête aux fins de sursis à exécution est devenue sans objet.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Pau du 27 juillet 2023 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de M. A... tendant à l'annulation des décisions du préfet de la Gironde du 7 juillet 2023 lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi, ainsi qu'en tant qu'il omet de se prononcer sur les conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 2 : Les décisions du préfet de la Gironde du 7 juillet 2023 portant obligation de quitter le territoire français et détermination d'un pays de destination sont annulées.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de procéder au réexamen de la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour.
Article 4 : L'Etat versera à Me Dumaz Zamora une somme de 2 000 euros au titre des articles L.761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 5 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 23BX02409.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au préfet de la Gironde et à Me Dumaz Zamora.
Délibéré après l'audience du 25 janvier 2023 à laquelle siégeaient :
M. Jean-Claude Pauziès, président,
Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,
Mme Kolia Gallier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 février 2024.
La rapporteure,
Kolia GallierLe président,
Jean-Claude Pauziès
La greffière,
Stéphanie Larrue
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°s 23BX02275 - 23BX02409 2