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20/08/2024 | FRANCE | N°24BX01108

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, Juge des référés, 20 août 2024, 24BX01108


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La SAS Nvesto 7 a demandé au juge des référés du tribunal administratif de La Réunion, sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner la région Réunion à lui verser, à titre de provision, une somme de 2 016 983,37 euros en réparation des pertes commerciales que lui ont occasionnées les travaux effectués sur la route nationale n°2 entre Sainte-Marie et Sainte-Suzanne.



Par une ordonnance n° 2301

184 du 29 avril 2024, le juge des référés du tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demand...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Nvesto 7 a demandé au juge des référés du tribunal administratif de La Réunion, sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner la région Réunion à lui verser, à titre de provision, une somme de 2 016 983,37 euros en réparation des pertes commerciales que lui ont occasionnées les travaux effectués sur la route nationale n°2 entre Sainte-Marie et Sainte-Suzanne.

Par une ordonnance n° 2301184 du 29 avril 2024, le juge des référés du tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 mai 2024, et un mémoire enregistré le 26 juillet 2024, la SAS Nvesto 7, représentée par Me Ferdinand, demande au juge des référés de la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 26 janvier 2024 du juge des référés du tribunal administratif de La Réunion ;

2°) de faire droit à sa demande de provision ;

Elle soutient que :

- les travaux réalisés de nuit sur la RN 2 ont entraîné des fermetures d'accès à la station- service qu'elle exploitait en location-gérance pendant environ 100 nuits entre 2022 et 2023 ; en outre le matériel et les plots installés dissuadaient également la clientèle de jour ; la durée des perturbations est au moins d'un an et quatre mois ; la perte de chiffre d'affaires a été considérable, environ 875 000 euros pour la vente d'essence et plus d'un million pour les ventes en boutique ; l'origine des difficultés apparaît bien dans les protocoles d'assistance commerciale des 30 juin et 4 juillet 2023 avec la Société Réunionnaise de Produits Pétroliers, ce qui n'a pas empêché celle-ci de mettre brutalement fin à son contrat de location-gérance pour non-paiement de ses dettes ;

Un mémoire en défense a été enregistré le 28 mai 2024 pour la région Réunion, représentée par Me Lafay, qui conclut au rejet de la requête, et à ce que soit mise à la charge de la société Nvesto 7 une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

-la requête ne formulant aucune critique contre le jugement, elle est irrecevable ;

-son silence dans la requête au fond devant le tribunal ne peut être interprété, en l'absence de mise en demeure, comme un acquiescement au bien-fondé de la demande ;

- la créance invoquée est sérieusement contestable :

*les restrictions de circulation ont été limitées à 26 nuits en semaine, de 20h à 5 h, et non 60 comme il est soutenu, et le trafic est largement moindre de nuit ; la gérante, qui a toujours été informée de ces fermetures par mails, n'a jamais fait part d'inquiétudes sur la santé économique de l'entreprise de nature à interroger les services de la région sur d'éventuelles mesures correctives ; le second accès à la station par la RN2002 n'a pas été impacté ; les travaux réalisés ont apporté une amélioration à la qualité de la voie et même à la visibilité de la station-service, ce qui compense les perturbations ressenties ; aucun dommage anormal et spécial n'est caractérisé ;

*la gazole représente 88% de la perte totale alléguée, alors que la période en cause correspond à une hausse du prix unitaire de ce carburant, qui a pu générer une adaptation des comportements des consommateurs ; en outre, la Réunion a connu une baisse de la fréquentation touristique ; ainsi la perte des ventes, qui n'ont pas baissé uniformément dans toutes les familles de produits, mais plus notablement pour le gaz et le tabac dont les prix ont augmenté, ne résulte pas directement des travaux de la région ;

* la prétendue créance n'est nullement justifiée dans son montant, alors que les tableaux produits par la requérante sont erronés dans les calculs et ne sont pas assortis de pièces justifiant les chiffres indiqués ; la diminution des ventes en boutique n'est pas de plus d'un million d'euros, mais seulement de 127 198 euros ;

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de justice administrative.

Le président de la cour a désigné Mme B... A... pour statuer en application du livre V du code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. La société Nvesto 7 a pris en location-gérance en novembre 2021 une station- service Vito située " Ravine des chèvres " sur la route nationale N°2 entre Sainte Suzanne et Sainte-Marie. La région Réunion a entrepris en mars 2022 des travaux de requalification de cette route à deux fois deux voies pour y aménager, sur la bande d'arrêt d'urgence élargie, une voie réservée aux véhicules de transports en commun, ce qui a conduit à de nombreuses fermetures de la route pendant la nuit, et à une incommodité d'accès à la station-service pendant la journée. La mise en service de la voie a été effectuée en avril 2023, mais quelques travaux se sont poursuivis au-delà de cette date. La gérante de la société Nvesto 7 a alors sollicité la région Réunion pour compenser ses pertes de chiffre d'affaires, en avril 2023, demande rejetée au motif que la région ne disposait pas de " cadre d'intervention susceptible d'indemniser les entreprises dont l'activité se trouverait affectée par la réalisation de travaux menés dans l'intérêt général ". Son contrat de location-gérance, qui devait prendre fin le 30 novembre 2023, a été résilié le 13 juillet 2023 par la Société réunionnaise de produits pétroliers (SRPP) au motif qu'elle restait redevable d'importantes factures de fournitures de carburant, malgré deux accords d'assistance commerciale qui l'avaient dispensée des redevances pour les deux premiers trimestres 2023. Elle a alors saisi le tribunal administratif de La Réunion d'une demande de condamnation de la région Réunion à lui verser une provision à hauteur de 2 016 983,37 euros, montant auquel elle évalue ses pertes de chiffres d'affaires sur les ventes de carburant et de produits à la boutique. Elle relève appel de l'ordonnance du 29 avril 2024 qui a rejeté sa demande.

2. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ". Il résulte de ces dispositions que pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état.

3. Si, en principe, les modifications apportées à la circulation générale et résultant soit de changements effectués dans l'assiette, la direction ou l'aménagement des voies publiques, soit de la création de voies nouvelles, ne sont pas de nature à ouvrir droit à indemnité, il en va autrement dans le cas où ces modifications ont pour conséquence d'interdire ou de rendre excessivement difficile l'accès des riverains à la voie publique.

4. La région Réunion reconnait qu'une soixantaine de fermetures de nuit de la route nationale n°2, et donc de l'accès à la station sur cette route, n'ont pu être évitées, mais souligne que l'accès par la route nationale 2002, à l'arrière de la station, n'a jamais été affecté. Si la société soutient qu'il conviendrait d'ajouter une vingtaine de nuits de fermeture, au motif qu'elle ne recevait pas de mails de préavis pendant les congés du chargé d'opérations, et une vingtaine de nuits pour lesquelles la fermeture n'aurait fait l'objet d'aucun préavis, et de tenir compte d'une quasi-fermeture pendant la journée, elle n'apporte aucun élément pour en justifier. Elle n'établit pas non plus que l'itinéraire de déviation, qui passait devant la seconde entrée de la station, n'aurait pas permis aux clients de s'y approvisionner, même si cette route était nécessairement moins fréquentée que la quatre-voies. Elle n'établit pas davantage la répartition horaire des ventes de carburant ou de produits à la boutique, si bien que le lien entre la baisse avérée des ventes et les travaux en cause ne peut être regardé comme direct avec suffisamment de certitude, alors que la région fait valoir que l'augmentation importante du prix des principales denrées dont les ventes ont baissé (gazole, tabac) pourrait avoir généré une modification du comportement des consommateurs.

5. En outre, la requérante, qui fait état d'une baisse de chiffre d'affaires de seulement 13% entre les exercices clos en 2021 et en 2022, ne critique pas les motifs par lesquels le premier juge a regardé la baisse des ventes comme ne caractérisant pas, au regard des avantages attendus des travaux sur la qualité de la desserte, lesquels s'apprécient dans la durée, des inconvénients excédant ceux que les usagers doivent supporter sans indemnité. Dans ces conditions, la créance alléguée, qui au demeurant est présentée comme correspondant à une perte de chiffre d'affaires, alors que seules les pertes de marge sont indemnisables, ne présente pas un caractère non sérieusement contestable, ni dans son principe, ni dans son montant.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir soulevée par la région, que la SAS Nvesto 7 n'est pas fondée à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque, ni l'octroi de la provision qu'elle réclame.

7. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la région Réunion, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande de la région tendant à la condamnation de la société requérante sur le fondement des mêmes dispositions.

ORDONNE :

Article 1er : La requête de la SAS Nvesto 7 est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la région Réunion au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la SAS Nvesto 7 et à la région Réunion.

Fait à Bordeaux, le 20 août 2024.

La juge des référés,

B... A...

La République mande et ordonne au préfet de la Réunion, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

2

No 24BX01108


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 24BX01108
Date de la décision : 20/08/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Avocat(s) : LAFAY

Origine de la décision
Date de l'import : 01/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-08-20;24bx01108 ?
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