Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 20 juillet 2023 par lequel le préfet de la Corrèze lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai à compter de sa libération, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans.
Par un jugement n° 2301318 du 4 août 2023, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 25 août 2023, M. A..., représenté par Me Pécaud, demande la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2301318 du tribunal administratif de Limoges du 4 août 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 20 juillet 2023 par lequel le préfet de la Corrèze lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai à compter de sa libération, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- s'il a été condamné à neuf reprises depuis 2014, son comportement ne constitue toutefois pas pour autant une menace à l'ordre public ; en effet, il a réalisé des efforts afin de permettre sa réinsertion sociale et professionnelle et travaille au sein du centre de détention ; il perçoit à ce titre des rémunérations et paye des charges sociales ;
- l'arrêté attaqué porte atteinte à sa vie privée et familiale et méconnait les stipulations de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour :
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est dépourvue de base légale ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation personnelle ;
- elle porte atteinte à l'intérêt supérieur des enfants.
Par une ordonnance du 27 février 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 26 avril 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Pauline Reynaud.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant algérien né le 3 décembre 1991, déclare être entré pour la première fois en France en 2013. Le 28 novembre 2016, l'intéressé a fait l'objet d'un arrêté portant obligation de quitter le territoire français. Il a de nouveau fait l'objet d'arrêtés du préfet de la Haute-Vienne du 29 août 2020 et 1er février portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français. Toutefois, M. A... s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire et a été condamné à plusieurs reprises par le juge pénal statuant en matière correctionnelle, en dernier lieu le 10 février 2022 par le tribunal correctionnel de Limoges. L'intéressé a été incarcéré au centre de détention d'Uzerche, où il a purgé une peine de trente-huit mois d'emprisonnement. Par un arrêté du 20 juillet 2023, le préfet de la Corrèze lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai à compter de sa libération, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être renvoyé et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. M. A... relève appel du jugement n° 2301318 du 4 août 2023 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté du 20 juillet 2023 :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) / 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; (...) / 5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a été condamné à neuf reprises, dont le 31 mai 2021 à deux mois d'emprisonnement avec sursis pour des faits de vol avec recel, le 5 juillet 2021 à deux ans et six mois d'emprisonnement pour des faits de récidive de détention non autorisée de stupéfiants, d'offre ou cession non autorisée de stupéfiants et d'acquisition non autorisée de stupéfiants, le 10 février 2022 à six mois d'emprisonnement pour des faits de récidive d'usage illicite de stupéfiants, recel de bien provenant d'un délit puni d'une peine n'excédant pas cinq ans d'emprisonnement et complicité de remise ou sortie irrégulière de correspondance, somme d'argent ou objet de détenu. L'intéressé a également été condamné le 10 février 2022 à deux mois d'emprisonnement pour des faits de violence sans incapacité par une personne étant ou ayant été conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité. A raison de ces condamnations, M. A... a été incarcéré au centre de détention d'Uzerche. M. A... ne peut à cet égard utilement se prévaloir d'une circulaire du 8 février 1994, qui n'a pas fait l'objet d'une publication dans les conditions prévues à l'article L. 312-2 du code des relations entre le public et l'administration et qui, en tout état de cause, ne propose pas une interprétation de la règle différente de celle dont il est fait application par le présent arrêt. Par ailleurs, si M. A... soutient avoir purgé sa peine, avoir travaillé au sein du centre de détention, démontrant ainsi sa réelle volonté de réinsertion sociale et professionnelle, compte tenu de la gravité et de la réitération des faits pour lesquels l'intéressé a été condamné et incarcéré jusqu'en 2023, le préfet de la Corrèze n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en estimant qu'ils témoignaient d'un comportement de nature à menacer l'ordre public et en lui faisant, pour ce seul motif, obligation de quitter le territoire français sans délai à compter de sa libération.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". L'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".
5. M. A... se prévaut de la présence en France de ses deux enfants, nés en 2015 et 2021, qu'il a reconnus. Toutefois, les éléments produits par l'intéressé ne suffisent pas à établir l'intensité du lien l'unissant à ses enfants, malgré son incarcération au centre de détention d'Uzerche, ni que l'intéressé contribuerait à leur entretien et à leur éducation. Par ailleurs, le requérant n'établit ni même n'allègue avoir exercé une activité professionnelle en France ou disposer de ressources financières stables et ne justifie pas, par la seule production de quelques attestations postérieures à la date de l'arrêté attaqué, avoir tissé, en dehors de son environnement familial immédiat, des liens d'une particulière intensité et stabilité sur le territoire français. Dès lors, en tenant compte du comportement de l'intéressé qui, ainsi qu'il a été exposé au point 3, constitue une menace à l'ordre public, compte tenu des conditions de son séjour en France, le préfet de la Corrèze n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, il n'a pas plus entaché cette décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.
6. En troisième et dernier lieu, M. A... ne saurait se prévaloir des stipulations de l'article 9.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dès lors que celles-ci ne créent d'obligations qu'à l'égard des Etats. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire :
7. En premier lieu, ainsi qu'il été précédemment exposé, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'illégalité. Dès lors, le moyen invoqué par la voie de l'exception, par M. A..., de son illégalité ne peut qu'être écarté.
8. En deuxième lieu, compte tenu de ce qui a été dit aux points 3 et 5, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Corrèze n'aurait pas procédé à un examen réel et sérieux de la situation personnelle de M. A....
9. En troisième et dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 3 et 5, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée méconnaît l'intérêt supérieur de ses enfants.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande. Les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Corrèze.
Délibéré après l'audience du 14 mai 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,
Mme Pauline Reynaud, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juin 2024.
La rapporteure,
Pauline ReynaudLa présidente,
Evelyne BalzamoLe greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 23BX023612