La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/05/2024 | FRANCE | N°23BX02690

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 1ère chambre, 13 mai 2024, 23BX02690


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 20 septembre 2023 par lequel le préfet de la Dordogne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans ainsi que l'arrêté du 22 septembre 2023 par lequel ce préfet l'a assigné à résidence pour une durée de 45 jours



Cette demande a été tra

nsmise au tribunal administratif de Bordeaux par une ordonnance du 26 septembre 2023.



Par un j...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 20 septembre 2023 par lequel le préfet de la Dordogne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans ainsi que l'arrêté du 22 septembre 2023 par lequel ce préfet l'a assigné à résidence pour une durée de 45 jours

Cette demande a été transmise au tribunal administratif de Bordeaux par une ordonnance du 26 septembre 2023.

Par un jugement n°2305319 du 2 octobre 2023, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 20 septembre 2023, enjoint au préfet de la Dordogne de réexaminer la situation de M. A... et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 31 octobre 2023, le préfet de la Dordogne demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 2 octobre 2023 en tant qu'il a annulé l'arrêté du 20 septembre 2023 ;

2°) de rejeter la demande de M. A....

Il soutient que c'est à tort que le tribunal a retenu la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que la relation dont se prévaut M. A... est récente et qu'il ne justifie pas de sa résidence habituelle en France depuis 10 ans, il n'a pas fait de démarche pour renouveler son titre de séjour et son comportement constitue une menace à l'ordre public et il travaille sans autorisation.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er février 2024

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Christelle Brouard-Lucas a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant tunisien né le 28 juin 1992, a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 20 septembre 2023 par lequel le préfet de la Dordogne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans ainsi que l'arrêté du 22 septembre 2023, par lequel ce préfet l'a assigné à résidence pour une durée de 45 jours. Le préfet de la Dordogne relève appel du jugement du 2 octobre 2023 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 20 septembre 2023.

2. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 2° L'étranger, entré sur le territoire français sous couvert d'un visa désormais expiré ou, n'étant pas soumis à l'obligation du visa, entré en France plus de trois mois auparavant, s'est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour ou, le cas échéant, sans demander le renouvellement du titre de séjour temporaire ou pluriannuel qui lui a été délivré ; (...) 5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public (...). ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., né en 1992, est entré sur le territoire français au bénéfice d'une procédure de regroupement familial alors qu'il était mineur et qu'il a obtenu à sa majorité une carte de résident valide du 10 mai 2010 au 9 mai 2020. Les certificats de scolarité pour les années 2006-2007, 2007-2008 et 2009-2010, le certificat d'aptitude professionnelle en tant que peintre-applicateur de revêtements qu'il a obtenu en juin 2010 et sa carte de résident permettent d'établir qu'il a résidé régulièrement en France de 2006 à mai 2020. Si M. A... s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français après l'expiration de la durée de validité de sa carte de résident, dont il n'a pas demandé le renouvellement, les pièces produites, notamment un contrat à durée indéterminée à temps plein à compter du 1er novembre 2021 et un second contrat à durée indéterminée à temps partiel à compter du 1er septembre 2022 comme ouvrier du bâtiment, ainsi que des bulletins de salaire et un contrat de location à compter du 1er décembre 2022 permettent d'établir qu'il a résidé de manière habituelle en France depuis cette date. Par ailleurs, il ressort également des pièces du dossier qu'il partage une vie commune depuis décembre 2022 avec une ressortissante française, qui attestait en septembre 2023 être enceinte de son enfant depuis 5 semaines. Au regard de la durée de sa présence en France où il est arrivé à l'âge de 14 ans, de son activité professionnelle et des relations qu'il y a noué, ces éléments sont de nature à établir que M. A... a fixé en France le centre de ses intérêts personnels et familiaux, quand bien même sa mère et sa fratrie résideraient en Tunisie. Si le préfet s'est fondé sur la circonstance que la présence en France de M. A... constitue une menace à l'ordre public, il se prévaut uniquement de mentions au fichier du traitement des antécédents judiciaires, dont M. A... conteste la réalité, et qui se rapportent à des faits pour partie anciens puisqu'antérieurs à 2015 et qui n'ont fait l'objet d'aucune condamnation pénale. Ainsi, la seule circonstance qu'il a été convoqué devant le procureur le 18 octobre 2023 en vue d'une ordonnance pénale délictuelle en raison de faits de conduite sans permis de conduire commis en septembre 2023 n'est pas de nature à caractériser une menace à l'ordre public. Dans ce contexte, en obligeant M. A... à quitter le territoire français, le préfet de la Dordogne a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts poursuivis par cette mesure et ainsi méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Dordogne n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente tribunal administratif de Bordeaux a annulé son arrêté du 20 septembre 2023 faisant obligation à M. A... de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et lui interdisant le retour sur le territoire pour une durée d'un an.

DECIDE :

Article 1er : La requête du préfet de la Dordogne est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. B... A....

Copie en sera adressée au préfet de la Dordogne.

Délibéré après l'audience du 11 avril 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente,

Mme Edwige Michaud, première conseillère,

Mme Kolia Gallier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 mai 2024.

La présidente,

Christelle Brouard-LucasL'assesseure la plus ancienne,

Edwige Michaud

La greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23BX02690


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23BX02690
Date de la décision : 13/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BROUARD-LUCAS
Rapporteur ?: Mme Christelle BROUARD-LUCAS
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL CERA
Avocat(s) : KAOULA

Origine de la décision
Date de l'import : 26/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-13;23bx02690 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award