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05/03/2024 | FRANCE | N°23BX01768

France | France, Cour administrative d'appel, 5ème chambre, 05 mars 2024, 23BX01768


Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :



Mme G... C... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 13 juin 2022 par lequel le préfet de la Guadeloupe a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.



Par un jugement n° 2200866 du 20 juin 2023, le tribunal administratif de la Guadeloupe a fait droit à sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 26 juin 2023, le préfet de la région Guadeloupe demande à la cour d'annuler le...

Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

Mme G... C... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 13 juin 2022 par lequel le préfet de la Guadeloupe a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2200866 du 20 juin 2023, le tribunal administratif de la Guadeloupe a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 juin 2023, le préfet de la région Guadeloupe demande à la cour d'annuler le jugement du 20 juin 2023 du tribunal administratif de Limoges.

Il soutient que :

- la demande de renouvellement du titre de séjour présentée par Mme C... sur le fondement de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est entachée de fraude, s'agissant de la reconnaissance le 5 juin 2014 par M. A... B..., ressortissant français, de l'enfant F... B... née le 24 septembre 2014, dans l'objectif de faciliter l'obtention de la nationalité française au bénéfice de l'enfant ;

- Mme C... n'apporte aucun élément probant de nature à justifier d'une relation de vie commune avec M. A... B..., de 23 ans son aîné, ni de la participation de M. B... à l'entretien et à l'éducation de l'enfant ;

- la présence de Mme C... sur le territoire français constitue une menace pour l'ordre public ;

- Mme C... peut reconstituer la cellule familiale en Haïti, ses enfants pouvant être scolarisés dans ce pays et son compagnon, M. E... D..., de nationalité haïtienne comme Mme C..., ayant également fait l'objet d'une mesure d'éloignement.

Par un mémoire enregistré le 11 août 2023, Mme C..., représentée par Me Mouberi, conclut au rejet de la requête et à ce que l'État verse à Me Mouberi la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés sont infondés.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Ellie a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante haïtienne née le 30 avril 1983, s'est vu délivrer des cartes de séjour temporaire successives portant la mention " vie privée et familiale " à compter de l'année 2016. Par un arrêté du 13 juin 2022, le préfet de La Guadeloupe a refusé le renouvellement de la carte de séjour de Mme C..., l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par la présente requête, le préfet de la Guadeloupe demande à la cour d'annuler le jugement du 20 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de La Guadeloupe a annulé l'arrêté du 13 juin 2022.

2. Aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ". Aux termes de l'article L. 423-8 du même code : " Pour la délivrance de la carte de séjour prévue à l'article L. 423-7, lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, doit justifier que celui-ci contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du code civil, ou produire une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. / Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant ".

3. Si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, tant que la prescription prévue par l'article 321 du code civil n'est pas acquise, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français ou s'appuyant sur la reconnaissance de paternité de son conjoint français.

4. Il ressort des pièces du dossier, notamment de l'acte de naissance de F... B... née le 24 septembre 2014 et de son certificat de nationalité du 6 janvier 2015, que M. B... a déclaré reconnaitre l'enfant à naitre le 5 juin 2014. Le préfet fait cependant valoir que Mme C... et M. B... n'ont jamais vécu ensemble, que ce dernier a 23 ans de plus que Mme C... et qu'aucune preuve de vie commune n'est apportée par celle-ci. Ces circonstances sont toutefois, par elles-mêmes, sans incidence sur l'existence d'une reconnaissance frauduleuse. Le préfet a fait réaliser une enquête administrative afin de déterminer l'existence d'une éventuelle reconnaissance frauduleuse de paternité, ayant consisté en une audition de M. B... le 28 juillet 2022. Il ressort du procès-verbal de cette audition que M. B... a déclaré avoir cessé sa relation avec Mme C... lorsqu'il avait compris qu'elle continuait à entretenir une relation avec M. D..., père de deux autres de ses enfants et a fait état d'un doute sur sa paternité, affirmant agir comme s'il n'était pas le père de F.... Il ne ressort d'ailleurs pas des pièces du dossier qu'il contribue effectivement à l'éducation et à l'entretien de l'enfant, seuls trois transferts de fonds d'un montant global de 739 euros étant versés au dossier. Il a également déclaré qu'il pensait que le père était M. D..., présent après la naissance et conjoint actuel de Mme C.... Cette enquête administrative a été transmise par le préfet à l'autorité judiciaire, le procureur de la République ayant décidé d'ouvrir une enquête préliminaire, le 14 décembre 2022, du chef de reconnaissance ou organisation de reconnaissance frauduleuse de paternité. Toutefois, M. B..., qui a reconnu l'enfant, a expressément déclaré avoir eu une relation avec Mme C... à une période susceptible de correspondre à la conception de l'enfant et s'être rendu auprès d'elle le jour de la naissance de l'enfant. L'enfant figure par ailleurs sur son attestation de droits à l'assurance maladie. Dans ces conditions, en l'absence d'indication sur l'issue de l'enquête préliminaire et en l'absence de tout élément de doute autre que les seules déclarations de M. B... qui ne reposent sur aucune donnée objective, le préfet ne peut être regardé comme apportant la preuve de ce que la reconnaissance de paternité de M. B... a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française de F... et la délivrance d'un titre de séjour à Mme C.... Il ne pouvait ainsi, pour ce motif, refuser la délivrance de ce titre de séjour ni, par suite, prendre une obligation de quitter le territoire français et fixer le pays de destination.

5. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... contribue effectivement à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. Dès lors, et en application de l'article L. 423-8 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le droit au séjour de Mme C... doit s'apprécier au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant. Si Mme C... fait valoir que ses enfants sont scolarisés en France et qu'elle réside sur le territoire français depuis 2005, il ne ressort pas des pièces du dossier que ses enfants ne pourraient pas poursuivre leur scolarité hors de France. Son conjoint, ressortissant haïtien et père de deux de ses enfants, a lui-même fait l'objet d'une mesure d'éloignement ainsi que l'indique le préfet et il n'est pas contesté qu'il contribue à l'entretien des autres enfants dont il n'est pas le père. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que M. B... entretiendrait des liens affectifs avec l'enfant qu'il a reconnue. Ainsi, rien ne s'oppose à ce que la cellule familiale puisse être reconstituée à Haïti. Dans ces conditions, et alors que Mme C... n'apporte pas d'éléments suffisamment circonstanciés permettant de justifier d'une insertion particulière dans la société française, la décision attaquée ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de la requérante et à l'intérêt supérieur des enfants, protégés par les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et de des libertés fondamentales et de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant.

6. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Guadeloupe est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a annulé la décision portant refus de titre de séjour ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination, pour le motif tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme C... en première instance.

8. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le signataire de l'arrêté attaqué était compétent pour signer cette décision, sur le fondement de la délégation de signature accordée par le préfet le 2 septembre 2021 au sous-préfet de Pointe-à-Pitre et régulièrement publiée au recueil des actes administratifs.

9. En deuxième lieu, la décision attaquée vise les textes dont il est fait application, rappelle précisément la situation de Mme C... et les raisons de fait et de droit pour lesquelles la demande de renouvellement de carte de séjour est refusée. Elle est ainsi suffisamment motivée.

10. En dernier lieu, le préfet pouvait légalement prendre les décisions attaquées pour le seul motif que les conditions posées par les articles L. 432-7 et L. 423-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'étaient pas remplies. Il résulte également de l'instruction qu'il aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur ce motif et pas sur celui tiré de ce que la présence de Mme C... sur le territoire français constituerait un trouble à l'ordre public.

11. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Guadeloupe est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé l'arrêté du 13 juin 2022.

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à l'avocat de Mme C... de la somme demandée au titre des frais liés à l'instance.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2200866 du 20 juin 2023 du tribunal administratif de la Guadeloupe est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de la Guadeloupe ainsi que ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera adressée au préfet de la Guadeloupe.

Délibéré après l'audience du 6 février 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

M. Ellie, premier conseiller,

Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 mars 2024.

Le rapporteur,

Sébastien EllieLa présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 23BX01768


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX01768
Date de la décision : 05/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Sébastien ELLIE
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : MOUBERI

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-05;23bx01768 ?
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