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05/12/2024 | FRANCE | N°23BX03042

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 2ème chambre, 05 décembre 2024, 23BX03042


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. D... B... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 1er août 2022 par lequel le préfet de la Guadeloupe a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.



Par un jugement n° 2201076 du 26 octobre 2023, l

e tribunal a annulé l'arrêté du

1er août 2022 et a enjoint au préfet de la Guadeloupe de délivrer un...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 1er août 2022 par lequel le préfet de la Guadeloupe a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2201076 du 26 octobre 2023, le tribunal a annulé l'arrêté du

1er août 2022 et a enjoint au préfet de la Guadeloupe de délivrer un titre de séjour.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 décembre 2023, le préfet de la Guadeloupe demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du

26 octobre 2023 ;

2°) de rejeter la demande de M. B....

Il soutient que :

- la présence de la mère du demandeur en France, titulaire d'une carte de résident, et ses résultats scolaires ne suffisent pas à caractériser une intégration particulièrement notable en France dès lors qu'il n'a pas produit de visa de long séjour ainsi que l'exigent les dispositions de l'article L. 412-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il ne peut pour ce motif être regardé comme ayant transféré le centre de ses intérêts privés en familiaux en France ;

- eu égard à la courte durée de sa scolarité, il n'est pas établi qu'il ne pourrait pas la poursuivre en dehors du territoire français ;

- son séjour était récent à la date de la décision contestée ;

- il n'a pas fait l'effort de solliciter un titre de séjour dès sa majorité ;

- sa mère a détourné la procédure de regroupement familial et pourrait se voir, pour ce motif, retirer la carte de résident dont elle bénéficie, en application de l'article R. 432-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il a nécessairement conservé des liens dans son pays d'origine ; à supposer même qu'il entretienne des liens avec les membres de sa famille en France, cette circonstance ne caractérise pas un motif exceptionnel ou une considération humanitaire au sens de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 juillet 2024, M. D... B..., représenté par Me Rodes, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête du préfet de la Guadeloupe ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Guadeloupe de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement au profit de son conseil d'une somme de 1 200 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ainsi que les entiers dépens de l'instance.

Il soutient que :

- ainsi que l'a retenu le tribunal, la décision du 1er août 2022 est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- postérieurement à cette décision, il a validé un master 1 " responsable administratif et financier " avec une moyenne générale de 15,27 sur 20 et il suit actuellement le master 2 et dispose d'une promesse d'embauche ;

- sa scolarité est brillante et assidue depuis cinq ans à la date de la décision contestée ;

- il est dépourvu de toute attache en Haïti ; il réside chez sa mère depuis son arrivé en France, en compagnie de ses sœurs qui y séjournent régulièrement ; son père a quitté Haïti et l'a abandonné ;

- sa situation relève d'un motif exceptionnel au sens de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le visa de long séjour n'est pas exigé à l'appui d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour ;

- un renvoi en Haïti méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- c'est à tort que le préfet indique qu'il n'a pas déposé de demande de titre de séjour à compter de sa majorité ;

- sa mère ne pouvait légalement solliciter le bénéfice de la procédure de regroupement familial dès lors qu'il n'était plus mineur.

Par une décision du 23 juillet 2024, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 9 septembre 2024.

Par une décision du 16 janvier 2024 du bureau d'aide juridictionnelle, M. B... a été admis à l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de de M. A...,

- et les observations de Me Rodes, représentant M. D... B....

Considérant ce qui suit :

1. M. D... B..., ressortissant haïtien né le 11 août 1999 à Carrefour (Haïti), a déclaré être entré en France le 26 novembre 2018. Le 11 janvier 2022, il a sollicité la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 1er août 2022, le préfet de la Guadeloupe a refusé de faire droit à cette demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Le préfet de la Guadeloupe relève appel du jugement du 26 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé cet arrêté.

Sur le moyen d'annulation retenu par les premiers juges :

2. Pour annuler la décision contestée, les premiers juges ont relevé l'absence d'attaches familiales de M. B... dans son pays d'origine, Haïti, et que celui-ci résidait en Guadeloupe avec sa mère, titulaire d'une carte de résident en cours de validité. Ils se sont également fondés sur son intégration au sein de la société française, révélée notamment par l'excellence de ses résultats universitaires obtenus, d'abord, dans le cadre d'un cursus brevet de technicien supérieur mention " comptabilité et gestion ", dont il est sorti diplômé au cours du mois de juin 2021 avec une moyenne générale de 16,94 sur 20 puis, par la suite, au sein d'une formation de responsable administratif et financier, qu'il suivait à la date de la décision contestée et pour laquelle il avait obtenu, au titre du bilan intermédiaire réalisé en février 2022, une moyenne de 15,27 sur 20.

3. Il ressort des pièces du dossier, d'une part, que M. B... est hébergé depuis son arrivée en France le 26 novembre 2018 chez sa mère, laquelle est titulaire d'une carte de résident en cours de validité. Ses deux sœurs aînées Fritza et Dachtania y résidaient également sous couvert de titres de séjour. Il est par ailleurs constant que le père de l'intéressé ne vit plus en Haïti. Dans ces circonstances, et compte tenu du jeune âge de M. B... lors de son arrivée en France, il ne saurait être regardé, contrairement à ce que soutient le préfet de la Guadeloupe, comme ayant conservé des attaches dans son pays d'origine.

4. Si, d'autre part, le préfet fait grief à M. B... de s'être abstenu de produire un visa de long-séjour, les dispositions du 6° de l'article L. 412-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers l'exemptaient néanmoins d'une telle production, dès lors que sa demande était fondée sur l'article L. 435-1 de ce code.

5. Enfin, au vu des éléments relatifs à la situation familiale et scolaire de M. B..., la circonstance qu'il soit entré en France en dehors du cadre du regroupement familial et qu'il ait sollicité son admission au séjour plus de deux ans après sa majorité ne faisait pas obstacle, à elle-seule, à ce que le préfet fasse usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation.

6. Il en résulte que c'est à bon droit que le tribunal a estimé qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet de la Guadeloupe a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de M. B....

7. Par suite, le préfet de la Guadeloupe n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé l'arrêté du

1er août 2022.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Le présent arrêt n'appelle pas d'autres mesures d'exécution que celles qui ont été prononcées en première instance. Les conclusions à fin d'injonction présentées par l'intimé, par la voie de l'appel incident, ne peuvent donc qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

9. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 1 200 euros à Me Rodes. En revanche, la présente instance n'ayant donné lieu à aucuns dépens, les conclusions présentées à ce titre par M. B... doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de la Guadeloupe est rejetée.

Article 2 : L'État versera à Me Rodes la somme de 1 200 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi

du 10 juillet 1991.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C.... Copie en sera adressée au préfet de la Guadeloupe.

Délibéré après l'audience du 12 novembre 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente assesseure,

M. Antoine Rives, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 décembre 2024.

Le rapporteur,

Antoine A... La présidente,

Catherine Girault

Le greffier,

Fabrice Benoit

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision

2

N° 23BX03042


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX03042
Date de la décision : 05/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Antoine RIVES
Rapporteur public ?: Mme ISOARD
Avocat(s) : RODES

Origine de la décision
Date de l'import : 15/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-05;23bx03042 ?
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