Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par une première requête, M. D... B... a demandé au tribunal administratif de La C... d'annuler l'arrêté du 17 février 2023 par lequel le préfet de La C... lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an et a fixé le pays de destination de sa reconduite à la frontière.
Par une seconde requête, M. B... a demandé au tribunal administratif de La C... d'annuler l'arrêté du 22 août 2023 par lequel le préfet de La C... l'a assigné à résidence pendant une durée de quarante-cinq jours avec obligation de pointage journalier.
Par un jugement n° 2301083 du 28 août 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de La C... a rejeté la demande dirigée contre l'arrêté d'assignation à résidence.
Par un jugement n° 2300612 du 19 septembre 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de La C... a renvoyé les conclusions de M. B... dirigées contre la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, ainsi que les conclusions à fin d'injonction qui s'y rattachent à une formation collégiale du tribunal et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la cour :
I°) Par une requête, enregistrée le 24 octobre 2023 sous le n° 23BX02653, M. B..., représenté par Me Ali, demande à la cour :
1°) avant dire droit, d'ordonner au préfet de La C... la communication des procès-verbaux établis par le service territorial de la police aux frontières du 22 août 2023 relatifs à la procédure diligentée à son encontre ;
2°) d'annuler le jugement du 28 août 2023 ;
3°) d'annuler l'arrêté du préfet de La C... du 22 août 2023 portant assignation à résidence ;
4)° d'enjoindre au préfet de La C... d'organiser son retour sur le territoire français, dans le département de La C..., dans un délai de 5 jours à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
5°) d'enjoindre au préfet de La C... de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de 5 jours à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
6°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- ce jugement est irrégulier dès lors qu'en application des articles L. 614-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et R. 776-17 du code de justice administrative le magistrat désigné qui a statué sur sa demande tendant à l'annulation de la décision d'assignation à résidence du 22 août 2023 aurait dû également statuer sur la décision portant obligation de quitter le territoire français et ses décisions accessoires ;
- les dispositions de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont incompatibles avec la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 qui n'autorise l'assignation à résidence qu'en dernier ressort, en cas de comportement caractérisant une opposition à l'exécution de la mesure d'éloignement et pendant le délai de départ volontaire ;
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- elle a été prise en méconnaissance de la directive retour ;
- l'obligation de quitter le territoire français n'était pas pleinement exécutoire du fait de la procédure suspensive en cours à son encontre ;
- l'intervention de son mariage avec une ressortissante française et la naissance de sa fille constituent un changement dans les circonstances de fait qui font obstacle à l'exécution de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense enregistré le 7 février 2024, le préfet de La C... conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 octobre 2023.
II°) Par une requête, enregistrée le 20 novembre 2023 sous le n°23BX02870, M. B..., représenté par Me Ali, demande à la cour :
1°) de l'admettre provisoirement à l'aide juridictionnelle ;
2°) d'annuler le jugement du 19 septembre 2023 ;
3°) d'annuler l'arrêté du préfet de La C... du 17 février 2023 portant obligation de quitter le territoire français ;
4)° d'enjoindre au préfet de La C... d'organiser son retour sur le territoire français, dans le département de La C..., dans un délai de 5 jours à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
5°) d'enjoindre au préfet de La C... de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de 5 jours à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
6°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- ce jugement est irrégulier dès lors qu'en application des articles L. 614-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et R. 776-17 du code de justice administrative le magistrat désigné qui a statué sur sa demande tendant à l'annulation de la décision d'assignation à résidence du 22 août 2023 aurait dû également statuer sur la décision portant obligation de quitter le territoire français et ses décisions accessoires ;
- le magistrat désigné ne s'est pas prononcé sur la décision portant interdiction de retour ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- le refus de prendre en compte son état civil et son lien de filiation avec sa mère est entache d'erreur de fait et d'erreur d'appréciation ;
- cette décision a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison de la durée de son séjour à La C... et de la présence de sa mère, de sa sœur et de sa compagne, de nationalité française, devenue son épouse, et la mère de son enfant ; il est parfaitement intégré ;
- l'intervention de son mariage et la naissance de sa fille constituent un changement dans les circonstances de fait qui font obstacle à l'exécution de cette décision ;
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour :
- elle est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen ;
- elle est entachée d'erreur d'appréciation en lui interdisant d'être présent auprès de son épouse et de son enfant de nationalité françaises ;
- pour les mêmes raisons elle a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 8 février 2024, le préfet de La C... conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 mars 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Christelle Brouard-Lucas a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... B..., ressortissant malgache né le 15 décembre 2001 à Tananarive (Madagascar), est entré en France en 2017. Le 30 juillet 2020, il a sollicité, à titre principal, la délivrance d'une carte de résident sur le fondement du 2° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et à titre subsidiaire, la délivrance d'une carte de séjour portant la mention vie privée et familiale. Par un arrêté du 17 février 2023, le préfet de La C... a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois, lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an, et a fixé le pays de destination. M. B... a demandé au tribunal administratif de La C... d'annuler cette décision par une requête enregistrée le 1er mai 2023. Par une décision du 22 août 2023, M. B... a été assigné à résidence dans le département de La C.... Par une seconde requête enregistrée le 23 août 2023, M. B... a demandé au tribunal administratif de La C... d'annuler cette décision. Cette demande a été rejetée par un premier jugement n° 2301083 du 28 août 2023. Par un second jugement n° 2300612 du 19 septembre 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de La C... a renvoyé les conclusions de M. B... dirigées contre la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, ainsi que les conclusions à fin d'injonction qui s'y rattachent à une formation collégiale du tribunal et rejeté le surplus des conclusions de sa demande dirigées contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixant le pays de destination et lui interdisant le retour sur le territoire français. M. B... fait appel de ces jugements par deux requêtes n°23BX02653 et n°23BX02870 qu'il y a lieu de joindre pour statuer par un seul et même arrêt dès lors qu'elles concernent le même requérant.
Sur les conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire :
2. M. B... été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 19 mars 2024. Par suite, ses conclusions tendant à obtenir l'aide juridictionnelle à titre provisoire sont devenues sans objet. Il n'y a pas lieu d'y statuer.
Sur la légalité de l'arrêté du 17 février 2023 :
3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
4. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré à La C... en 2017 à l'âge de 16 ans et réside depuis cette date chez sa mère, qui a obtenu la nationalité française à la suite de son mariage avec un ressortissant français. Il a été scolarisé en classe de 3ème à son arrivée, a obtenu le diplôme national du brevet en juin 2018 et a ensuite été scolarisé au lycée Lislet Geoffroy où il a obtenu le baccalauréat avant de s'inscrire à l'université en septembre 2022. Si sa mère est venue s'installer à La C... à compter de 2006 pour rejoindre son époux français, il ressort des pièces du dossier qu'elle a séjourné régulièrement tous les ans à Madagascar entre cette date et l'arrivée de son fils à A... C... afin de maintenir le lien avec son fils qu'elle avait confié à sa grand-mère et qu'elle a entamé des démarches pour qu'il puisse la rejoindre à La C.... En outre, M. B... a bénéficié de récépissés à compter du dépôt de sa demande de titre de séjour en septembre 2020, alors qu'il était âgé de 19 ans. Au regard de son jeune âge et alors qu'il était encore à la charge de sa mère qui l'a élevé seule, la décision portant obligation de quitter le territoire français a porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales justifiant son annulation.
5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité des jugements attaqués, sur la demande de sursis à statuer, sur la mesure d'instruction demandée ni d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné du tribunal administratif de La C... a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 février 2023 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de renvoi. Par voie de conséquence, la décision d'interdiction de retour et la décision du 22 août 2023 portant assignation à résidence sont privées de base légale et doivent également être annulées.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. L'annulation de l'obligation de quitter le territoire implique, en application des dispositions de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, et, sous réserve que M. B... ait quitté le territoire, de prendre toutes mesures utiles afin de permettre son retour sur le territoire français dans un délai d'un mois, et de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de deux mois à compter de la date de son retour sur le territoire français, et, dans l'attente, de délivrer à l'intéressé une autorisation provisoire de séjour, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais de l'instance :
7. D'une part, M. B..., pour le compte de qui les conclusions de la requête relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être réputées présentées, n'allègue pas avoir exposé de frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été allouée. D'autre part, l'avocat de M. B... n'a pas demandé que lui soit versée par l'Etat la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée à son client si ce dernier n'avait bénéficié d'une aide juridictionnelle totale. Dans ces conditions, les conclusions tendant à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme globale de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.
Article 2 : Les jugements du tribunal administratif de La C... n° 2301083 du 28 août 2023 et n° 2300612 du 19 septembre 2023 sont annulés.
Article 3 : L'arrêté du préfet de La C... du 17 février 2023 est annulé en tant qu'il fait obligation à M. B... de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, fixe le pays de renvoi et lui interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
Article 4 : La décision du 22 août 2023 portant assignation à résidence est annulée.
Article 5 : Il est enjoint au préfet de La C... de prendre toutes mesures utiles afin de permettre le retour de M. B... sur le territoire français dans un délai d'un mois, et de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de deux mois à compter de la date de son retour sur le territoire français et, dans l'attente, de délivrer à l'intéressé une autorisation provisoire de séjour.
Article 6 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de La C....
Délibéré après l'audience du 14 mars 2024, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Claude Pauziès, président,
Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,
Mme Edwige Michaud, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 avril 2024.
La rapporteure,
Christelle Brouard-LucasLe président,
Jean-Claude Pauziès
La greffière,
Stéphanie Larrue
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23BX02653-23BX02870