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16/04/2024 | FRANCE | N°22BX01907

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 5ème chambre, 16 avril 2024, 22BX01907


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La Fédération SEPANSO (Société pour l'étude, la protection et l'aménagement de la nature dans le sud-ouest) Landes a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler d'une part, l'arrêté du 5 juillet 2019 par lequel le préfet des Landes a transféré à la société Ygos 1, le permis de construire délivré le 25 septembre 2012 à la société par actions simplifiée (SAS) Solarezo en vue de la réalisation de la première tranche des travaux de construction d'une centrale

photovoltaïque, sur le territoire de la commune d'Ygos-Saint-Saturnin, et d'autre part, l'arrêté ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Fédération SEPANSO (Société pour l'étude, la protection et l'aménagement de la nature dans le sud-ouest) Landes a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler d'une part, l'arrêté du 5 juillet 2019 par lequel le préfet des Landes a transféré à la société Ygos 1, le permis de construire délivré le 25 septembre 2012 à la société par actions simplifiée (SAS) Solarezo en vue de la réalisation de la première tranche des travaux de construction d'une centrale photovoltaïque, sur le territoire de la commune d'Ygos-Saint-Saturnin, et d'autre part, l'arrêté du même jour par lequel le même préfet a transféré à la société Rezo 24 Ygos 2, un second permis de construire délivré le 25 septembre 2012 à la société par actions simplifiée (SAS) Solarezo en vue de la réalisation de la deuxième tranche des travaux de construction de la même centrale.

Par un jugement n°1902761, 1902764 du 27 avril 2022, le tribunal administratif de Pau a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés les 13 juillet, 5 août 2022, 7 et 22 décembre 2023, la SEPANSO Landes, représentée par Me Ruffié, demande à la cour :

1°) de surseoir à statuer et de saisir le tribunal de commerce de Dax d'une question préjudicielle relative à la légalité de la vente de gré à gré conclue entre la société Solarezo et la société Ygos 1 ;

2°) d'annuler le jugement n° 1902761, 1902764 du tribunal administratif de Pau du 27 avril 2022 ;

3°) d'annuler les deux arrêtés du 5 juillet 2019 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat et des sociétés Ygos 1 et Rezo 24 Ygos 2 la somme de 1 500 euros chacun, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur la régularité du jugement attaqué :

- le jugement attaqué est entaché de défaut de motivation et de contradiction de motifs dès lors que les premiers juges n'ont pas détaillé les raisons pour lesquelles ils ont considéré que la question préjudicielle ne conditionnait pas la résolution du litige et qu'ils ont renvoyé, pour toute explication, à l'exposé de motifs précédents qui apparaissent contradictoires ;

Sur la légalité des arrêtés attaqués :

- les premiers juges auraient dû faire droit à leur demande de sursis à statuer et de saisine du tribunal de commerce de Dax de la question préjudicielle relative à la légalité de la vente de gré à gré conclue entre la société Solarezo et la société Ygos 1 ; il appartient à la cour de le faire ;

- la vente conclue de gré à gré entre la société Solarezo, à qui les permis de construire initiaux de 2012 avaient été accordés, et la société Ygos 1, à qui l'un des permis a été transféré, est illégale dès lors que l'ordonnance du 7 juin 2019 du juge-commissaire autorisant cette vente a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 642-3 du code de commerce compte tenu des liens existants entre les membres des deux sociétés ;

- la vente de gré à gré étant irrégulière, le préfet ne pouvait légalement autoriser le transfert ; les sociétés n'ont ainsi pas la qualité pour bénéficier d'un tel transfert ;

- les arrêtés attaqués sont entachés de fraude dès lors qu'en sollicitant le transfert des actifs alors que ce transfert est interdit, les sociétés ont commis une fraude dans le but de solliciter auprès du préfet le transfert des permis de construire ;

- les arrêtés attaqués sont illégaux dès lors qu'ils ont été pris en méconnaissance de l'article L. 425-6 du code de l'urbanisme en l'absence d'autorisation préalable de défrichement.

Par des mémoires en défense enregistrés les 13 septembre 2022 et 17 novembre 2023, les sociétés Ygos 1 et Rezo 24 Ygos 2, représentées par Me Versini-Campinchi, concluent au rejet de la requête et à la condamnation de la SEPANSO Landes à leur verser une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- la demande est irrecevable en l'absence d'intérêt à agir de la fédération SEPANSO Landes à l'encontre des arrêtés de transfert ;

- les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 16 novembre 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la demande est irrecevable en l'absence d'intérêt à agir de la requérante ;

- les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 22 décembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 18 janvier 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de M. Gueguein, rapporteur public,

- les observations de Me Ruffié représentant l'association SEPANSO Landes, de Me Duclercq représentant la SAS Ygos 1 et la SAS Rezo 24 Ygos 2 et de M. Dupouy, vice-président de l'association SEPANSO Landes.

Considérant ce qui suit :

1. Le 25 septembre 2012, le préfet des Landes a délivré à la société Solarezo deux permis de construire pour la réalisation d'une centrale photovoltaïque sur le territoire de la commune d'Ygos-Saint-Saturnin. Par deux demandes du 2 septembre 2014, la société Solarezo a sollicité les transferts des permis de construire au bénéfice de la société BL Conseils. Ces transferts ont été autorisés par le préfet des Landes qui a signé deux arrêtés en ce sens le 1er octobre 2014 avant d'édicter, le 30 octobre 2014, deux nouveaux arrêtés prorogeant pour une année la durée de validité des permis du 25 septembre 2012. Saisi par la fédération SEPANSO Landes de deux requêtes tendant à l'annulation des quatre arrêtés du 1er octobre et du 30 octobre 2014, le tribunal administratif de Pau a jugé que la société Solarezo ne pouvait, compte tenu de sa mise en liquidation judiciaire, être regardée comme ayant valablement signé la demande de transfert au profit de la société BL Conseils. Le tribunal a en conséquence annulé les arrêtés de transfert du 1er octobre 2014 et a rejeté les conclusions de la fédération SEPANSO Landes dirigés contre les arrêtés de prorogation des permis. Par un arrêt du 19 décembre 2019, la cour administrative d'appel de Bordeaux a confirmé l'annulation des arrêtés de transfert et a prononcé, par voie de conséquence, l'annulation des arrêtés de prorogation. Parallèlement, le juge commissaire a, par ordonnance du 7 juin 2019, autorisé la société Solarezo à procéder à la cession de gré à gré consistant dans les transferts des permis de construire du 25 septembre 2012 aux sociétés Ygos 1 et Rezo 24 Ygos 2. Par les deux arrêtés contestés du 5 juillet 2019, le préfet des Landes a transféré les permis de construire à ces deux sociétés. Par la présente requête, la fédération SEPANSO Landes relève appel du jugement du 27 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté ses demandes d'annulation de ces deux arrêtés.

Sur la régularité du jugement :

2. La requérante reprend en appel le moyen tiré de ce que l'ordonnance du 7 juin 2019 par laquelle, sur requête de la société Solarezo, le juge-commissaire a autorisé la cession de gré à gré par transfert des permis de construire des deux permis de construire qu'elle avait obtenus en 2012, aux sociétés Ygos 1 et Rezo 24 Ygos 2, est illégale dès lors que, compte tenu des liens existants entre les membres des sociétés, cette ordonnance méconnaît les dispositions L. 642-3 du code de commerce, qui pose un principe d'interdiction de cession d'éléments d'actifs d'une liquidation judiciaire directement ou indirectement au débiteur, aux dirigeants de droit ou de fait de la personne morale en liquidation judiciaire, ou au membre de sa famille. Ce point imposait, selon elle, que le juge administratif sursoie à statuer jusqu'à ce que le tribunal de commerce de Dax ait statué sur la légalité de cette cession.

3. Au titre de la régularité du jugement attaqué, la requérante soutient que le tribunal n'a pas suffisamment motivé son refus de faire droit à cette demande de transmission d'une question préjudicielle au juge judicaire. Toutefois, il ressort des termes du jugement attaqué, et notamment de ses points 3 et 4, que les premiers juges ont estimé qu'en l'absence d'éléments caractérisant une fraude, l'autorité compétente n'avait pas à vérifier que les sociétés Ygos 1 et Rezo 24 Ygos 2, signataires des demandes de transfert en litige, avaient qualité pour ce faire. En répondant ainsi, les premiers juges ont implicitement mais nécessairement considéré que le règlement du litige présenté devant eux ne nécessitait pas de trancher la question relative à la légalité de la cession autorisée par l'ordonnance du 7 juin 2019, et ce sans entacher leur motivation d'insuffisance. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement serait irrégulier sur ce point doit être écarté. Si l'association requérante soutient également que le jugement est entaché d'une contradiction de ses motifs, cette circonstance est susceptible d'influer sur le bien-fondé du jugement mais non sur sa régularité.

Sur la légalité des arrêtés du 5 juillet 2019 :

4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, et n'est d'ailleurs pas contesté, que dans le cadre des demandes de transferts en litige, le mandataire liquidateur, Me Abadie, a donné son accord, en qualité de liquidateur de la SAS Solarezo, et a signé à ce titre les demandes en litige. Par suite, contrairement à ce que soutient la requérante, la situation est différente de celle précédemment examinée par la cour dans son arrêt du 9 juillet 2019, qui avait conclu à l'illégalité des transferts des permis de construire du 1er octobre 2014, dès lors que c'était alors le directeur de la société Solarezo qui avait donné son accord et signé les demandes bien que, du fait de la liquidation judiciaire dont la société faisait l'objet, il n'avait plus qualité pour ce faire.

5. Par ailleurs, comme l'ont relevé les premiers juges, il ressort des pièces du dossier que les sociétés Ygos 1 et Rezo 24 Ygos 2 ont attesté, dans les formulaires de demande de transfert en litige, " avoir qualité pour demander la présente autorisation ". Cette attestation est suffisante dès lors que, sous réserve de la fraude, laquelle ne ressort pas des pièces du dossier, il n'appartient pas à l'autorité compétente de vérifier la validité d'une telle attestation. Ainsi, la fédération SEPANSO Landes n'est pas fondée à soutenir que le pétitionnaire était dépourvu de qualité pour déposer les demandes de transfert des permis de construire.

6. Dans ces conditions, la légalité de la cession autorisée par le juge commissaire, dont l'annulation n'aurait de conséquence que sur la réalité du transfert d'actifs entre les sociétés, et en particulier des permis de construire de 2012, n'a pas d'influence sur la légalité des décisions administratives litigieuses de transfert de permis de construire. Par suite, c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que la résolution du présent litige ne nécessitait pas de surseoir à statuer et de poser une question préjudicielle au tribunal de commerce de Dax sur ce point.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-6 du code de l'urbanisme : " (...) lorsque le projet porte sur une opération ou des travaux soumis à l'autorisation de défrichement (...) celle-ci doit être obtenue préalablement à la délivrance du permis. ". Il résulte de ces dispositions que la délivrance préalable de l'autorisation de défrichement conditionne la légalité du permis de construire et que leur méconnaissance peut être invoquée à l'encontre de cette autorisation, si elle n'est pas devenue définitive. En revanche, l'article L. 425-6 précité ne saurait utilement être invoqué à l'encontre d'un arrêté de transfert de permis dès lors qu'aucune disposition législative ou règlementaire ne subordonne la régularité d'une telle décision au transfert préalable de l'autorisation de défrichement. Par suite, la circonstance que les sociétés Ygos 1 et Rezo 24 Ygos 2 n'auraient pas bénéficié, antérieurement au 5 juillet 2019, d'une autorisation préalable de défrichement est sans incidence sur la légalité des arrêtés en litige.

8. Enfin, contrairement à ce que soutient la société requérante, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que les arrêtés attaqués seraient entachés de fraude et que les sociétés auraient sollicité un transfert d'actif interdit dans le but de solliciter les transferts des permis de construire auprès de l'autorité compétente.

9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté ses demandes d'annulation des arrêtés des 5 juillet 2019.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, la somme demandée par la fédération SEPANSO Landes. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la requérante, à ce titre, une somme globale de 1 500 euros à verser aux sociétés Ygos 1 et Rezo 24 Ygos 2.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la fédération SEPANSO Landes est rejetée.

Article 2 : La fédération SEPANDO Landes versera une somme globale de 1 500 euros aux sociétés Ygos 1 et Rezo 24 Ygos 2 au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la fédération SEPANSO Landes, aux sociétés Ygos 1 et Rezo 24 Ygos et au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités.

Une copie en sera adressée pour information à la préfète des Landes.

Délibéré après l'audience du 26 mars 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

M. Sébastien Ellie, premier conseiller,

Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 avril 2024.

La rapporteure,

Héloïse A...

La présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX01907


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX01907
Date de la décision : 16/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Héloïse PRUCHE-MAURIN
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : CABINET LPA-CGR AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-16;22bx01907 ?
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