Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler les décisions des 9 juin 2020 et 17 novembre 2020 par lesquelles le directeur du centre hospitalier d'Agen-Nérac, d'une part, a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la rechute dont il se prévaut à compter du 30 août 2019 au titre de l'accident de service dont il a été victime le 8 janvier 2018, et a requalifié son arrêt de travail en congé de maladie ordinaire, et, d'autre part, a refusé de reconnaître le caractère professionnel de sa maladie déclarée le 30 août 2019.
Par un jugement n° 2003289 du 5 mai 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a, d'une part, annulé la décision du directeur du centre hospitalier d'Agen-Nérac du 9 juin 2020 en tant qu'il a refusé l'imputabilité au service de la rechute dont M. B... se prévaut à compter du 30 août 2019 au titre de l'accident de service survenu le 8 janvier 2018 et a enjoint au centre hospitalier d'Agen-Nérac de reconnaître cette rechute comme imputable au service au titre de l'accident du 8 janvier 2018 dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement. Il a, d'autre part, et en conséquence, prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 17 novembre 2020. Il a, enfin, rejeté le surplus de la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 17 juin 2022, le centre hospitalier d'Agen-Nérac, représenté par Me Munier, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2003289 en date du 5 mai 2022 du tribunal administratif de Bordeaux en tant qu'il a annulé la décision du 9 juin 2020 refusant l'imputabilité au service de la rechute dont M. B... se prévaut à compter du 30 août 2019 au titre de l'accident de service survenu le 8 janvier 2018 et qu'il l'a enjoint à reconnaître cette rechute comme imputable au service au titre de cet accident dans un délai d'un mois ;
2°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les premiers juges ont à juste titre conclu au non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 17 novembre 2020 ;
- contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, les critères permettant de caractériser un accident de service qui serait survenu le 8 janvier 2018 n'étaient pas remplis ;
- son nouvel arrêt de travail ne peut être la conséquence directe et certaine de cet accident de service initial, qui n'existe donc pas, et ne pouvait donc être qualifié de rechute imputable au service ;
- pour qu'il y ait rechute, il est nécessaire que les séquelles d'un accident de service s'aggravent ou récidivent de manière spontanée ; or un trouble anxio-dépressif en lien direct avec l'arrivée d'un nouveau chef de service, en ce qu'il constitue un élément extérieur, ne présente pas un caractère spontané ;
- un trouble anxio-dépressif intervenu conséquemment à un entretien que l'agent a eu avec le service par lequel il a appris que le poste de responsable sécurité, sûreté, standard avait été attribué à un autre fonctionnaire, en ce qu'il est intervenu postérieurement à la date de consolidation, ne peut être qualifié de rechute de séquelles reconnues, elles, imputables au service ;
- subsidiairement, en s'abstenant de produire une attestation médicale justifiant son état de santé et l'impossibilité d'exercer ses fonctions et à défaut d'avoir épuisé la période rémunérée à plein traitement d'un congé de longue maladie, M. B... ne peut, contrairement à ce qu'il soutient, bénéficier d'un congé longue durée, dont il n'a au demeurant pas fait la demande ;
- M. B... a été placé en congé longue maladie pour la période du 31 août 2019 au 31 décembre 2020, sa demande présentée à titre subsidiaire de placement dans un tel statut est ainsi devenue sans objet ;
- il n'y a pas lieu de recourir à une expertise médicale, les éléments produits étant suffisamment éclairants.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 18 octobre et 1er décembre 2022, ce dernier non communiqué, M. B..., représenté par Me Delmouly, conclut à titre principal au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge du centre hospitalier d'Agen-Nérac une somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il demande à titre subsidiaire :
1°) d'annuler les décisions des 9 juin et 17 novembre 2020 en tant qu'elles décrètent que les arrêts et soins depuis le 30 août 2019 seront pris en charge au titre de la maladie ordinaire ;
2°) d'annuler la décision du 17 novembre 2020 et d'enjoindre au directeur du centre hospitalier de déclarer imputables à une maladie professionnelle les arrêts de travail et soins prescrits à compter du 30 août 2019, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir ;
3°) à titre infiniment subsidiaire à ce qu'il soit ordonné une expertise médicale.
Il soutient que :
- sa rechute le 30 août 2019 est imputable à des faits similaires à ceux à l'origine du déclenchement de sa maladie en janvier 2018 qui ont été reconnus comme constitutifs d'un accident de service ;
- à titre subsidiaire, sa pathologie présentant le caractère d'une maladie mentale, à défaut de congé pour invalidité temporaire imputable au service, le centre hospitalier d'Agen-Nérac aurait dû le placer en congé de longue durée ou en congé longue maladie ; le centre hospitalier l'a d'ailleurs finalement placé, par une décision du 15 janvier 2021 intervenue en cours d'instance, sous le régime de congé longue maladie à compter du 31 août 2019.
Par une ordonnance du 17 janvier 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 février 2024 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;
- le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 relatif aux conditions d'aptitude physique et aux congés de maladie des agents de la fonction publique hospitalière ;
- le décret n° 2011-744 du 27 juin 2011 portant statut particulier du corps des techniciens et techniciennes supérieurs hospitaliers ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Héloïse Pruche-Maurin ;
- les conclusions de M. Sébastien Ellie, rapporteur public ;
- et les observations de Me Munier, représentant le centre hospitalier d'Agen-Nérac.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., fonctionnaire hospitalier de catégorie B titulaire du grade de technicien supérieur hospitalier de 1ère classe, exerçant au sein du centre hospitalier d'Agen-Nérac depuis 1979, occupait depuis 1997 des fonctions de chef de service de sécurité incendie sous la responsabilité du chargé de la sécurité de tous les établissements regroupés au sein du centre hospitalier. Suite à une réorganisation de service actée en 2017, M. B... a été affecté en tant qu'adjoint du chef de service du nouveau service " sécurité, sûreté, standard ". Estimant avoir été rétrogradé, M. B... a sollicité du directeur de l'établissement le retrait de la décision l'affectant dans ces nouvelles fonctions, le rétablissement dans ses fonctions de chef de service et l'indemnisation de ses préjudices. Cette demande a été implicitement rejetée. M. B... a formé un recours à l'encontre de la décision implicite de rejet qui lui a été opposée, sa requête a été rejetée par un jugement n°1801405 du 27 décembre 2019 devenu définitif. Parallèlement, M. B... a été placé en arrêt de travail du 8 janvier au 31 mars 2018 à la suite de la nouvelle organisation du service. Sur demande de l'intéressé, le centre hospitalier a, par une décision du 19 décembre 2018, reconnu qu'il avait été victime d'un accident du travail en date du 8 janvier 2018 imputable au service et que les arrêts de travail à compter du 8 janvier 2018 et jusqu'au 31 mars 2018 étaient imputables au service. Placé de nouveau en arrêt de travail à compter du 30 août 2019, M. B... a sollicité l'imputabilité au service de ses troubles de santé dont il soutient qu'ils constituent une rechute au titre de l'accident survenu le 8 janvier 2018. Devant le refus du centre hospitalier à qualifier cet évènement de rechute, M. B... a également sollicité la reconnaissance de sa maladie en maladie professionnelle. Par des décisions des 9 juin 2020 et 17 novembre 2020, le directeur du centre hospitalier d'Agen-Nérac a, d'une part, refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la rechute dont l'intéressé se prévalait à compter du 30 août 2019 au titre de l'accident de service du 8 janvier 2018, et a requalifié son arrêt de travail en congé de maladie ordinaire, et a, d'autre part, refusé de reconnaître le caractère professionnel de sa maladie déclarée le 30 août 2019. M. B... a formé un recours à l'encontre de ces décisions. Par le jugement attaqué du 5 mai 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a, d'une part, annulé la décision du directeur du centre hospitalier d'Agen-Nérac du 9 juin 2020 en tant qu'il a refusé l'imputabilité au service de la rechute dont M. B... se prévalait, et a enjoint au centre hospitalier d'Agen-Nérac de reconnaître cette rechute comme imputable au service au titre de l'accident du 8 janvier 2018 dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement. Il a, d'autre part, et en conséquence, prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 17 novembre 2020. Il a, enfin, rejeté le surplus de la demande. Le centre hospitalier d'Agen-Nérac relève appel de ce jugement en tant qu'il a annulé la décision du 9 juin 2020 refusant l'imputabilité au service de la rechute dont M. B... se prévaut à compter du 30 août 2019 au titre de l'accident de service survenu le 8 janvier 2018 et qu'il l'a enjoint à reconnaître cette rechute comme imputable au service au titre de cet accident dans un délai d'un mois.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de la maladie ou de l'accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales ".
3. D'une part, un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet évènement du service, le caractère d'un accident de service.
4. D'autre part, la rechute d'un accident de service se caractérise par la récidive ou l'aggravation subite et naturelle de l'affection initiale après sa consolidation sans intervention d'une cause extérieure. Cependant, lorsque l'état d'un fonctionnaire est consolidé postérieurement à un accident imputable au service, le bénéfice des dispositions du 2° de l'article 41 précité est subordonné, non pas à l'existence d'une rechute ou d'une aggravation de sa pathologie, mais à l'existence de troubles présentant un lien direct et certain avec l'accident de service.
5. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a été victime, suite à la réorganisation de service évoquée au point 1, le 8 janvier 2018 " d'un état de stress décompensé avec réaction dépressive ", évènement reconnu comme un accident du travail imputable au service par une décision du 19 décembre 2018 du centre hospitalier d'Agen-Nérac, devenue définitive. Dans ces conditions, le centre hospitalier ne peut se prévaloir de l'absence d'imputabilité au service de cet accident qu'il a lui-même reconnue. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que M. B... a repris le travail à compter du 1er avril 2018, ses arrêts de travail ayant été reconnus imputables au service pour la période allant du 8 janvier au 31 mars 2018, et a exercé ses fonctions sans discontinuité jusqu'au 30 août 2019, date de son nouvel arrêt. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des expertises médicales des 12 décembre 2019 et 6 août 2020, menées par deux experts différents, la première dans le cadre de la demande de M. B... de reconnaissance de sa rechute au titre de l'accident de service du 8 janvier 2018 et la seconde dans le cadre de sa demande parallèle de reconnaissance de sa maladie au titre d'une maladie professionnelle, qu'alors qu'il suivait toujours un traitement pour l'état anxiodépressif survenu au mois de janvier 2018, ses symptômes anxiodépressifs ont repris en août 2019 suite à son éviction du poste de chef de service dans le cadre de l'achèvement de la réorganisation des services à l'origine de son premier épisode de décompensation, que " sa décompensation est en lien direct avec le premier épisode dont les causes sont identiques ", " les causes se reproduisant, on retrouve les mêmes conséquences " et à un " syndrome anxiodépressif réactionnel récidivant " en lien direct avec le premier évènement. Les deux experts concluent ainsi de manière concordante à la prise en charge de ces troubles de santé au titre de l'accident de service initial du 8 janvier 2018. Réunie les 27 février 2020 et 25 septembre 2020, la commission départementale de réforme des personnels hospitaliers a également émis à deux reprises, dans le cadre de ces deux procédures parallèles, un avis favorable à ce que les arrêts de travail à compter du 30 août 2019 soient pris en charge au titre de l'accident de service du 8 janvier 2018. Il résulte ainsi de ces éléments, qui ne sont pas utilement contredits, que les troubles qui ont conduit à l'arrêt de travail de M. B... à compter du 30 août 2019 sont en lien direct et certain avec l'accident de service du 8 janvier 2018 quand bien même ils ont été réactivés par la réitération de l'éviction de M. B... de son poste. Par suite, et quand bien même les troubles de santé de M. B... ne seraient pas constitutifs d'une rechute ou ne traduiraient pas une aggravation par rapport à ceux qu'il a subis à compter du 8 janvier 2018, c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré qu'en refusant par une décision du 9 juin 2020, de regarder le développement de ces nouveaux symptômes comme étant en lien direct et certain avec l'accident de service initial, le centre hospitalier d'Agen-Nérac avait entaché sa décision d'erreur d'appréciation.
6. Il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier d'Agen-Nérac n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision du 9 juin 2020 refusant l'imputabilité au service des troubles de santé dont M. B... se prévaut à compter du 30 août 2019 au titre de l'accident de service survenu le 8 janvier 2018 et qu'il l'a enjoint à reconnaître ses troubles comme imputables au service au titre de cet accident dans un délai d'un mois.
Sur les frais liés au litige :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans le présent litige, une quelconque somme au titre des frais d'instance. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier d'Agen-Nérac une somme de 1 500 euros à verser à M. B... sur le fondement de ces dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du centre hospitalier d'Agen-Nérac est rejetée.
Article 2 : Le centre hospitalier d'Agen-Nérac versera une somme de 1 500 euros à M. B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au centre hospitalier d'Agen-Nérac.
Délibéré après l'audience du 1er octobre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente,
M. Nicolas Normand, président-assesseur,
Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 octobre 2024.
La rapporteure,
Héloïse Pruche-MaurinLa présidente,
Elisabeth Jayat
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de l'accès aux soins, en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 22BX01649 2