Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Sauvageau a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler les décisions des 11 mars 2019 et 23 janvier 2020 par lesquelles le maire de la commune de Bordeaux a rejeté ses demandes d'autorisation d'occupation du domaine public au droit de son établissement de restauration " Pizz'A Papa ".
Par un jugement n° 2000667 du 22 mars 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision du 11 mars 2019 du maire de Bordeaux et a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour administrative d'appel :
Par une requête enregistrée le 18 mai 2022, la société Sauvageau, représentée par la SCP Silvestri Baujet, liquidateur judiciaire, et par Me Baltazar, demande à la cour :
1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 22 mars 2022 ;
2°) d'annuler la décision du 23 janvier 2020 du maire de la commune de Bordeaux ;
3°) d'enjoindre au maire de la commune de Bordeaux de réexaminer sa demande d'autorisation d'occupation du domaine public ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision du 23 janvier 2020 n'est pas motivée en droit et les décisions des 4 et 11 mars 2019 auxquelles elle renvoie ne le sont pas davantage, la mention de l'article 35 du règlement de police du 12 février 2013 ne constituant pas la motivation en droit requise ;
- cette décision a été prise en méconnaissance du principe d'égalité dès lors qu'il existe une différence de traitement avec d'autres établissements installés dans le même périmètre, et en particulier dans les rues, de même configuration, de la porte de la Monnaie et Borie ; la différence de traitement est disproportionnée ;
- les motifs sur lesquels repose la décision litigieuse, à savoir l'article 35 du règlement de police administrative n° 2013/022/61 du 12 février 2013 et la configuration des lieux, ne sont pas de nature à la justifier ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 mars 2023, la commune de Bordeaux, représentée par Me Heymans, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société Sauvageau sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé et, à titre subsidiaire, formule une demande de substitution de motifs, l'article 33 du règlement de police administrative n° 2013/022/61 du 12 février 2013 pouvant être substitué à l'article 35 du même règlement.
Par une ordonnance du 5 juillet 2024, la clôture d'instruction a été en dernier lieu fixée au 6 septembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- l'arrêté du 12 février 2013 portant règlement municipal de police administrative relatif à la gestion de l'occupation du domaine public sur le territoire de la commune de Bordeaux ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Karine Butéri,
- les conclusions de M. Anthony Duplan, rapporteur public,
- et les observations de Me Lagarde, représentant la société Sauvageau et de Me Platel représentant la commune de Bordeaux.
Considérant ce qui suit :
1. La société Sauvageau, qui exploite l'établissement de restauration " Pizz'A Papa " situé à l'angle des rues Berrouet et Sauvageau, à Bordeaux, a sollicité par l'intermédiaire de sa gérante, Mme A... C..., par courriers des 4 février 2019, 26 février 2019 et 9 janvier 2020, l'autorisation de conserver une terrasse implantée sans autorisation sur la chaussée de la rue Berrouet. Par des décisions des 4 et 11 mars 2019, confirmées le 23 janvier 2020, le maire de la commune de Bordeaux a rejeté ces demandes. Par un jugement du 22 mars 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision du 11 mars 2019 du maire de Bordeaux et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de la société Sauvageau qui tendait également à l'annulation de la décision du 23 janvier 2020. Cette société, représentée par la SCP Silvestri Baujet désignée en qualité de liquidateur judiciaire à la suite du jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 31 mai 2023, demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif en tant qu'il rejette le surplus de sa demande.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) 7° Refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l'un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions du a au f du 2° de l'article L. 311-5 (...). ". Pour l'application de ces dispositions, l'administration doit indiquer soit dans sa décision elle-même, soit par référence à un document joint ou précédemment adressé, les considérations de fait sur lesquelles elle se fonde.
3. Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, la décision du 23 janvier 2020, qui réitère la position antérieure du maire de Bordeaux de ne pas accorder d'autorisation de terrasse rue Berrouet, se réfère, à titre de motivation, aux éléments de réponse déjà adressés par écrit les 4 et 11 mars 2019 et par oral le 6 mai 2019, à Mme A... B..., en sa qualité de gérante de la société Sauvageau, et rappelle que l'établissement de restauration n'a jamais eu d'autorisation pour installer une terrasse et que la présence de mobilier sur la chaussée est illicite. La société Sauvageau, dont il ne ressort pas des pièces produites qu'elle aurait changé de gérante, a été rendue destinataire des courriers de mars 2019, et notamment de celui du 11 mars qu'elle a elle-même joint à sa demande introductive d'instance devant le tribunal et qui comporte formellement l'indication des motifs de fait et de droit pour lesquels le maire a refusé d'autoriser l'implantation d'une terrasse au droit de l'établissement situé rue Berrouet. Si la société appelante soutient nouvellement que cette motivation par référence est erronée dès lors que la commune de Bordeaux ne pouvait légalement fonder la décision du 11 mars 2019 sur l'article 35 de l'arrêté du 12 février 2013 portant règlement municipal de police administrative, une telle circonstance n'est en tout état de cause pas de nature à entacher d'insuffisance la motivation de la décision du 23 janvier 2020 par référence à la décision du 11 mars 2019 laquelle est suffisamment motivée. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision attaquée du 23 janvier 2020 doit être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous ". Selon l'article 3 de l'arrêté du 12 février 2013 portant règlement municipal de police administrative relatif à la gestion de l'occupation du domaine public sur le territoire de la commune de Bordeaux : " l'autorité municipale a la faculté de refuser les autorisations (...) dans le cas où l'occupation d'une partie de la voie publique serait une gêne sérieuse pour la circulation ". Aux termes de l'article 35 du même arrêté : " Aucune autorisation de platelage ne sera délivrée. Dans le cas des platelages existants et dans le cas de travaux d'aménagement et de requalification de la voie ou de la place, ou au changement de propriétaire ou de gérant de l'établissement, l'autorisation ne sera pas renouvelée. ".
5. Il appartient à l'autorité administrative affectataire de dépendances du domaine public de gérer celles-ci tant dans l'intérêt du domaine et de son affectation que dans l'intérêt général. L'autorité chargée de la gestion du domaine public peut autoriser une personne privée à occuper une dépendance de ce domaine en vue d'y exercer une activité économique, à la condition que cette occupation soit compatible avec l'affectation et la conservation du domaine et avec l'intérêt général. Les autorisations privatives d'occupation de ce domaine, telles que les autorisations d'implantation de terrasses ou leur renouvellement, ne constituent pas un droit pour les demandeurs ou leur titulaire.
6. Il ressort des pièces du dossier que la société Sauvageau, qui exploite un établissement de restauration situé à l'angle des rues Berrouet et Sauvageau, à Bordeaux, a demandé l'autorisation de conserver une terrasse existante dont le platelage a été mis en place sans autorisation. Pour refuser l'autorisation sollicitée par la société Sauvageau, le maire de Bordeaux s'est fondé sur les motifs tirés, d'une part, de ce que l'article 35 de l'arrêté du 12 février 2013 portant règlement municipal de police administrative relatif à la gestion de l'occupation du domaine public sur le territoire de la commune de Bordeaux prohibe la délivrance et le renouvellement des autorisations de platelage, et d'autre part, de l'étroitesse des trottoirs de la rue Berrouet pour laquelle aucun projet d'aménagement de voirie n'est prévu. La société appelante conteste le premier de ces deux motifs en se bornant à faire valoir qu'il est étranger à l'intérêt du domaine public comme à l'intérêt général. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'interdiction de platelages est destinée à éviter une gêne sérieuse pour la circulation des piétons et des véhicules. Ainsi, la volonté de l'autorité municipale de ne pas voir se développer l'installation de terrasses sur platelage constitue un motif d'intérêt général qui pouvait légalement être pris en compte dans le cadre de la mission de gestion du domaine public qu'il lui revient d'exercer. Par suite, le maire de Bordeaux a pu légalement se fonder sur ce motif pour refuser d'accorder l'autorisation sollicitée. Il résulte de l'instruction qu'il aurait pris la même décision en se fondant uniquement sur ce motif.
7. La circonstance que d'autres établissements de restauration situés à proximité de celui exploité par la société Sauvageau disposeraient d'une terrasse est sans influence sur la légalité de la décision attaquée qui a été édictée pour un motif d'intérêt général en vue d'assurer la conformité de la terrasse de l'établissement aux dispositions du règlement municipal de police administrative citées au point 4.
8. Il résulte de ce qui précède que la société Sauvageau n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté le surplus de sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative, au demeurant mal dirigées, ne peuvent, par suite, être accueillies. Enfin, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Sauvageau le versement d'une somme au titre des frais exposés par la commune de Bordeaux et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Sauvageau est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Bordeaux présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Sauvageau, à la SCP Silvestri Baujet en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Sauvageau et à la commune de Bordeaux.
Délibéré après l'audience du 17 octobre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Karine Butéri, présidente,
M. Stéphane Gueguein, président-assesseur,
Mme Caroline Gaillard, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 novembre 2024.
Le président-assesseur,
Stéphane Gueguein
La présidente-rapporteure,
Karine Butéri
La greffière,
Laurence Mindine
La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22BX01390