Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le syndicat CFTC des agents des collectivités territoriales de Guadeloupe a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 12 mars 2020 par lequel le président de la communauté d'agglomération Cap Excellence a détaché M. B... C... dans l'emploi fonctionnel de directeur général des services, pour une durée de cinq ans à compter du 1er mai 2020.
Par un jugement n° 2001049 du 19 novembre 2021, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 23 janvier 2022, le syndicat CFTC des agents des collectivités territoriales de Guadeloupe, représenté par Me Icard, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 19 novembre 2021 ;
2°) de faire droit à sa demande de première instance ;
3°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Cap Excellence la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
- le tribunal n'a pas répondu à son moyen tiré de ce que la nomination d'un cousin germain du président de la communauté d'agglomération portait atteinte au principe d'égal accès aux emplois publics ; il a ainsi insuffisamment motivé son jugement ;
Au fond :
- la commission administrative paritaire n'a pas été consultée ;
- M. C... n'a pas rempli son obligation de déclaration d'intérêts préalablement à sa nomination, qui est dès lors entachée d'illégalité ;
- la population de la communauté d'agglomération est comprise entre 80 000 et 150 000 personnes ;
- la nomination du candidat présentant des liens de parenté avec le président de la communauté d'agglomération méconnait le principe d'égal accès aux emplois publics.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 juin 2022, la communauté d'agglomération Cap Excellence, représentée par le cabinet Seban et Associés, agissant par Me Carrère, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge du syndicat requérant une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance :
- la qualité de M. A... pour ester en justice au nom du syndicat requérant n'est pas établie : en effet la version produite des statuts n'est pas revêtue ou accompagnée d'une preuve de leur dépôt en mairie conformément aux articles L. 2131-3 et R. 2131-1 du code du travail, et la réalité de la désignation de M. A... en tant que président du syndicat n'est établie par aucune pièce ;
- cette qualité n'est pas établie lors du dépôt du recours gracieux par le syndicat, si bien que la requête était tardive ;
Au fond :
- les moyens soulevés par le syndicat ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 ;
- le décret n° 87-1101 du 30 décembre 1987 ;
- le décret n° 2016-202 du 26 février 2016 ;
- le décret n° 2016-1967 du 28 décembre 2016 ;
- le décret n° 2019-1265 du 29 novembre 2019 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Au cours de l'audience publique, ont été entendus :
- le rapport de M. Julien Dufour,
- les conclusions de M. Duplan, rapporteur public ;
- et les observations de Me Abbal, représentant la communauté d'agglomération Cap Excellence.
Considérant ce qui suit :
1. Le syndicat CFTC des agents des collectivités territoriales de Guadeloupe a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 12 mars 2020 par lequel le président de la communauté d'agglomération Cap Excellence a détaché M. B... C... dans l'emploi fonctionnel de directeur général des services, pour une durée de cinq ans à compter du 1er mai 2020. Il relève appel du jugement du 19 novembre 2021 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Pour écarter le moyen soulevé par le syndicat requérant tiré de ce que la procédure de recrutement mise en œuvre aurait eu pour effet de favoriser la candidature de M. C..., cousin germain du président de Cap Excellence, en méconnaissance du principe d'égal accès aux emplois publics, le tribunal a relevé au point 7 de son jugement que : " (...) les éléments qu'il invoque, relatifs à la cessation anticipée du détachement précédent de M. C..., sont sans lien avec la violation dont il se prévaut. En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que le centre de gestion compétent a assuré la publicité de la vacance d'emploi de directeur général des services de Cap Excellence au mois de septembre 2019. Il n'est pas contesté que plusieurs candidats ont fait acte de candidature et ont été auditionnés par l'autorité territoriale avant que ne soit retenue la candidature de M. C.... Par conséquent, et dès lors que les allégations du requérant relatives aux liens familiaux existant entre M. C... et le président de la collectivité, à les supposer même établies, ne sont pas de nature, à elles seules, à caractériser une rupture d'égalité, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égal accès aux emplois publics doit être écarté ". Les premiers juges, qui n'ont pas l'obligation de répondre à l'ensemble des arguments avancés par le requérant, ont ainsi suffisamment motivé leur jugement.
Sur la légalité de l'arrêté du 12 mars 2020 :
3. En premier lieu, l'article 30 de la loi du 26 janvier 1984, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, et les articles 38 du décret du 17 avril 1989 relatif aux commissions administratives paritaires des collectivités territoriales et de leurs établissements publics, et 27 du décret du 13 janvier 1986 relatif aux positions de détachement, de disponibilité, de congé parental des fonctionnaires territoriaux et à l'intégration, prévoyaient que le détachement d'un agent dans l'emploi de directeur général des services d'une communauté d'agglomération devait intervenir après consultation préalable de la commission administrative paritaire compétente. Dans sa rédaction issue de l'article 10 de la loi du 6 août 2019, l'article 30 de la loi du 26 janvier 1984 énumère les décisions individuelles qui doivent être précédées de la consultation de la commission administrative paritaire, parmi lesquelles ne figurent plus les décisions de détachement. En outre, l'article 38 du décret du 17 avril 1989, comme l'article 27 du décret du 13 janvier 1986, ont été abrogés par les articles 31 et 32 du décret du 29 novembre 2019 relatif aux lignes directrices de gestion et à l'évolution des attributions des commissions administratives paritaires.
4. Aux termes de l'article 94 de la loi du 6 août 2019 : " IV. - L'article 10 [relatif aux nouvelles compétences des commissions administratives paritaires] s'applique en vue de l'élaboration des décisions individuelles prises au titre de l'année 2021.
Par dérogation au premier alinéa du présent IV : (...) 1° Les décisions individuelles relatives aux mutations et aux mobilités ne relèvent plus des attributions des commissions administratives paritaires à compter du 1er janvier 2020, au sein de la fonction publique territoriale (...) ". Et aux termes de l'article 40 du décret du 29 novembre 2019 : " Les articles (...) 31, 32, (...) s'appliquent : (...) 1° Aux décisions qui sont relatives à la mutation, au détachement, à l'intégration et à la réintégration après détachement et à la mise en disponibilité et prennent effet à compter du 1er janvier 2020 ; (...) ". Il résulte de ces dispositions que la décision de détacher M. C... dans l'emploi fonctionnel de directeur général des services de la communauté d'agglomération Cap Excellence, prise le 12 mars 2020, et qui a pris effet le 1er mai 2020, n'était pas soumise à la consultation de la commission administrative paritaire, nonobstant la circonstance que l'emploi concerné a été déclaré vacant antérieurement au 1er janvier 2020. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes du I de l'article 25 ter de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " I. - La nomination dans l'un des emplois dont le niveau hiérarchique ou la nature des fonctions le justifient, mentionné sur une liste établie par décret en Conseil d'Etat, est conditionnée à la transmission préalable par le fonctionnaire d'une déclaration exhaustive, exacte et sincère de ses intérêts à l'autorité investie du pouvoir de nomination ". L'article 3 du décret du 28 décembre 2016 relatif à l'obligation de transmission d'une déclaration d'intérêts prévue à l'article 25 ter de la loi du 13 juillet 1983, pris pour l'application de cette loi, soumet à la formalité de la déclaration d'intérêts, préalablement à leur nomination, notamment les personnes occupant l'emploi de directeur général des services au sein des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de plus de 40 000 habitants, catégorie dans laquelle entre la communauté d'agglomération Cap Excellence.
6. Il ressort des pièces du dossier, notamment du courrier d'accompagnement comportant le tampon de la communauté d'agglomération, que M. C... a transmis sa déclaration d'intérêts à l'autorité investie du pouvoir de nomination le 11 mars 2020, soit antérieurement à la signature de l'arrêté prononçant sa nomination. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du I de l'article 25 ter de la loi du 13 juillet 1983 doit être écarté.
7. En troisième lieu, il résulte des dispositions combinées de l'article 53 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et de l'article 1er du décret du 30 décembre 1987, portant dispositions statutaires particulières à certains emplois administratifs de direction des collectivités territoriales et des établissements publics locaux assimilés, que leurs dispositions sont applicables à l'emploi de directeur général des communautés d'agglomération, lesquelles sont assimilées, pour l'application des dispositions du décret du 30 décembre 1987, à des communes dont la population est égale à la somme des populations des communes regroupées. Aux termes de l'article 6 de ce décret : " Parmi les fonctionnaires mentionnés à l'article 4 du présent décret, seuls les administrateurs territoriaux, les conservateurs territoriaux du patrimoine, les conservateurs territoriaux de bibliothèques et les fonctionnaires titulaires d'un emploi ou appartenant à un corps ou à un cadre d'emplois dont l'indice terminal est au moins égal à la hors-échelle B peuvent être détachés dans un emploi de : / 1. Directeur général des services d'une commune de plus de 40 000 habitants ; (...) ".
8. Pour juger que M. C..., qui appartient au cadre d'emploi des ingénieurs en chef territoriaux, dont l'indice brut terminal est supérieur à la hors-échelle B, pouvait être détaché dans l'emploi de directeur général des service de Cap Excellence, les premiers juges ont relevé que cette communauté d'agglomération était un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre de plus de 40 000 habitants. Si le syndicat requérant fait valoir que la population des communes de Cap Excellence est située entre 80 000 et 150 000 habitants, les premiers juges n'ont pas commis d'erreur de droit dès lors que les dispositions réglementaires précitées ne font, s'agissant des fonctionnaires pouvant être recrutés sur l'emploi de directeur général des services, pas de distinction entre les établissements dont la population est supérieure à 40 000 habitants.
9. En quatrième lieu, le syndicat requérant soutient que le recrutement de M. C..., cousin germain de l'autorité de nomination, M. Bruno Jalton, président de Cap Excellence, méconnait le principe d'égal accès aux emplois publics. Toutefois, ce seul lien de parenté ne saurait suffire à établir un manquement à l'exigence d'impartialité de nature à fausser l'égalité entre les postulants. Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, il ressort des pièces du dossier que le centre de gestion compétent a assuré la publicité de la vacance d'emploi de directeur général des services de Cap Excellence au mois de septembre 2019, que huit candidats se sont manifestés, que trois d'entre eux, dont M. C..., ont été auditionnés les 5, 6 et 9 mars 2020. Si le syndicat CFTC des agents des collectivités territoriales de Guadeloupe a produit devant le tribunal un titre exécutoire révélant un trop-versé de prime au bénéfice de M. C..., ou encore la " rapidité " de la sélection du candidat à la suite des entretiens, aucun élément du dossier ne permet d'établir que le choix de M. C..., qui exerçait déjà les fonctions de directeur général adjoint de Cap Excellence et justifiait d'une formation et d'une expérience professionnelle en adéquation avec de telles responsabilités, aurait été fondé sur un motif autre que ses mérites ou l'intérêt du service. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'impartialité doit être écarté.
10. Il résulte de ce qui précède que le syndicat CFTC des agents des collectivités territoriales de Guadeloupe n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.
Sur les frais de l'instance :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Cap Excellence, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le syndicat requérant demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge du syndicat CFDT des agents des collectivités territoriales de Guadeloupe une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la communauté d'agglomération Cap Excellence et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête du syndicat CFDT des agents des collectivités territoriales de Guadeloupe est rejetée.
Article 2 : Le syndicat CFDT des agents des collectivités territoriales de Guadeloupe versera à la communauté d'agglomération Cap Excellence la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat CFDT des agents des collectivités territoriales de Guadeloupe, à M. B... C... et à la communauté d'agglomération Cap Excellence.
Délibéré après l'audience du 22 janvier 2024 à laquelle siégeaient :
M. Frédéric Faïck, président,
Mme Caroline Gaillard, première conseillère,
M. Julien Dufour, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 février 2024.
Le rapporteur,
Julien Dufour
Le président,
Frédéric Faïck
La greffière,
Stéphanie Larrue
La République mande et ordonne au préfet de la Guadeloupe en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22BX00246 2