Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... F... a demandé au tribunal administratif de Saint-Denis d'annuler l'arrêté du 30 avril 2021 par lequel le maire de G... lui a infligé la sanction de l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée d'un an.
Par un jugement n° 2100641 du 15 juillet 2022, le tribunal administratif de La Réunion a annulé l'arrêté du 30 avril 2021.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 19 septembre 2022, la commune de G..., représentée par Me Creissen, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n°2100641 du tribunal administratif de La Réunion du 15 juillet 2022 ;
2°) de rejeter la demande d'annulation de l'arrêté du 30 avril 2021 ;
3°) de mettre à la charge de M. F... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
Sur la régularité du jugement attaqué :
- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, elle n'a pas souhaité se prévaloir de nouveaux motifs de nature à justifier la sanction en litige mais a exposé des arguments tendant à établir le bien-fondé du motif initialement retenu ; en qualifiant à tort ses arguments d'une demande de substitution de motifs, le tribunal a entaché le jugement attaqué d'irrégularité ;
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé dès lors que, les ayant irrégulièrement qualifiés de demande de substitution de motifs, les premiers juges n'ont pas répondu aux moyens qu'elle a développés en défense de nature à démontrer que l'arrêté contesté reposait bien sur des faits matériels établis ; ils n'ont pas également suffisamment motivé en quoi ils considéraient que les faits n'étaient pas suffisamment établis ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
- le motif d'annulation retenu par les premiers juges est erroné dès lors qu'elle a apporté la preuve de la réalité des faits reprochés ; la faute est constituée et la sanction infligée est proportionnée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 janvier 2023, M. F..., représenté par Me Saubert, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune de G... une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 5 janvier 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 7 mars 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme H...,
- les conclusions de M. Sébastien Ellie, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. F..., attaché territorial exerçant les fonctions de directeur général adjoint (DGA) du département " finances et ressources humaines " de la commune de G..., a été informé par courrier du 19 octobre 2020 du maire de cette commune de l'engagement d'une procédure disciplinaire à son encontre pour des faits de violences physiques et verbales à l'encontre d'un autre agent de la collectivité. Par un avis du 21 avril 2021, le conseil de discipline de la fonction publique territoriale de La Réunion a considéré qu'il n'y avait pas lieu de rechercher la responsabilité disciplinaire au titre des faits reprochés à M. F.... Par arrêté du 30 avril 2021, le maire de G... lui a infligé la sanction de l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée d'un an. Par le jugement attaqué du 15 juillet 2022, le tribunal administratif de La Réunion a annulé cet arrêté. Par la présente requête, la commune de G... demande l'annulation de ce jugement et le rejet de la demande de M. F....
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
3. Il ressort des termes du jugement attaqué, et notamment de son point 3, que les premiers juges ont expliqué de manière circonstanciée les raisons pour lesquelles ils ont retenu, pour fonder l'annulation de l'arrêté du 30 avril 2021, le moyen tiré de ce que la réalité des faits reprochés à M. F... n'était pas établie par la commune. Ce faisant, et alors qu'il ressort des pièces du dossier qu'ils n'ont omis de répondre à aucun moyen présenté en défense susceptible de faire échec aux moyens développés à l'appui de la demande, ils ont suffisamment motivé leur décision d'annulation. Par ailleurs, la commune ne peut utilement soutenir, au titre de la régularité du jugement attaqué, que les premiers juges l'auraient regardée à tort comme sollicitant une substitution de motifs, demande qu'ils ont expressément écartée au point 2 du jugement. Par suite, les moyens tirés de l'irrégularité du jugement doivent être écartés.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire sont établis, s'ils constituent une faute de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
5. Il ressort des pièces du dossier et notamment de l'arrêté contesté du 30 avril 2021, que le maire de G... s'est fondé, pour infliger à M. F... la sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée d'un an, sur deux séries de comportements, qu'il a qualifiés " de fautes ayant un caractère grave justifiant l'application d'une sanction disciplinaire ", constitués, d'une part, de faits de violences physiques qu'il aurait commis sur la personne de Mme A... sur son lieu de travail " à maintes reprises dès le mois de décembre 2018 et jusqu'en 2020 ", et, d'autre part, des faits de violences verbales commis sur son lieu de travail, le 10 août 2020, à l'encontre de Mme A... et de M. B.... Pour établir la matérialité de ces faits, la commune de G... s'est fondée sur deux témoignages émanant de deux agents dépendant hiérarchiquement de Mme A..., directrice des ressources humaines de la commune au moment des faits, ainsi que sur le contenu de la plainte déposée par cette dernière au commissariat de police de Saint-Denis le 2 septembre 2020 pour des faits de violences conjugales, et enfin sur les termes d'un courrier daté du 18 décembre 2019 de M. F... adressé, à titre privé, aux parents de Mme A.... Toutefois, si le premier témoignage daté du 17 août 2020 émanant de Mme C..., agent de la direction des ressources humaines (DRH), indique que Mme A... aurait reçu une " première gifle " de la part de M. F... en décembre 2018 " à la pause déjeuner au bureau ", il ressort des pièces du dossier que Mme C... n'a pas été témoin des faits évoqués et ne fait que reprendre les dires relatés par Mme A... le jour même. Si ce témoignage évoque ensuite le fait que M. F... " déboulait au bureau " " fermait la porte du bureau " de Mme A... et qu'" on entendait des bruits pouvant durer des heures ", cette dernière lui montrant ensuite " ses bleus ", ces propos restent vagues et peu circonstanciés. Le deuxième témoignage daté du 18 août 2020 émane de M. B..., autre agent de la DRH, et relate des faits commis le 10 août 2020, consistant dans l'arrivée de M. F... dans le bureau de Mme A... et son refus de garder la porte du bureau ouverte malgré l'intervention de M. B..., arguant l'évocation d'un dossier sensible de nature professionnel requérant le huit clos. M. B... aurait tenté de garder de force la porte ouverte et aurait finalement souscrit à la demande de fermeture, devant l'approbation de Mme A.... Ce témoignage, dont il ne ressort d'ailleurs aucune violence verbale commise par M. F... à l'encontre de M. B... ou de Mme A..., faits pourtant retenus par le maire dans l'arrêté contesté, n'est recoupé que par les déclarations de Mme A... dans sa plainte déposée le 2 septembre 2020 et n'est corroboré par aucun autre témoignage d'agents présents dans le service ce jour-là. En outre, s'il ressort des termes du courrier envoyé à titre privé par M. F... aux parents de Mme A... que leur relation a pu être conflictuelle, ce document n'est, s'agissant des faits reprochés, aucunement probant. Enfin, aucun certificat médical ou autre pièce n'est produite de nature à corroborer les faits de violences retenus par la commune, tandis qu'il est indiqué dans le rapport du Dr D..., psychiatre qui a examiné M. F... dans le cadre de sa reprise de service après un congé de maladie de 12 mois, que la procédure judiciaire a été classée sans suite. Dans ces conditions, et alors que M. F... argue d'une " cabale " contre lui suite à sa décision de mettre fin à sa relation sentimentale avec Mme A..., et nie catégoriquement les faits retenus contre lui, c'est à juste titre que le tribunal administratif de La Réunion, a considéré, comme l'avait d'ailleurs fait le conseil de discipline de la fonction publique territoriale de La Réunion dans son avis rendu le 20 avril 2021, que l'autorité administrative ne peut être regardée comme rapportant la preuve, qui lui incombe, de la réalité des faits de violence qu'elle a imputée au requérant pour justifier la sanction disciplinaire prononcée le 30 avril 2021.
6. Il résulte de ce qui précède que la commune de G... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de La Réunion a annulé l'arrêté du 30 avril 2021.
Sur les frais liés au litige :
7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de G... une somme de 1 500 euros à verser à M. F... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. En revanche, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du requérant, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que demande la commune de G... au titre des frais d'instance exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la commune de G... est rejetée.
Article 2 : La commune de G... versera à M. F... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... F... et à la commune de G....
Délibéré après l'audience du 3 septembre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente,
M. Nicolas Normand, président assesseur,
Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 septembre 2024.
La rapporteure,
Héloïse H...
La présidente,
Elisabeth Jayat
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne au préfet de La Réunion en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 22BX02504