Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Limoges de condamner le centre hospitalier Jacques Boutard de Saint-Yrieix-la-Perche à lui verser une indemnité de licenciement de 18 404,86 euros.
Par un jugement n° 1902058 du 10 février 2022, le tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 6 avril 2022 et un mémoire enregistré
le 25 septembre 2023, M. C..., représenté par la SELARL Pastaud, Wild-Pastaud, Astier, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner le centre hospitalier Jacques Boutard à lui verser une indemnité de licenciement de 18 404,86 euros ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier Jacques Boutard une somme
de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il a produit devant le tribunal une estimation indicative globale du 16 octobre 2016 du service Info Retraite indiquant que selon les informations disponibles, il pouvait prétendre à une pension de retraite à taux plein à compter du 1er octobre 2021, ce qui a été confirmé par la production, à l'appui d'une note en délibéré, d'une estimation indicative globale éditée
le 22 mars 2021 ; ce dernier document établi par l'Union Retraite, groupement d'intérêt public qui réunit les organismes de retraite obligatoire, de base et complémentaire, est probant, alors même qu'il indique " selon les informations dont nous disposons " ; c'est ainsi à tort que le tribunal a jugé qu'il n'avait pas apporté cette justification ;
- à la date du licenciement, il avait atteint l'âge de 62 ans ouvrant droit à une pension de retraite mais ne pouvait obtenir la liquidation d'une pension à taux plein, de sorte que les dispositions de l'article 48 du décret n° 91-155 du 6 février 1991 ne lui étaient pas applicables ;
- c'est à bon droit que le tribunal a jugé que le non-renouvellement de son contrat devait s'analyser comme une décision de licenciement et que le centre hospitalier avait abusivement recouru à des contrats à durée déterminée successifs ; au surplus, la procédure de licenciement n'a pas été respectée ;
- en application des dispositions du décret du 6 février 1991 relatives aux modalités de calcul de l'indemnité de licenciement, il a droit à une indemnité de 18 404,86 euros, et la réduction de 1,67 % par mois à compter de l'âge d'ouverture du droit à pension ne lui est pas applicable dès lors qu'à cet âge, il ne disposait pas d'une durée d'assurance permettant la liquidation d'une pension à taux plein.
Par un mémoire en défense enregistré le 24 mai 2023, le centre hospitalier Jacques Boutard, représenté par la SELARL Racine Bordeaux, conclut à titre principal au rejet de la requête et à titre subsidiaire à la limitation du montant de l'indemnité à 9 106,95 euros, et demande à la cour de mettre à la charge de M. C... une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- une simple estimation indicative globale de situation ne permet pas de justifier que M. C... ne pourrait bénéficier d'une retraite à taux plein qu'à compter du 1er octobre 2021, et le relevé de situation individuelle établi le 3 juillet 2021 n'apporte pas davantage cette preuve ; dès lors que les pièces produites ne permettent pas d'apprécier le bien-fondé de la demande, celle-ci doit être rejetée ;
- la prolongation dans le temps du renfort apporté par M. C... était due à des difficultés de recrutement durable de masseurs-kinésithérapeutes de la fonction publique,
et le choix de contrats à durée déterminée résulte de considérations propres à l'activité libérale de M. C... ; ni le centre hospitalier, ni M. C... n'ont entendu conclure un contrat à durée indéterminée, ainsi qu'il résulte de la formulation des avenants au contrat à durée déterminée
du 16 avril 2002 ; M. C... n'a jamais fait l'objet d'une mesure de licenciement, mais d'un simple non-renouvellement de son contrat, et ne peut donc prétendre à une indemnité de licenciement ;
- à titre subsidiaire, si la cour confirmait la qualification de contrat à durée indéterminée retenue par le tribunal : l'article 50 du décret du 6 février 1991 prévoit que l'indemnité de licenciement est réduite de 1,67 % par mois de service au-delà du soixantième anniversaire, soit durant 30 mois dans le cas de M. C... qui a atteint l'âge de 60 ans le 23 juillet 2016 et a accompli son service jusqu'au 31 décembre 2018 ; l'indemnité de licenciement ne saurait donc excéder la somme de 9 106,95 euros.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 ;
- le décret n° 91-155 du 6 février 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de Mme Isoard, rapporteure publique,
- et les observations de Me Arm, représentant M. C..., et de Me Dupeyron, substituant Me Hounieu, représentant le centre hospitalier Jacques Boutard.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., masseur-kinésithérapeute, a été recruté par le centre hospitalier Jacques Boutard de Saint-Yrieix-la-Perche sous couvert de 17 contrats à durée déterminée à temps partiel successifs, à 20 % d'un temps complet à compter du 23 avril 2002, puis à 36 % à compter du 1er avril 2012. Par une décision du 31 octobre 2018, la directrice du centre hospitalier a refusé de renouveler son dernier contrat à l'issue de son terme fixé au 31 décembre 2018. Après avoir présenté une réclamation préalable restée sans réponse, M. C... a demandé au tribunal administratif de Limoges de condamner le centre hospitalier à lui verser une indemnité
de licenciement de 18 404,86 euros. Il relève appel du jugement du 10 février 2022 par lequel
le tribunal a rejeté sa demande sur le fondement des dispositions du 3° de l'article 47 du décret du 6 février 1991 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de la fonction publique hospitalière, selon lesquelles cette indemnité n'est pas due à l'agent ayant atteint l'âge d'ouverture du droit à une pension de retraite qui justifie de la durée d'assurance permettant la liquidation d'une retraite à taux plein.
Sur les conclusions à fin d'indemnisation :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 9 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière dans sa rédaction applicable au litige : " Par dérogation à l'article 3 du titre Ier du statut général, les emplois permanents mentionnés au premier alinéa de l'article 2 peuvent être occupés par des agents contractuels lorsque la nature des fonctions ou les besoins du service le justifient, notamment lorsqu'il n'existe pas de corps de fonctionnaires hospitaliers susceptibles d'assurer ces fonctions ou lorsqu'il s'agit de fonctions nouvellement prises en charge par l'administration ou nécessitant des connaissances techniques hautement spécialisées. / Les emplois à temps non complet d'une durée inférieure au mi-temps et correspondant à un besoin permanent sont occupés par des agents contractuels. / Les agents ainsi recrutés peuvent être engagés par des contrats d'une durée indéterminée ou déterminée. Lorsque les contrats sont conclus pour une durée déterminée, celle-ci est au maximum de trois ans. Ces contrats sont renouvelables par décision expresse dans la limite d'une durée maximale de six ans. / Tout contrat de travail conclu ou renouvelé en application du présent article avec un agent qui justifie d'une durée de services publics de six ans sur des fonctions relevant de la même catégorie hiérarchique est conclu, par décision expresse, pour une durée indéterminée. / La durée de six ans mentionnée au quatrième alinéa est comptabilisée au titre de l'ensemble des services effectués dans des emplois occupés au titre du présent article et de l'article 9-1. Elle doit avoir été accomplie dans sa totalité auprès du même établissement relevant de l'article 2. Pour l'appréciation de cette durée, les services accomplis à temps non complet et à temps partiel sont assimilés à du temps complet. / (...). "
3. Si les dispositions précitées prévoient le recrutement d'agents contractuels pour des emplois à temps non complet d'une durée inférieure au mi-temps correspondant à des besoins permanents, elles n'autorisent pas le recours au contrat à durée déterminée au-delà d'une durée de six ans. Lors de la conclusion, le 22 décembre 2017, de son dernier contrat à durée déterminée, M. C... occupait un emploi permanent de masseur-kinésithérapeute de façon continue depuis plus de quinze ans, de sorte que sa situation relevait depuis de nombreuses années d'un contrat à durée indéterminée. La reconduction de contrats à durée déterminée étant dès lors illégale, le centre hospitalier ne peut utilement faire valoir qu'elle correspondait au souhait des parties. C'est ainsi à bon droit que le tribunal a jugé que le refus de renouvellement du contrat qui s'achevait le 31 décembre 2018 devait s'analyser comme un licenciement.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 47 du décret du 6 février 1991 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de la fonction publique hospitalière : " En cas de licenciement n'intervenant pas à titre de sanction disciplinaire, une indemnité de licenciement est versée : / 1° Aux agents recrutés pour une durée indéterminée ; / (...). " Aux termes de l'article 48 du même décret : " Toutefois, l'indemnité de licenciement n'est pas due à l'agent qui remplit les conditions fixées à l'article 47 lorsqu'il : / (...) / 3° A atteint l'âge d'ouverture du droit à une pension de retraite mentionné à l'article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale et justifie de la durée d'assurance, tous régimes de retraite de base confondus, exigée pour obtenir la liquidation d'une retraite au taux plein du régime général de la sécurité sociale ; / (...) "
5. Au 1er janvier 2019, date d'effet de son licenciement, M. C..., né
le 23 juillet 1956, avait atteint l'âge de soixante-deux ans auquel l'article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale fixait alors l'âge d'ouverture du droit à une pension de retraite pour les assurés nés à compter du 1er janvier 1955. Il produit une estimation indicative globale établie
le 22 mars 2021 par le service Info Retraite géré par le groupement d'intérêt public (GIP) Info Retraite devenu Union Retraite, selon laquelle il pouvait prétendre à une pension à taux plein à compter du 1er octobre 2021 avec une durée de cotisation de 166 trimestres, assortie d'un relevé de situation faisant apparaître qu'il ne justifiait que de 159 trimestres au 31 décembre 2019, ainsi qu'un relevé de carrière détaillant le nombre de trimestres acquis chaque année depuis 1977. Le GIP Info Retraite devenu Union Retraite, créé par l'article 10 de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites, est composé de l'ensemble des organismes assurant la gestion des régimes de retraite ainsi que des services de l'Etat chargés de la liquidation des pensions, et a pour mission d'établir des relevés de situation individuelle afin d'informer les assurés de l'ensemble des droits qu'ils se sont constitués dans les différents régimes auxquels ils ont cotisé. Les relevés qu'il établit ont ainsi un caractère probant jusqu'à preuve du contraire, sans qu'y fasse obstacle la mention " selon les informations dont nous disposons " dont ils sont assortis. Par suite, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, M. C... justifie qu'il ne pouvait prétendre à une pension de retraite à taux plein au 1er janvier 2019, de sorte que sa situation ne relève pas des dispositions du 3° de l'article 47 du décret du 6 février 1991 faisant obstacle au versement d'une indemnité de licenciement.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 49 du décret du 6 février 1991 : " La rémunération servant de base au calcul de l'indemnité de licenciement est la dernière rémunération nette des cotisations de sécurité sociale et, le cas échéant, des cotisations d'un régime de prévoyance complémentaire effectivement perçue au cours du mois civil précédant le licenciement. Elle ne comprend ni les prestations familiales, ni le supplément familial de traitement, ni les indemnités pour travaux supplémentaires ou autres indemnités accessoires. / Le montant de la rémunération servant de base au calcul de l'indemnité de licenciement d'un agent employé à temps partiel est égal au montant de la rémunération qu'il aurait perçue s'il avait été employé à temps complet, telle qu'elle est définie à l'alinéa précédent. / (...). " Aux termes de l'article 50 du même décret : " L'indemnité de licenciement est égale à la moitié de la rémunération de base définie à l'article précédent pour chacune des douze premières années de services, au tiers de la même rémunération pour chacune des années suivantes, sans pouvoir excéder douze fois la rémunération de base. (...) / (...) / Pour les agents qui ont atteint l'âge d'ouverture du droit à une pension de retraite mentionné à l'article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale mais ne justifient pas d'une durée d'assurance tous régimes de retraite de base confondus au moins égale à celle exigée pour obtenir une retraite au taux plein, l'indemnité de licenciement subit une réduction de 1,67 % par mois de service au-delà du soixantième anniversaire. / Pour l'application de cet article, toute fraction de services supérieure ou égale à six mois sera comptée pour un an ; toute fraction de services inférieure à six mois n'est pas prise en compte. "
7. Il résulte des dispositions précitées que, contrairement à ce que soutient M. C..., la décote qu'elles prévoient est applicable aux agents ayant atteint l'âge légal de la retraite dont la durée d'assurance ne permet pas la liquidation d'une pension à taux plein. Les pièces produites font apparaître que la base de rémunération du mois précédant le licenciement telle que définie à l'article 49 du décret du 6 février 1991 s'élève à 2 400,81 euros. En application des dispositions précitées, il y a lieu de prendre en compte la moitié de cette base pour chacune des douze premières années de service, soit du 23 avril 2002 au 31 décembre 2013 (2 400,81 / 2 x 12), puis le tiers pour les cinq années suivantes jusqu'au 31 décembre 2018 (2 400,81 / 3 x 5), soit au total 18 404,86 euros. M. C..., qui a atteint l'âge de soixante ans le 23 juillet 2016, a été employé par le centre hospitalier jusqu'au 31 décembre 2018, soit durant 29 mois au-delà de cet âge, de sorte que la somme de 18 404,86 euros doit être réduite de 48,43 % (1,67 x 29). L'indemnité de licenciement s'élève ainsi à 9 491,39 euros.
8. Il résulte de ce qui précède que le jugement qui a rejeté la demande doit être annulé, et que le centre hospitalier Jacques Boutard doit être condamné à verser une indemnité
de licenciement de 9 491,39 euros à M. C....
Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :
9. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier Jacques Boutard une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Le centre hospitalier, qui est la partie perdante, n'est pas fondé
à demander l'allocation d'une somme au titre des frais qu'il a exposés à l'occasion du présent litige.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Limoges n° 1902058 du 10 février 2022
est annulé.
Article 2 : Le centre hospitalier Jacques Boutard est condamné à verser une indemnité
de licenciement de 9 491,39 euros à M. C....
Article 3 : Le centre hospitalier Jacques Boutard versera à M. C... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au centre hospitalier Jacques Boutard.
Délibéré après l'audience du 7 mai 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, présidente,
Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,
M. Olivier Cotte, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mai 2024.
La rapporteure,
Anne B...
La présidente,
Catherine GiraultLa greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22BX01024