Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 3 août 2023 par lequel le préfet de la Charente-Maritime a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, et l'a assignée à résidence sur le territoire de la commune de La Rochelle.
Par un jugement n° 2302190 du 13 septembre 2023, le magistrat désigné du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 13 novembre 2023, et un mémoire en production de pièces, enregistré le 5 février 2024, Mme A... C..., représentée par Me Gand, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2302190 du 13 septembre 2023 du tribunal administratif de Poitiers ;
2°) d'annuler l'arrêté du 3 août 2023 par lequel le préfet de la Charente-Maritime a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, et l'a assignée à résidence sur le territoire de la commune de La Rochelle.
Elle soutient que :
- l'arrêté attaqué est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation dès lors qu'il ne mentionne pas la demande de titre de séjour formée par son époux en qualité d'étranger malade, en cours d'instruction à la date de l'arrêté attaqué ;
- c'est à tort que le tribunal administratif de Poitiers a refusé de prendre en considération la demande de titre de séjour en cours d'examen, en se fondant sur son caractère tardif, alors qu'eu égard à la gravité de son état de santé, il lui était impossible de respecter le délai de trois mois, prévu par les dispositions de l'article D. 341-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- dès lors qu'une demande de titre de séjour était en cours d'examen, le préfet de Charente-Maritime ne pouvait pas prendre l'arrêté attaqué portant obligation de quitter le territoire français ;
- l'arrêté attaqué méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- par voie de conséquence, l'assignation à résidence doit également être annulée.
Mme A... C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 octobre 2023 du bureau d'aide juridictionnelle.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Pauline Reynaud a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... C..., ressortissante de nationalité congolaise née en avril 1989, déclare être entrée en France le 31 décembre 2021, accompagnée de son époux, M. D... et de leurs quatre enfants. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 10 mai 2022, confirmée par une décision de la cour nationale du droit d'asile du 21 mars 2023. Par un arrêté du 3 août 2023, le préfet de la Charente Maritime a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et l'a assignée à résidence sur le territoire de la commune de La Rochelle. Mme C... relève appel du jugement n° 2302190 du 13 septembre 2023 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 août 2023.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable à la date de la décision attaquée : " Lorsqu'un étranger a présenté une demande d'asile qui relève de la compétence de la France, l'autorité administrative, après l'avoir informé des motifs pour lesquels une autorisation de séjour peut être délivrée et des conséquences de l'absence de demande sur d'autres fondements à ce stade, l'invite à indiquer s'il estime pouvoir prétendre à une admission au séjour à un autre titre et, dans l'affirmative, à déposer sa demande dans un délai fixé par décret. Il est informé que, sous réserve de circonstances nouvelles, notamment pour des raisons de santé, et sans préjudice de l'article L. 611-3, il ne pourra, à l'expiration de ce délai, solliciter son admission au séjour. / Les conditions d'application du présent article sont précisées par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article D. 431-7 du même code : " Pour l'application de l'article L. 431-2, les demandes de titres de séjour sont déposées par le demandeur d'asile dans un délai de deux mois. Toutefois, lorsqu'est sollicitée la délivrance du titre de séjour mentionné à l'article L. 425-9, ce délai est porté à trois mois ".
3. La requérante soutient que le préfet de la Charente-Maritime ne s'est pas livré à un examen particulier de sa situation, dès lors que l'arrêté attaqué n'indique pas que son époux, M. D..., a déposé une demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade, en cours d'instruction à la date de l'arrêté attaqué. Il ressort toutefois des pièces du dossier, en particulier de la notice d'information relative aux possibilités de demander un titre de séjour dès le début de l'examen par la France d'une demande d'asile, produite en défense, et signée le 15 février 2022 par M. D..., époux de la requérante, que le préfet de la Charente-Maritime a informé l'intéressé, au moment de l'enregistrement de sa demande d'asile, des conditions de son admission au séjour en France à un autre titre que l'asile et aux conséquences de l'absence de demande sur d'autres fondements que ceux invoqués dans le délai prévu à l'article D. 431-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Or, il ressort des pièces du dossier que M. D... n'a déposé que le 2 juin 2023 auprès de la préfecture de la Vienne sa demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade, sur le fondement de l'article L. 425-9, ainsi qu'il est établi par l'attestation de dépôt du 22 juin 2023, soit au-delà du délai de trois mois, prévu par les dispositions précitées de l'article D. 431-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le certificat médical établi le 12 mai 2023 par un médecin interne auprès du groupe hospitalier des hôpitaux de la Rochelle ne suffit pas à établir que l'intéressé aurait été dans l'impossibilité, eu égard à la gravité de son état de santé, de déposer sa demande de titre de séjour dans le délai prévu à l'article D. 431-7. Par suite, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que le préfet de la Charente-Maritime, en prenant l'arrêté attaqué, n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... déclare être entrée en France le 31 décembre 2021, soit environ seulement un an et demi avant l'arrêté attaqué. L'intéressée ne produit par ailleurs pas d'éléments de nature à justifier de son intégration sur le territoire français, et son époux, M. D..., fait également l'objet d'une mesure d'éloignement. Par ailleurs, si elle se prévaut de la présence de ses enfants sur le territoire français, la requérante n'établit pas que la cellule familiale ne pourrait pas se reconstruire dans leur pays d'origine. Enfin, Mme C... n'est pas dépourvue de toute attache familiale dans son pays d'origine où elle a vécu la majorité de sa vie. Dans ces conditions, compte tenu des conditions d'entrée et de séjour de l'intéressée sur le territoire français, en prenant l'arrêté attaqué, le préfet de la Charente-Maritime n'a pas porté au droit de la requérante au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Par suite, le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
6. En troisième et dernier lieu, l'arrêté portant obligation de quitter le territoire n'étant pas entaché d'illégalité, le moyen tiré de ce que la décision portant assignation à résidence serait dépourvue de base légale ne peut qu'être écarté.
7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Charente-Maritime du 3 août 2023. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à ce que l'Etat soit condamné au versement d'une somme d'argent au titre des frais de justice doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Charente-Maritime.
Délibéré après l'audience du 19 mars 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,
Mme Pauline Reynaud, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 avril 2024.
La rapporteure,
Pauline Reynaud La présidente,
Evelyne Balzamo
Le greffier,
Christophe Pelletier La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 23BX2813