Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n° 22BX00720, les 25 février 2022 et 7 juillet 2023, l'association de défense de l'environnement du Boischaut Sud, M. B... M..., M. I... E..., M. G... K..., M. A... F... et Mme D... C..., représentés par Me Martin, demandent à la cour dans le dernier état de leurs conclusions :
1°) d'annuler l'arrêté complémentaire du 26 octobre 2021 du préfet de l'Indre ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros chacun en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'association justifie d'un intérêt à agir à l'encontre du permis de construire tant au regard de son champ d'action géographique que de son objet social ;
- les personnes physiques qui habitent toutes à proximité du futur projet ont également intérêt à agir car le projet est visible depuis leur habitation et génèrera des nuisances sonores ;
- cet arrêté est insuffisamment motivé ;
- l'étude d'impact est insuffisante ; d'une part, la modification du rotor est substantielle puisque le diamètre du rotor envisagé passe de 117 mètres à 136 mètres soit désormais un rayon de 68 mètres pour une aire de 14 526 m2 caractérisant une augmentation de 35,1 % de la surface potentielle de collision ; d'autre part, l'espace entre le sol et le bout de pale qui était de 61,5 mètres passe à 52 mètres soit une réduction de 17,31 % ; enfin, les caractéristiques du socle devront être adaptées eu égard aux modifications envisagées et notamment l'emprise au sol ; il appartenait donc au préfet de solliciter un complément pour l'étude d'impact et de consulter les services précédemment intervenus notamment l'autorité environnementale et les services en charge du patrimoine ;
- le pétitionnaire était tenu de présenter, pour la réalisation de son projet de parc éolien, un dossier de demande de dérogation aux interdictions de destruction d'espèces protégées prévues à l'article L. 411-1 du code de l'environnement car le projet a pour conséquence la destruction, l'altération ou la dégradation d'une espèce protégée et notamment le milan noir en période de reproduction ; subsidiairement, si la cour estimait que les impacts sont résiduels, alors l'arrêté doit être également annulé puisque la mise en œuvre des mesures d'évitement, réduction et compensation est encore susceptible de détruire, altérer ou dégrader une espèce protégée de son habitat ; un autre exemple concerne les chiroptères ;
- l'arrêté méconnaît les dispositions de l'article L. 181-14 du code de l'environnement car les modifications envisagées sont substantielles ; l'étude acoustique qui prévoyait un plan de bridage reposait sur un rotor d'un diamètre inférieur ce qui augmentera les nuisances sonores ; la modification substantielle du rotor et de la garde au sol changent la surface balayée, le volume brassé et la vitesse en bout de pale ; cette modification entraîne une aggravation des impacts sur la biodiversité ; s'agissant des chiroptères, en l'état des connaissances scientifiques, l'étude écologique ne peut conclure à la suffisance du plan de bridage ; l'autorité compétente a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en considérant que le système de détection DT-Bird permet de réduire significativement le risque de collisions ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur de fait et d'une erreur (manifeste) d'appréciation ; en effet, parce que l'augmentation du rotor est de 16 %, le poste de livraison et 2 éoliennes seront déplacés de plus de 10 mètres par rapport à l'emplacement initial ; il existe une atteinte au paysage ;
- l'arrêté méconnaît les articles L. 181-3 et L. 511-1 du code de l'environnement ; le projet a été délivré sans la dérogation prévue à l'article L. 411-2 du code de l'environnement et porte atteinte à la préservation et la protection de l'avifaune, des chiroptères et du patrimoine.
Par un mémoire en défense enregistré le 31 mai 2023, la société Eoliennes du Jasmin, représentée par Me Cambus, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise solidairement à la charge des requérants une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient, à titre principal, que la requête est irrecevable, subsidiairement, que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 12 juin 2023, le ministre de la transition écologique et de la transition des territoires conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 31 août 2023, le préfet de l'Indre conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 7 juillet 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 15 septembre 2023 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. H...,
- les conclusions de M. Ellie, rapporteur public,
- les observations de Me Cambus, représentant la société Eoliennes du Jasmin.
Considérant ce qui suit :
1. Le 18 décembre 2014, la société Eoliennes du Jasmin, filiale de la société H2air, a déposé en préfecture de l'Indre plusieurs demandes de permis de construire pour la réalisation d'un parc éolien sur le territoire des communes de Buxières-d'Aillac et de Bouesse. Par un courrier du 28 juillet 2017, la société Eoliennes du Jasmin a informé le préfet de sa renonciation à la construction des deux éoliennes E5 et E6 prévues sur le territoire de la commune de Bouesse. Le 16 septembre 2019, le préfet de l'Indre a délivré quatre permis de construire pour l'édification des éoliennes E1, E2, E3 et E4 sur le territoire de la commune de Bruxières-d'Aillac. Par un arrêté du 22 juillet 2019, pris au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement, le préfet de l'Indre a accordé l'autorisation d'exploiter sollicitée pour l'exploitation de ce parc. Par un arrêt du 18 mai 2021 la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté les requêtes de l'association de défense de l'environnement du Boischaut Sud, de la Société pour la Protection des Paysages et de l'Esthétique de la France (SPEF), de M. B... M..., de M. I... E..., de M. G... K..., de M. A... F..., de Mme J... L... et de Mme D... C... demandant l'annulation des quatre permis de construire délivrés le 16 septembre 2019 par le préfet de l'Indre pour l'implantation des éoliennes E1, E2, E3 et E4 ainsi que de l'autorisation d'exploiter le parc éolien du 22 juillet 2019. En application de l'article R. 181-46 du code de l'environnement, la société Eoliennes du Jasmin a déposé le 20 mai 2021 un porter à connaissance en vue de modifier les caractéristiques des machines, et par conséquent, de modifier légèrement leurs emplacements et leur emprise au sol. Par un arrêté complémentaire du 26 octobre 2021, le préfet de l'Indre a autorisé la société Eoliennes du Jasmin à changer les caractéristiques dimensionnelles des quatre éoliennes et à les déplacer au sein du parc éolien. L'association de défense de l'environnement du Boischaut Sud, M. B... M..., M. I... E..., M. G... K..., M. A... F... et Mme D... C..., en demandent l'annulation.
2. En premier lieu, aux termes de l'article. L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) 3° Subordonnent l'octroi d'une autorisation à des conditions restrictives ou imposent des sujétions ; ".
3. D'une part, si les requérants entendent se prévaloir de l'instruction du Gouvernement du 11 juillet 2018 relative à l'appréciation des projets de renouvellement des parcs éoliens terrestres selon laquelle " la présente instruction ne doit être ni visée ni invoquée par la décision préfectorale (...) il vous appartient toujours de motiver cette décision, soit par application des critères, soit par une présentation succincte de l'analyse vous ayant conduit à considérer que la modification est de nature à entraîner ou non des dangers ou inconvénients significatifs ", il ne résulte pas de cette instruction qu'elle impose à l'autorité administrative une motivation particulière autre que celle mentionnée à l'article. L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration.
4. D'autre part, et en tout état de cause, l'arrêté attaqué qui vise les textes dont il fait application ainsi que l'arrêté du 22 juillet 2019 par lequel le préfet de l'Indre a délivré à la société Eoliennes du Jasmin une autorisation d'exploiter une installation électrique de production d'électricité utilisant l'énergie du vent sur le territoire de la commune de Bruxières-d'Aillac et la demande de cette société de modifier ses conditions d'exploitation relative au changement des caractéristiques des éoliennes, au déplacement des quatre éoliennes et à l'augmentation de l'emprise au sol, indique que les modifications demandées ne modifient pas le classement des installations du parc éolien au titre de la rubrique 2980 de la nomenclature des installations classées, que les modifications demandées ne sont pas de nature à entraîner des dangers ou inconvénients significatifs supplémentaires pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 du code de l'environnement et que le changement des caractéristiques des éoliennes, le déplacement des quatre éoliennes et l'augmentation de l'emprise au sol ne constituent pas des modifications substantielles des conditions d'exploitation au sens de l'article R. 181-46 du code de l'environnement. Il est, ainsi, suffisamment motivé en droit et en fait.
5. En deuxième lieu, aux termes, d'une part, de l'article L. 181-14 du code de l'environnement : " Toute modification substantielle des activités, installations, ouvrages ou travaux qui relèvent de l'autorisation environnementale est soumise à la délivrance d'une nouvelle autorisation, qu'elle intervienne avant la réalisation du projet ou lors de sa mise en œuvre ou de son exploitation. / En dehors des modifications substantielles, toute modification notable intervenant dans les mêmes circonstances est portée à la connaissance de l'autorité administrative compétente pour délivrer l'autorisation environnementale dans les conditions définies par le décret prévu à l'article L. 181-32. / L'autorité administrative compétente peut imposer toute prescription complémentaire nécessaire au respect des dispositions des articles L. 181-3 et L. 181-4 à l'occasion de ces modifications, mais aussi à tout moment s'il apparaît que le respect de ces dispositions n'est pas assuré par l'exécution des prescriptions préalablement édictées. ". Aux termes de l'article R. 181-46 du même code : " I. - Est regardée comme substantielle, au sens de l'article L. 181-14, la modification apportée à des activités, installations, ouvrages et travaux soumis à autorisation environnementale qui : / 1° En constitue une extension devant faire l'objet d'une nouvelle évaluation environnementale en application du II de l'article R. 122-2 ; / 2° Ou atteint des seuils quantitatifs et des critères fixés par arrêté du ministre chargé de l'environnement ; / 3° Ou est de nature à entraîner des dangers et inconvénients significatifs pour les intérêts mentionnés à l'article L. 181-3. / La délivrance d'une nouvelle autorisation environnementale est soumise aux mêmes formalités que l'autorisation initiale. / II. - Toute autre modification notable apportée aux activités, installations, ouvrages et travaux autorisés, à leurs modalités d'exploitation ou de mise en œuvre ainsi qu'aux autres équipements, installations et activités mentionnés au dernier alinéa de l'article L. 181-1 inclus dans l'autorisation doit être portée à la connaissance du préfet, avant sa réalisation, par le bénéficiaire de l'autorisation avec tous les éléments d'appréciation. / S'il y a lieu, le préfet, après avoir procédé à celles des consultations prévues par les articles R. 181-18 et R. 181-21 à R. 181-32 que la nature et l'ampleur de la modification rendent nécessaires, fixe des prescriptions complémentaires ou adapte l'autorisation environnementale dans les formes prévues à l'article R. 181-45. ".
6. Aux termes, d'autre part, de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 (...) ". Aux termes de l'article L. 511-1 du même code : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. ".
7. Il ressort des pièces du dossier que les modifications du projet de parc éolien projetées par la société Eoliennes du Jasmin s'expliquent par les contraintes du marché tenant notamment à la disponibilité des aérogénérateurs à implanter. Elles tendent à une modification de gabarit des quatre éoliennes, avec un diamètre de rotor passant de 117 mètres à un maximum de 136 mètres, un changement de puissance des quatre éoliennes, passant de 2,4 MW à une puissance maximum de 3.0 MW, soit un parc de 12 MW et un léger déplacement des machines afin de caler correctement les plateformes, qui ont des dimensions différentes de celles initialement autorisées. La hauteur totale des éoliennes reste, pour sa part, pratiquement inchangée, passant de 178,5 mètres à 180 mètres, et les modifications ne rapprochent pas les éoliennes des premières habitations, à l'exception de l'éolienne E2 passant de 813 à 810 mètres. Les requérants font valoir que le diamètre du rotor a désormais un rayon de 68 mètres pour une aire de 14 526 m2 caractérisant une augmentation de 35,1 %, que l'espace entre le sol et le bout de pale, qui était de 61,5 mètres, passe à 52 mètres soit une réduction de 17,31 %, que le poste de livraison et deux éoliennes seront déplacés de plus de 10 mètres par rapport à l'emplacement initial, que le diamètre du nouveau rotor augmentera les nuisances sonores et que la modification du rotor et de la garde au sol change la surface balayée, le volume brassé et la vitesse en bout de pale. Ils en déduisent des risques de dépassement des seuils réglementaires acoustiques au droit des hameaux voisins, une aggravation des impacts sur la biodiversité et un impact visuel sur le paysage caractérisant des modifications substantielles par rapport au projet initial.
8. Toutefois, et d'une part, il ressort de l'étude acoustique complémentaire du 20 mai 2021 produite à l'appui du porter à connaissance que s'il existe des risques de dépassement des valeurs d'émergence en fin de journée (21h/22h) avec le modèle V136 sur deux secteurs de vents (Sud-Ouest et Nord-est) au point 4 Talbot et en période nocturne avec les modèles V 136 et N131/149 sur les deux secteurs de vents, aux points 1 Brenne et 4 Talbot, le pétitionnaire a prévu la mise en place de mesures de bridage au moyen d'un logiciel de contrôle à distance, adaptées au modèle de machine qui sera finalement retenu, ainsi que la réalisation d'une campagne de mesures acoustiques après la mise en service du parc éolien visant à en vérifier l'efficacité. Les niveaux de bruit calculés sur le périmètre de mesure ne révèlent d'ailleurs aucun dépassement des seuils réglementaires définis par l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à déclaration au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement (70 dBa en période nocturne et 60 dBA en période diurne) quelles que soient les variantes envisagées.
9. D'autre part, si les modifications demandées conduisent effectivement à une augmentation de la surface d'emprise au sol du projet passant de 15 852 m2 à 19 790 m2 et à une augmentation de la surface potentielle de collision compte tenu du nouveau diamètre du rotor et que l'étude écologique complétée, mentionne pour les éoliennes E1, E2 et E4 que le risque de collision passe de " modéré à fort " à " fort ", cette même étude écologique complétée mentionne aussi que " l'utilisation de caméra couplée à un système d'effarouchement permet (...] d'obtenir un risque non significatif pour les rapaces, car la distance d'effarouchement de 150 mètres retenue dans l'étude avifaunistique est suffisante pour des rotors de 136 mètres de diamètre ". Le tableau de synthèse de cette même étude mentionne également, s'agissant des pipistrelles, que l'impact après mesures d'évitement et de réduction est faible, eu égard au bridage imposé par l'arrêté d'autorisation, du 1er avril au 31 octobre, du coucher au lever du soleil, par température supérieure à 10° C et vitesse de vent inférieure à 6,5 m/s. Les requérants ne produisent quant à eux pas d'éléments permettant de considérer que la garde au sol des éoliennes qui est désormais de 52 mètres serait, malgré les mesures de réduction imposées, de nature à créer un risque significatif pour la préservation des chiroptères et rapaces et que le système de détection DT-Bird ne permettrait pas de réduire significativement le risque de collisions.
10. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment des photomontages produits que la seule modification des caractéristiques de ces éoliennes, et notamment la faible augmentation de leur hauteur, porterait atteinte au paysage environnant.
11. Il résulte de ce que précède que les modifications apportées au projet ne sont pas de nature à entraîner des dangers et inconvénients significatifs pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 du code de l'environnement auxquels renvoie l'article L. 181-3 du même code. Par suite, les moyens tirés de ce que ces modifications présenteraient un caractère substantiel au sens de l'article R. 181-46 du code de l'environnement, de ce que ces modifications sont contraires aux articles L. 181-3 et L. 511-1 du code de l'environnement et de ce que l'arrêté est entaché d'une erreur d'appréciation doivent être écartés.
12. Il résulte également de ce qui précède qu'il n'appartenait pas au préfet de solliciter un complément pour l'étude d'impact et de reconsulter, outre les services de l'aviation civile et de la défense qui ont d'ailleurs de nouveau délivré un avis favorable, les autres services précédemment intervenus, notamment l'autorité environnementale et les services en charge du patrimoine.
13. En troisième lieu, le I de l'article L. 411-1 du code de l'environnement comporte un ensemble d'interdictions visant à assurer la conservation d'espèces animales ou végétales protégées et de leurs habitats. Sont ainsi interdits : " 1° la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle (...) d'animaux de ces espèces (...) ; / (...) / 3° La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces (...) ". Toutefois, le 4° de l'article L. 411-2 du même code permet à l'autorité administrative de délivrer des dérogations à ces interdictions dès lors que sont remplies trois conditions distinctes et cumulatives tenant à l'absence de solution alternative satisfaisante, à la condition de ne pas nuire " au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle " et, enfin, à la justification de la dérogation par l'un des cinq motifs qu'il énumère limitativement et parmi lesquels figure le fait que le projet réponde, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, à une raison impérative d'intérêt public majeur. Aux termes de l'article R. 411-6 du même code : " Les dérogations (...) sont accordées par le préfet (...). / Toutefois, lorsque la dérogation est sollicitée pour un projet entrant dans le champ d'application de l'article L. 181-1, l'autorisation environnementale prévue par cet article tient lieu de la dérogation définie par le 4° de l'article L. 411-2. La demande est alors instruite et délivrée dans les conditions prévues par le chapitre unique du titre VIII du livre Ier pour l'autorisation environnementale (...) ".
14. Le système de protection des espèces résultant des dispositions citées ci-dessus impose d'examiner si l'obtention d'une dérogation est nécessaire dès lors que des spécimens de l'espèce concernée sont présents dans la zone du projet, sans que l'applicabilité du régime de protection dépende, à ce stade, ni du nombre de ces spécimens, ni de l'état de conservation des espèces protégées présentes. Le pétitionnaire doit obtenir une dérogation " espèces protégées " si le risque que le projet comporte pour les espèces protégées est suffisamment caractérisé. A ce titre, les mesures d'évitement et de réduction des atteintes portées aux espèces protégées proposées par le pétitionnaire doivent être prises en compte. Dans l'hypothèse où les mesures d'évitement et de réduction proposées présentent, sous le contrôle de l'administration, des garanties d'effectivité telles qu'elles permettent de diminuer le risque pour les espèces au point qu'il apparaisse comme n'étant pas suffisamment caractérisé, il n'est pas nécessaire de solliciter une dérogation " espèces protégées ".
15. D'autre part, en vertu du I de l'article L. 181-2 du code de l'environnement : " L'autorisation environnementale tient lieu, y compris pour l'application des autres législations, des autorisations, enregistrements, déclarations, absences d'opposition, approbations et agréments suivants, lorsque le projet d'activités, installations, ouvrages et travaux relevant de l'article L. 181-1 y est soumis ou les nécessite : / (...) 5° Dérogation aux interdictions édictées pour la conservation (...) d'espèces animales non domestiques (...) et de leurs habitats en application du 4° du I de l'article L. 411-2 (...) ". Aux termes du II de l'article L. 181-3 du même code : " L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent également : / (...) 4° Le respect des conditions, fixées au 4° du I de l'article L. 411-2, de délivrance de la dérogation aux interdictions édictées pour la conservation (...) des espèces animales non domestiques (...) et de leurs habitats, lorsque l'autorisation environnementale tient lieu de cette dérogation (...) ".
16. En outre, aux termes de l'article L. 171-7 du code de l'environnement : " I. - Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, lorsque des installations ou ouvrages sont exploités, des objets et dispositifs sont utilisés ou des travaux, opérations, activités ou aménagements sont réalisés sans avoir fait l'objet de l'autorisation, de l'enregistrement, de l'agrément, de l'homologation, de la certification ou de la déclaration requis en application du présent code, ou sans avoir tenu compte d'une opposition à déclaration, l'autorité administrative compétente met l'intéressé en demeure de régulariser sa situation dans un délai qu'elle détermine, et qui ne peut excéder une durée d'un an. Elle peut, par le même acte ou par un acte distinct, suspendre le fonctionnement des installations ou ouvrages, l'utilisation des objets et dispositifs ou la poursuite des travaux, opérations, activités ou aménagements jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la déclaration ou sur la demande d'autorisation, d'enregistrement, d'agrément, d'homologation ou de certification, à moins que des motifs d'intérêt général et en particulier la préservation des intérêts protégés par le présent code ne s'y opposent. L'autorité administrative peut, en toute hypothèse, édicter des mesures conservatoires aux frais de la personne mise en demeure (...) ".
17. Enfin, selon l'article R. 411-10-1 du code de l'environnement : " Toute modification substantielle d'une activité, d'une installation, d'un ouvrage ou de travaux ayant bénéficié d'une des dérogations mentionnées aux articles R. 411-6 à R. 411-8, qu'elle intervienne avant la réalisation du projet ou lors de sa mise en œuvre ou de son exploitation, est subordonnée à la délivrance d'une nouvelle dérogation (...) ". Selon l'article R. 411-10-2 du même code : " Toute modification de même nature que celles mentionnées à l'article R. 411-10-1 ne présentant pas un caractère substantiel est portée par le bénéficiaire de la dérogation à la connaissance de l'autorité administrative compétente, avant sa réalisation, avec tous les éléments d'appréciation. Celle-ci peut imposer toute prescription complémentaire nécessaire au respect des dispositions de l'article L. 411-2 à l'occasion de ces modifications, mais aussi à tout moment s'il apparaît que le respect de ces dispositions n'est pas assuré par l'exécution des prescriptions préalablement édictées (...) ".
18. Les dispositions des articles L. 181-2, L. 181-3, L. 181-22, L. 411-2 et R. 411-6 du code de l'environnement imposent, à tout moment, la délivrance d'une dérogation à la destruction ou à la perturbation d'espèces protégées dès lors que l'activité, l'installation, l'ouvrage ou les travaux faisant l'objet d'une autorisation environnementale ou d'une autorisation en tenant lieu comportent un risque suffisamment caractérisé pour ces espèces, peu important la circonstance que l'autorisation présente un caractère définitif ou que le risque en cause ne résulte pas d'une modification de cette autorisation. Lorsque la modification de l'autorisation conduit l'autorité administrative à imposer des prescriptions complémentaires dont l'objet est d'assurer ou de renforcer la conservation d'espèces protégées, les dispositions des articles L. 181-14, R. 181-45, R. 411-10-1 et R. 411-10-2 n'ont ni pour objet ni pour effet de faire dépendre la nécessité de l'obtention d'une dérogation " espèces protégées " de la circonstance que cette modification présenterait un caractère substantiel. Il appartient à l'autorité administrative de s'assurer que les prescriptions complémentaires qu'elle impose présentent un caractère suffisant et, dans ce cadre, de rechercher si elles justifient, lorsqu'il demeure un risque caractérisé pour les espèces, d'imposer au bénéficiaire de solliciter une telle dérogation sur le fondement de l'article L. 171-1 du code de l'environnement.
19. En l'espèce, la modification de l'autorisation n'a pas conduit l'autorité administrative à imposer des prescriptions complémentaires dont l'objet est d'assurer ou de renforcer la conservation d'espèces protégées et, eu égard à ce qui a été dit précédemment, s'agissant notamment des mesures de réduction prises par le pétitionnaire, il ne résulte pas de l'instruction qu'un risque suffisamment caractérisé de destruction ou de perturbation d'espèces protégées entrainerait la nécessité d'édicter de telles prescriptions. Il suit de là que le moyen tiré de ce que l'arrêté méconnaît les articles L. 181-3 et L. 511-1 du code de l'environnement car l'autorisation du projet a été délivré sans la dérogation prévue à l'article L. 411-2 du code de l'environnement doit être écarté.
20. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir, que la requérante n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté complémentaire du 26 octobre 2021 du préfet de l'Indre.
21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme demandée par l'association de défense de l'environnement du Boischaut Sud, M. B... M..., M. I... E..., M. G... K..., M. A... F... et Mme D... C... au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre solidairement à la charge de l'association de défense de l'environnement du Boischaut Sud, M. M..., M. E..., M. K..., M. F... et Mme C... une somme de 1 500 euros à verser à la société Eoliennes du Jasmin au titre des frais d'instance exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de l'association de défense de l'environnement du Boischaut Sud, M. B... M..., M. I... E..., M. G... K..., M. A... F... et Mme D... C... est rejetée.
Article 2 : : L'association de défense de l'environnement du Boischaut Sud, M. M..., M. E..., M. K..., M. F... et Mme C... verseront solidairement à la société Eoliennes du Jasmin la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association de défense de l'environnement du Boischaut Sud, M. B... M..., M. I... E..., M. G... K..., M. A... F... et Mme D... C..., à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques et à la société Eoliennes du Jasmin.
Copie pour information en sera délivrée au préfet de l'Indre.
Délibéré après l'audience du 15 octobre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente,
M. Nicolas Normand, président-assesseur,
Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 novembre 2024.
Le rapporteur,
Nicolas H...
La présidente,
Elisabeth Jayat
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 22BX00720