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22/10/2024 | FRANCE | N°24BX00396

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 5ème chambre, 22 octobre 2024, 24BX00396


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 4 septembre 2023 par lequel le préfet de la Gironde l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant trois ans ;



Par un jugement n° 2304885 du 31 octobre 2023, la magistrate désignée du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :

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Par une requête enregistrée le 18 février 2024, M. B..., représenté par Me Chamberland-Poulin, demande à la co...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 4 septembre 2023 par lequel le préfet de la Gironde l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant trois ans ;

Par un jugement n° 2304885 du 31 octobre 2023, la magistrate désignée du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 février 2024, M. B..., représenté par Me Chamberland-Poulin, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°2304885 du tribunal administratif de Bordeaux du 31 octobre 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 4 septembre 2023 du préfet de la Gironde ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le même délai, en lui attribuant une autorisation provisoire de séjour, pendant le temps de ce réexamen et de procéder sans délai à l'effacement de son inscription aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen ;

4°) d'assortir ces injonctions d'une astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du jugement à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

6°) de condamner l'Etat aux entiers dépens.

Il soutient que :

- le tribunal n'a pas tenu compte de la régularité de son entrée en France et n'a pas pris en compte son insertion professionnelle ;

Sur les moyens communs à l'encontre de l'arrêté :

- le signataire de la décision attaquée ne justifie pas bénéficier d'une délégation de signature ;

- il est insuffisamment motivé et sa situation n'a pas fait l'objet d'un examen réel et sérieux ;

- son droit d'être entendu a été méconnu en méconnaissance de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision est entachée d'une erreur d'appréciation ;

- la décision attaquée méconnaît les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît l'article L. 621-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il justifie de circonstances humanitaires ;

- elle est entachée d'erreur d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 septembre 2024, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une décision du 16 janvier 2024, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux a admis M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Clémentine Voillemot a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., de nationalité algérienne, né le 4 octobre 1977, a demandé l'annulation de l'arrêté du 4 septembre 2023 par lequel le préfet de la Gironde l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et lui a également interdit de retourner sur le territoire français pendant trois ans. M. B... relève appel du jugement du 31 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté préfectoral.

Sur les moyens communs aux décisions attaquées :

2. En premier lieu, M. B... se borne à reprendre en appel, sans invoquer d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer utilement la réponse qui a été apportée par le tribunal administratif de Bordeaux sur ce point, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par le premier juge.

3. En deuxième lieu, l'arrêté attaqué vise, notamment, les dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cet arrêté mentionne également que M. B... est entré irrégulièrement en France à une date non vérifiable, ses conditions de séjour sur le territoire français, où il s'est maintenu en dépit d'une obligation de quitter le territoire français prise à son encontre le 18 janvier 2021, ainsi que l'interpellation dont il a fait l'objet le 3 septembre 2023 et les faits pour lesquels il est défavorablement connu par les services de police, qu'il est sans domicile fixe et sans ressources légales sur le territoire français et qu'il est célibataire et sans charge de famille en France. Dans ces conditions, alors même qu'il n'a pas mentionné la présence de son cousin en France et les expériences professionnelles, non établies, dont il se prévaut, le préfet de la Gironde a suffisamment motivé l'arrêté attaqué. Par ailleurs, cette motivation ne révèle pas un défaut d'examen sérieux de la situation de l'intéressé. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de l'arrêté du 4 septembre 2023 et du défaut d'examen sérieux de la situation de M. B... doivent être écartés.

4. En troisième lieu, le droit d'être entendu, fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union européenne consacré à l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Ce droit n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement.

5. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. B... a été entendu, le 4 septembre 2023, par un officier de police judiciaire à Bordeaux et qu'au cours de cet entretien, il a pu faire valoir tout élément utile tenant à sa situation personnelle, et faire notamment valoir ses observations relatives à une perspective d'éloignement. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait été privé du droit d'être entendu avant l'édiction de la décision en litige.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

7. M. B..., qui déclare être entré en France en 2019 sans toutefois l'établir, ne conteste pas être célibataire et sans charge de famille sur le territoire français. Il se prévaut uniquement de la présence de son cousin en France et, en se bornant à produire une attestation d'hébergement postérieure à l'arrêté du 4 septembre 2023, à une date à laquelle il était incarcéré pour une peine de huit mois d'emprisonnement, sa carte d'aide médicale d'Etat et son curriculum vitae, il ne démontre pas sa volonté d'intégration sociale et professionnelle, de sorte que la décision l'obligeant à quitter le territoire français ne peut être regardée comme portant à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts qu'elle poursuit. Il en résulte que les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

Sur l'interdiction de retour :

8. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". L'article L. 612-10 du même code dispose que : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...). ".

9. En premier lieu, en l'absence d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige lui interdisant de retourner sur le territoire serait illégale du fait de l'illégalité de la mesure d'éloignement sur laquelle elle est fondée.

10. En deuxième lieu, M. B... se prévaut de la durée de sa présence en France, de l'atteinte à sa vie privée et familiale et de l'absence de trouble à l'ordre public que représente son comportement. Toutefois, ces éléments, qui ne ressortent pas des pièces du dossier, ne constituent pas des circonstances humanitaires.

11. En troisième lieu, M. B... n'établit pas la durée de sa présence sur le territoire français, ne produit aucun élément de nature à permettre de retenir l'existence et l'ancienneté de liens avec la France, a déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement prononcée le 18 janvier 2021 et a été interpellé pour cession ou offre illicite de substance, plante, préparation ou médicament inscrit sur les listes I et II classée comme psychotrope, détention non autorisée de stupéfiant et détention de tabac manufacturé sans document justificatif régulier par les services de police à Bordeaux le 3 septembre 2023. Si M. B... soutient qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public, il ressort des pièces du dossier qu'il a été condamné le 5 septembre 2023 pour les faits ayant justifié l'interpellation du 3 septembre 2023 à une peine de huit mois d'emprisonnement et qu'il a fait l'objet de nombreux signalements. Dans ces circonstances, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Gironde aurait entaché sa décision d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation en prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français et en fixant la durée de cette interdiction à trois ans.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 4 septembre 2023 en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français et lui interdit de retourner sur le territoire pendant trois ans. Par voie de conséquence ses conclusions à fin d'injonction et de versement d'une somme en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera adressée pour information au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 1er octobre 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente de chambre,

M. Nicolas Normand, président-assesseur,

Mme Clémentine Voillemot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 octobre 2024.

La rapporteure,

Clémentine Voillemot

La présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°24BX00396


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 24BX00396
Date de la décision : 22/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Clémentine VOILLEMOT
Rapporteur public ?: M. ELLIE
Avocat(s) : CHAMBERLAND POULIN

Origine de la décision
Date de l'import : 03/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-22;24bx00396 ?
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