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22/10/2024 | FRANCE | N°22BX02090

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 5ème chambre, 22 octobre 2024, 22BX02090


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... G... et Mme E... G... ont demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la décision du 3 septembre 2019 par laquelle la préfète des Hautes-Pyrénées a refusé de leur reconnaître un droit d'eau fondé en titre d'une puissance maximale brute fixée à 14,7 kW et de leur reconnaître ce droit d'eau fondé sur titre d'une puissance maximale brute de 14,7 kW.



Par un jugement n° 2000261 du 30 mai 2022, le tribunal administratif de Pau a rejeté leu

r demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... G... et Mme E... G... ont demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la décision du 3 septembre 2019 par laquelle la préfète des Hautes-Pyrénées a refusé de leur reconnaître un droit d'eau fondé en titre d'une puissance maximale brute fixée à 14,7 kW et de leur reconnaître ce droit d'eau fondé sur titre d'une puissance maximale brute de 14,7 kW.

Par un jugement n° 2000261 du 30 mai 2022, le tribunal administratif de Pau a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 25 juillet 2022 et le 28 décembre 2023, Mme E... G..., puis, après son décès, ses ayants droit Mme D... H... et M. C... H..., représentés par Me Larrouy-Castera demandent à la cour, dans le dernier état des écritures :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Pau du 30 mai 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 3 septembre 2019, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux du 10 décembre 2019 ;

3°) de déclarer que Mme D... H... et M. C... H... sont titulaires d'un droit fondé en titre et fondé sur titre avec une puissance maximale brute fixée à 14,7 kW ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- leur droit d'eau est fondé en titre dès lors que le moulin figure sur la carte de Cassini et que l'acte de 1840 ne constitue qu'un acte de constitution de la société du moulin mentionnant la construction du moulin qui prend nécessairement appui sur le moulin existant ;

- ils peuvent valablement revendiquer un droit d'eau fondé sur titre dès lors que l'existence et l'activité du moulin sont prouvées avant le 18 octobre 1919 ;

- le tribunal a ajouté une condition pour reconnaître que l'installation hydraulique était autorisée en exigeant une remise en activité antérieure à la date du 18 octobre 1919 ;

- l'interprétation des dispositions de l'article L. 511-9 du code de l'énergie est trop restrictive ; le rapport du subdivisionnaire du 17 janvier 1922 indiquant qu'aucune autorisation administrative n'est nécessaire pour transformer l'ancien moulin à farine en menuiserie mécanique vaut autorisation au sens de ces dispositions.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 mai 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'énergie ;

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Clémentine Voillemot,

- les conclusions de M. Sébastien Ellie, rapporteur public,

- et les observations de Me Larrouy-Castera, représentant les requérants.

Considérant ce qui suit :

1. Mme G..., était propriétaire du moulin Cap de la Palanque sur le territoire de la commune de Beaudéan, en dérivation du cours d'eau l'Adour de Lesponne. Par une décision du 3 septembre 2019, la préfète des Hautes-Pyrénées a refusé de lui reconnaître le bénéfice d'un droit d'eau fondé en titre. Par un jugement du 30 mai 2022, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa requête tendant à l'annulation de cette décision du 3 septembre 2019. Mme G... a relevé appel de ce jugement. Elle est décédée après avoir introduit le présent appel et ses deux enfants, Mme et M. H... reprennent l'instance.

Sur l'existence d'un droit d'usage de l'eau fondé en titre :

2. Sont notamment regardées comme fondées en titre ou ayant une existence légale, les prises d'eau sur des cours d'eaux non domaniaux qui, soit ont fait l'objet d'une aliénation comme bien national, soit sont établies en vertu d'un acte antérieur à l'abolition des droits féodaux le 4 août 1789. Une prise d'eau est présumée établie en vertu d'un acte antérieur à l'abolition des droits féodaux dès lors qu'est prouvée son existence matérielle avant cette date. La preuve de cette existence matérielle peut être apportée par tout moyen, notamment par sa localisation sur la carte de Cassini datant du XVIIIème siècle.

3. La force motrice produite par l'écoulement d'eaux courantes ne peut faire l'objet que d'un droit d'usage et en aucun cas d'un droit de propriété. Il en résulte qu'un droit fondé en titre se perd lorsque la force motrice du cours d'eau n'est plus susceptible d'être utilisée par son détenteur, du fait de la ruine ou du changement d'affectation des ouvrages essentiels destinés à utiliser la pente et le volume de ce cours d'eau. En revanche, ni la circonstance que ces ouvrages n'aient pas été utilisés en tant que tels au cours d'une longue période de temps, ni le délabrement du bâtiment auquel le droit d'eau fondé en titre est attaché, ne sont de nature, à eux seuls, à remettre en cause la pérennité de ce droit. L'état de ruine, qui conduit en revanche à la perte du droit, est établi lorsque les éléments essentiels de l'ouvrage permettant l'utilisation de la force motrice du cours d'eau ont disparu ou qu'il n'en reste que de simples vestiges, de sorte qu'elle ne peut plus être utilisée sans leur reconstruction complète.

4. Pour établir l'existence du droit d'usage de l'eau fondé en titre, les requérants font valoir qu'un moulin est représenté sur la carte de Cassini, en amont de la chapelle Saint-Roch, entre deux autres moulins, à l'emplacement du moulin Cap de la Palanque dont elle est propriétaire. Toutefois, par un acte notarié du 28 juin 1840 de constitution d'une société entre Jean F... et Jean Brune Aulé, tous les deux cultivateurs, ces derniers ont déclaré " qu'ayant construit à frais communs depuis environ un an un moulin à farine à deux meules sur le bord de la rivière de l'Adour en la vallée de Beaudéan sur le fonds appartenant au dit F... " cet ouvrage appartiendra dorénavant aux deux associés par égales parts. Si la requérante soutient que cet acte notarié n'est qu'un acte de constitution d'une société et que, s'il est indiqué que le moulin a été construit depuis environ un an, cette construction a nécessairement été faite sur de l'existant, elle ne produit aucun élément susceptible d'étayer cette allégation alors qu'au contraire, le moulin ne figure plus sur la carte d'Etat-major de 1820 et que l'acte notarié du 28 juin 1840 ne mentionne aucun ouvrage essentiel destiné à utiliser la pente et le volume du cours d'eau préexistant à la construction évoquée. Ainsi, les documents historiques produits ne permettent pas d'établir avec suffisamment de certitude que le moulin construit en 1839, soit postérieurement à l'abolition des droits féodaux, a été édifié sur la base des droits de prise d'eau, à supposer qu'ils n'étaient pas alors éteints, attachés au moulin figurant sur la carte de Cassini, antérieur à 1789.

5. Par suite, l'existence matérielle du moulin des requérants n'étant pas établie avant l'abolition des droits féodaux, celui-ci ne peut être regardé comme fondé en titre. Dès lors, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a jugé que l'existence d'une prise d'eau antérieure à l'abolition des droits féodaux n'était pas établie.

Sur l'existence d'une autorisation antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 16 octobre 1919 relative à l'énergie hydroélectrique :

6. En application du II de l'article L. 214-6 du code de l'environnement : " Les installations, ouvrages et activités déclarés ou autorisés en application d'une législation ou réglementation relative à l'eau antérieure au 4 janvier 1992 sont réputés déclarés ou autorisés en application des dispositions de la présente section. Il en est de même des installations et ouvrages fondés en titre ". Entrent dans le champ de l'article L. 214-6 les installations hydrauliques qui, autorisées à la date du 18 octobre 1919 et dont la puissance ne dépasse pas 150 kilowatts, demeurent, en vertu des dispositions du dernier alinéa de l'article 18 de la loi du 16 octobre 1919 relative à l'énergie hydroélectrique, aujourd'hui codifiées à l'article L. 511-9 du code de l'énergie, autorisées conformément à leur titre.

7. Mme G... se prévaut des documents établissant que l'administration avait connaissance de l'existence de son moulin et, notamment, d'un rapport du subdivisionnaire des ponts et chaussées du 17 janvier 1922 répondant à la demande de M. B... portant sur l'autorisation d'y établir une menuiserie mécanique, et précisant " que le moulin servait autrefois à la mouture des céréales mais qu'il a, depuis longtemps, cessé de fonctionner. Toutefois, le canal d'amenée, le déversoir et les ouvrages évacuateurs sont cependant restés dans le même état qu'au moment où le moulin était en activité. Le pétitionnaire se propose d'enlever ses meules et d'utiliser la chute dont il dispose pour la mise en marche d'un tour à bois, d'une scie à moulines, d'une rubanerie, etc... qu'il veut installer dans le bâtiment du moulin, sans modifier toutefois, ni le débouché des vannes, ni le niveau de l'eau dans le canal d'amenée, ni la hauteur ou les dimensions du réservoir. Dans ces conditions, nous estimons qu'aucune autorisation administrative ne lui est nécessaire et qu'il peut transformer à son gré, dans les réserves ci-dessus énoncées, la destination de son usine. " Toutefois, la circonstance que l'administration avait connaissance de l'existence du moulin avant 1919 et le rapport du 17 janvier 1922, compte tenu de ses termes, ne suffisent pas à démontrer l'existence d'une autorisation pour cette installation hydraulique au sens de l'article L. 511-9 du code de l'énergie. En outre, il résulte de l'instruction que le moulin apparait sur l'inventaire des moulins non réglementés datant de 1922, ce qui corrobore, à l'inverse, qu'aucune autorisation ou règlement d'eau n'était attaché à ce moulin avant 1919. Par conséquent, faute de disposer d'un titre avant le 18 octobre 1919, le moulin Cap de la Palanque ne peut être regardé comme autorisé en application des dispositions du dernier alinéa de l'article 18 de la loi du 16 octobre 1919 relative à l'énergie hydroélectrique.

8. Il résulte de ce qui précède que les requérants ne disposent d'aucun droit d'usage de l'eau fondé en titre attaché aux installations du moulin du Cap de la Palanque et que celles-ci ne peuvent davantage être regardées comme autorisées en application des dispositions du dernier alinéa de l'article 18 de la loi du 16 octobre 1919 relative à l'énergie hydroélectrique.

9. Il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation de la requête doivent être rejetées, de même, par voie de conséquence, que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête présentée par Mme G... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... H... et M. C... H... et à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques.

Une copie en sera adressée au préfet des Hautes-Pyrénées.

Délibéré après l'audience du 1er octobre 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Nicolas Normand, président-assesseur,

Mme Clémentine Voillemot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 octobre 2024.

La rapporteure,

Clémentine VoillemotLe président,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques, en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 22BX02090


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX02090
Date de la décision : 22/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Clémentine VOILLEMOT
Rapporteur public ?: M. ELLIE
Avocat(s) : CABINET LARROUY-CASTERA ET CADIOU

Origine de la décision
Date de l'import : 03/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-22;22bx02090 ?
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