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11/04/2024 | FRANCE | N°21BX03903

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 1ère chambre, 11 avril 2024, 21BX03903


Vu la procédure suivante :



Par une requête et un mémoire, enregistrés le 8 octobre 2021 et le 1er septembre 2023, la SAS société d'exploitation du parc éolien de Germainville, représentée par Me Cambus, demande à la cour :



1°) d'annuler l'arrêté du 10 août 2021 par lequel les préfets de la Haute-Vienne et de la Vienne ont refusé de faire droit à sa demande d'autorisation environnementale en vue de l'implantation d'un parc éolien sur le territoire des communes de Val-d'Oire-et-Gartempe et Adriers ;



2°) de lui

délivrer l'autorisation environnementale sollicitée, assortie le cas échéant des prescriptions nécessa...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 8 octobre 2021 et le 1er septembre 2023, la SAS société d'exploitation du parc éolien de Germainville, représentée par Me Cambus, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 10 août 2021 par lequel les préfets de la Haute-Vienne et de la Vienne ont refusé de faire droit à sa demande d'autorisation environnementale en vue de l'implantation d'un parc éolien sur le territoire des communes de Val-d'Oire-et-Gartempe et Adriers ;

2°) de lui délivrer l'autorisation environnementale sollicitée, assortie le cas échéant des prescriptions nécessaires à la préservation des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement ;

3°) subsidiairement, d'enjoindre aux préfets de la Haute-Vienne et de la Vienne de lui délivrer l'autorisation sollicitée, assortie le cas échéant des prescriptions nécessaires, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté est insuffisamment motivé en fait ; il ne précise pas lequel des intérêts énoncés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement fait obstacle au projet ; la motivation qui ne distingue pas entre l'atteinte au paysage et la commodité du voisinage est entachée de contradiction ; l'arrêté ne tient pas compte des mesures d'évitement, de réduction et de compensation ; il ne justifie pas la sensibilité des rapaces à l'éolien invoquée et ne précise pas quelle espèce serait menacée ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur de droit quant à l'atteinte aux paysages en ce qu'il ne procède pas, dans un premier temps, à l'analyse de la qualité du site ;

- ce motif de l'atteinte aux paysages est également entaché d'une erreur de droit, de fait et d'appréciation notamment en ce qu'il est seulement fondé sur des données théoriques relatives à la saturation visuelle qui ne sont pas corroborées par l'étude de terrain s'agissant de l'effet de saturation et d'encerclement retenu à tort par l'administration ;

- le motif tiré de l'atteinte à l'avifaune est également entaché d'une erreur d'appréciation ; l'administration n'a pas tenu suffisamment compte des mesures d'évitement et de réduction ; l'impact sur la Grue cendrée doit être relativisé dès lors que la zone d'implantation du projet ne constitue pas un milieu de prédilection pour le passage et la halte de cette espèce et que le risque de collision en vol est faible.

Par des mémoires en intervention, enregistrés le 18 mars 2022 et le 22 août 2023, la commune d'Adriers, la SARL La Gaingaudrie, la SARL Revhelix et M. A... B..., représentés par Me Catry, demandent à la cour de rejeter la requête de la SAS société d'exploitation du parc éolien de Germainville et de mettre à sa charge une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que les motifs de refus opposés par les préfets de la Haute-Vienne et de la Vienne dans l'arrêté attaqué sont fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 juin 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par la SAS société d'exploitation du parc éolien de Germainville ne sont pas fondés ;

- subsidiairement, l'absence de demande de dérogation " espèces protégées " fait obstacle à ce que la cour délivre l'autorisation sollicitée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Kolia Gallier,

- les conclusions de M. Romain Roussel Cera, rapporteur public,

- les observations de Me Duclercq, représentant la société d'exploitation du parc éolien de Germainville, et de Me Catry, représentant la commune d'Adriers, la SARL La Gaingauderie, la SARL Revhelix et M. A... B....

Une note en délibéré présentée pour la société d'exploitation du parc éolien de Germainville par Me Duclercq, a été enregistrée le 26 mars 2024.

Considérant ce qui suit :

1. Le 3 décembre 2018, la société d'exploitation du parc éolien de Germainville a déposé une demande d'autorisation unique pour l'exploitation d'une installation de production d'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent composée de quatre aérogénérateurs et de deux postes de livraison d'électricité sur le territoire des communes de Val-d'Oire-et-Gartempe et Adriers. Par un arrêté du 10 août 2021, dont la société d'exploitation du parc éolien de Germainville demande l'annulation, les préfets de la Vienne et de la Haute-Vienne ont refusé de faire droit à cette demande.

Sur l'intervention :

2. Est recevable à former une intervention devant le juge du fond toute personne qui justifie d'un intérêt suffisant eu égard à la nature et à l'objet du litige. Une telle intervention, qui présente un caractère accessoire, n'a toutefois pas pour effet de donner à son auteur la qualité de partie à l'instance et ne saurait, de ce fait, lui conférer un droit d'accès aux pièces de la procédure.

3. Le projet de la société pétitionnaire s'implantant pour partie sur le territoire de la commune d'Adriers sur lequel il aura nécessairement une incidence, cette commune justifie d'un intérêt suffisant pour intervenir au soutien des conclusions du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires tendant au rejet de la demande de la société requérante.

4. Dès lors qu'au moins l'un des intervenants est recevable, une intervention collective est recevable. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner l'intérêt à intervenir de la SARL La Gaingauderie, de la SARL Revhelix et de M. A... B..., l'intervention doit être admise.

Sur la légalité de l'arrêté du 10 août 2021 :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) / 7° Refusent une autorisation (...) ". L'article L. 211-5 du même code dispose que : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". En application de l'article R. 181-34 du code de l'environnement, une décision de refus d'autorisation environnementale doit être motivée.

6. L'arrêté attaqué vise les textes dont il fait application et énonce les considérations de fait qui en constituent le fondement. Il expose de façon précise et circonstanciée deux motifs de refus, le premier étant tiré de ce que le projet contribuerait à renforcer significativement l'effet d'encerclement et de saturation pour les bourgs et hameaux proches, conduisant à des effets inacceptables pour le paysage et la commodité du voisinage, le second étant tiré de l'atteinte à l'avifaune. Contrairement à ce que soutient la société requérante, l'arrêté précise les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement auxquels le projet porterait atteinte et indique les espèces de rapaces qu'il est susceptible d'affecter. La circonstance que l'arrêté ne mentionne pas les mesures d'évitement, de réduction et de compensation prévues par la société pétitionnaire est sans incidence sur le caractère suffisant de sa motivation. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté attaqué ne peut qu'être écarté.

7. Le moyen tiré de ce que les préfets de la Haute-Vienne et de la Vienne auraient entaché l'arrêté attaqué d'une erreur de droit s'agissant de l'incidence du projet sur les paysages en n'examinant pas, dans un premier temps, la qualité du site et, dans un second temps, l'impact que le projet, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur celui-ci doit être écarté comme inopérant, l'autorité administrative n'ayant aucune obligation formelle à cet égard.

8. Aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 du code de l'environnement (...) ". L'article L. 511-1 du même code dispose : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. "

9. Pour refuser de délivrer à la société d'exploitation du parc éolien de Germainville l'autorisation unique sollicitée, l'administration s'est notamment fondée sur le motif tiré de ce que la définition du projet, incluant les mesures d'évitement et de réduction, n'apparaissait pas compatible avec la protection des oiseaux, en particulier celle de dix-sept espèces protégées de rapaces et des Grues cendrées.

10. Il résulte de l'instruction, notamment du volet milieu naturel de l'étude d'impact, que le projet de la société d'exploitation du parc éolien de Germainville se situe dans un environnement riche sur le plan de l'avifaune, 105 espèces d'oiseaux ayant été recensées sur la zone d'implatantion potentielle ou à proximité. En particulier, l'étude retient, s'agissant des rapaces en période de reproduction, un impact brut fort à très fort pour l'Autour des palombes, le Circaète Jean-le-Blanc, la Bondrée apivore, le Faucon hobereau, le Milan noir, l'Epervier d'Europe, la Chouette hulotte, la Buse variable et le Hibou moyen-duc, impact résultant principalement des risques, en phase de travaux, de destruction des individus, gîtes, juvéniles et, en phase d'exploitation, de la mortalité par collision ou par barautraumatisme ainsi que du dérangement par le mouvement des pales et la présence de spots lumineux. Si la société pétitionnaire prévoit des mesures d'évitement et de réduction des risques, encadrées par un écologue, l'étude retient, s'agissant des rapaces en reproduction, qu'elles ne permettront pas d'éviter un impact direct résiduel assez élevé à elevé dans la phase d'exploitation résultant du risque de mortalité par collision ou par barotraumatisme. Il est à cet égard précisé que si, en période de reproduction, les rapaces adultes peuvent s'habituer à la présence d'un parc éolien et éviter les collisions, tel n'est pas le cas des juvéniles et qu'au regard de la très faible densité de population des espèces concernées, la mortalité d'un seul individu peut entrainer des conséquences importantes sur l'état de la population locale. L'étude retient, en outre, qu'il existe un impact indirect résiduel modéré à assez élevé pour ces espèces, compte tenu du dérangement qu'entrainerait la présence des éoliennes par le mouvement des pales et la présence de spots lumineux. Si la société pétitionnaire soutient que ces impacts résiduels doivent être relativisés, les seules circonstances que la zone d'implantation potentielle ne serait qu'un lieu de passage pour ces espèces de rapaces protégées, que l'étude aurait pris en compte des espèces contactées en période de migration pré et post nuptiale alors que les effectifs recensés étaient faibles et qu'elle ne distinguerait pas suffisamment clairement entre les zones de nidification probable et certaine de ces espèces ne sont pas de nature à minimiser les niveaux d'impacts résiduels retenus par l'étude. Par ailleurs, la société d'exploitation du parc éolien de Germainville s'est engagée, en réponse au projet de refus qui lui a été communiqué par l'administration, à mettre en place une mesure de réduction supplémentaire en équipant l'ensemble des éoliennes de dispositif de détection de l'avifaune déclenchant l'arrêt des machines, technologie de type " DTBird " ou " Safe wind ". Néanmoins, en l'absence de tout élément au dossier permettant de mesurer de façon indépendante et fiable les effets d'un tel dispositif, il ne résulte pas de l'instruction que cette nouvelle mesure serait susceptible de réduire à un niveau acceptable le risque élevé d'atteinte aux dix-sept espèces protégées de rapaces retenu par l'administration. En outre, les mesures de suivi envisagées par la société pétitionnaire ne sont, par nature, pas susceptible de réduire ce risque. Il ne résulte pas non plus de l'instruction que d'autres mesures d'évitement, de réduction ou de compensation de ces risques soient envisageables dans les circonstances particulières de l'espèce. Dans ces conditions, les préfets de la Vienne et de la Haute-Vienne ont pu considérer sans commettre d'erreur d'appréciation que le projet portait atteinte à l'avifaune.

11. Le seul motif de l'arrêté attaqué tiré de ce que le projet porte atteinte à l'avifaune, intérêt protégé par l'article L. 511-1 du code de l'environnement, suffit à justifier légalement le refus d'autorisation qui a été opposé à la société d'exploitation du parc éolien de Germainville. Par suite, les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 10 août 2021 qu'elle présente doivent être rejetées.

Sur les conclusions tendant à la délivrance de l'autorisation sollicitée ou aux fins d'injonction :

12. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions de la société d'exploitation du parc éolien de Germainville tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 août 2021, n'implique ni la délivrance par la cour de l'autorisation sollicitée, ni qu'il soit enjoint à l'administration de délivrer cette autorisation ou de réexaminer la demande. Par voie de conséquence, les conclusions de la société requérante aux fins de délivrance de l'autorisation sollicitée ainsi que celles, subsidiaires, aux fins d'injonction doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme demandée par la société d'exploitation du parc éolien de Germainville au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les mêmes dispositions s'opposent également à ce qu'il soit fait droit à la demande présentée à ce titre par les intervenants en défense, lesquels n'ont pas la qualité de parties.

DECIDE :

Article 1er : L'intervention de la commune d'Adriers, de la SARL La Gaingauderie, de la SARL Revhelix et de M. A... B... est admise.

Article 2 : La requête de la société d'exploitation du parc éolien de Germainville est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société d'exploitation du parc éolien de Germainville, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, à la commune d'Adriers, à la SARL La Gaingauderie, à la SARL Revhelix et à M. A... B....

Copie en sera adressée aux préfets de la Vienne et de la Haute-Vienne.

Délibéré après l'audience du 14 mars 2024 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Claude Pauziès, président,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Kolia Gallier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 avril 2024.

La rapporteure,

Kolia GallierLe président,

Jean-Claude Pauziès

La greffière,

Stéphanie Larrue

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21BX03903 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21BX03903
Date de la décision : 11/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PAUZIÈS
Rapporteur ?: Mme Kolia GALLIER
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL CERA
Avocat(s) : CABINET LPA-CGR AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-11;21bx03903 ?
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