Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de La Réunion de condamner le centre hospitalier Gabriel Martin, devenu le centre hospitalier Ouest Réunion, à l'indemniser de ses préjudices, et avant dire droit de désigner un expert afin d'évaluer ses préjudices et de condamner le centre hospitalier à lui verser une provision de 4 000 euros.
Dans la même instance, la caisse générale de sécurité sociale de La Réunion a demandé au tribunal de condamner le centre hospitalier à lui verser une somme de 6 340,77 euros.
Par un jugement n° 1800320 du 12 avril 2021, le tribunal a rejeté pour irrecevabilité la demande de Mme B... et a condamné le centre hospitalier Ouest Réunion à verser une somme de 6 340,77 euros à la caisse générale de sécurité sociale de La Réunion.
Le centre hospitalier Ouest Réunion a relevé appel de ce jugement, et Mme B... a demandé à la cour, après l'expiration du délai d'appel, de condamner le centre hospitalier à lui verser une provision de 4 000 euros à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices et d'ordonner une expertise afin de les évaluer.
Par un arrêt avant dire droit du 6 juillet 2023, la cour a annulé le jugement
du 12 avril 2021 en tant qu'il a rejeté les conclusions de Mme B... relatives à l'indemnisation de ses dépenses de santé et de son préjudice professionnel, a mis l'ONIAM hors de cause, et a ordonné une expertise médicale.
L'expert a déposé son rapport le 27 mars 2024.
Procédure après expertise :
Par un mémoire enregistré le 25 avril 2024, le centre hospitalier Ouest Réunion, représenté par la SELARL Le Prado, Gilbert, demande à la cour d'annuler le jugement en tant qu'il a fait droit aux demandes présentées par la caisse générale de sécurité sociale de La Réunion et de rejeter les demandes présentées par la caisse et par Mme B....
Il soutient que :
En ce qui concerne les préjudices de Mme B... :
- l'expert ne retient qu'une incidence professionnelle temporaire imputable à la lésion fautive du nerf spinal, et précise que la nécessité d'une nouvelle adaptation du poste de travail est sans lien avec le manquement retenu ;
- l'expert constate également que Mme B... n'a subi aucune perte de gains professionnels compte tenu des indemnités journalières qui lui ont été versées, et qu'aucune dépense de santé n'est restée à sa charge ;
En ce qui concerne les débours de la caisse :
- la caisse a demandé le remboursement de frais médicaux et de kinésithérapie à compter du 4 décembre 2009, et d'indemnités journalières à compter du 8 décembre 2009, alors qu'une partie de ces débours est nécessairement en lien avec les suites normales de l'intervention et l'état pathologique antérieur ; c'est ainsi à tort que le tribunal l'a condamné à rembourser la totalité des débours exposés pour Mme B... ;
- le tribunal l'ayant déjà condamné à verser l'indemnité forfaitaire de gestion, celle-ci ne saurait être due une seconde fois.
Par un mémoire enregistré le 21 mai 2024, Mme B..., représentée par la SELAS AVICI, demande à la cour de condamner le centre hospitalier Ouest Réunion à lui verser une indemnité de 20 000 euros au titre de son préjudice d'incidence professionnelle et de mettre à la charge de cet établissement une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que si elle a tenté de reprendre son activité professionnelle après l'intervention, elle a dû y renoncer en raison de la persistance des douleurs dans la région
latéro-cervicale et l'épaule, et elle a été placée en arrêt de travail du 5 décembre 2009 au 31 janvier 2010, du 17 au 30 juin 2010 et du 5 au 12 février 2012 ; l'expert a retenu la nécessité d'un aménagement de poste, une pénibilité physique accrue et une pénibilité psychologique en raison de la dégradation de ses relations avec ses collègues ; alors que son déficit fonctionnel permanent a été évalué à 18 % et qu'elle a obtenu la reconnaissance de travailleuse handicapée en 2017, le centre hospitalier n'est pas fondé à soutenir qu'elle n'aurait subi aucun préjudice d'incidence professionnelle ; elle sollicite l'indemnisation de ce préjudice à hauteur
de 20 000 euros.
Par un mémoire enregistré le 27 septembre 2024, la caisse générale de sécurité sociale de La Réunion, représentée par la SCP Laydeker, Sammarcelli, Mousseau, demande à la cour de confirmer le jugement, de porter à 1 191 euros la somme allouée au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, et de mettre à la charge du centre hospitalier de La Réunion une somme
de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- c'est à bon droit que le tribunal a retenu le caractère fautif de la lésion du nerf spinal ;
- l'attestation d'imputabilité justifie les frais dont le remboursement est demandé.
Par ordonnance du 30 septembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée
au 31 octobre 2024.
Un mémoire présenté pour le centre hospitalier Ouest Réunion a été enregistré
le 20 novembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de Mme Isoard, rapporteure publique,
- et les observations de Me Davous, représentant la caisse générale de sécurité sociale de La Réunion.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... a saisi le tribunal administratif de La Réunion d'une demande de condamnation du centre hospitalier Gabriel Martin, devenu le centre hospitalier Ouest Réunion, à l'indemniser de ses préjudices en lien avec une lésion du nerf spinal droit lors de l'exérèse d'une tumeur intramusculaire située à la base du crâne réalisée le 17 novembre 2009, et la caisse générale de sécurité sociale de La Réunion est intervenue pour solliciter le remboursement de ses débours à hauteur de 6 340,77 euros. Par un jugement n° 1800320 du 12 avril 2021, le tribunal a rejeté la demande de Mme B... pour irrecevabilité en l'absence de réclamation préalable, et a condamné le centre hospitalier à verser une somme de 6 340,77 euros à la caisse. Le centre hospitalier Ouest Réunion a relevé appel de ce jugement, et après l'expiration du délai d'appel, Mme B... a demandé la condamnation de cet établissement à l'indemniser de ses préjudices en produisant pour la première fois en appel la décision du 15 février 2018 ayant rejeté sa réclamation préalable. Par un arrêt avant dire droit du 6 juillet 2023, la cour a fait droit à la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier Ouest Réunion aux conclusions de Mme B... en ce qui concerne les préjudices autres que les dépenses de santé et le préjudice professionnel, a retenu la responsabilité pour faute du centre hospitalier, et a ordonné une expertise complémentaire afin d'évaluer les préjudices indemnisables de Mme B....
Sur les dépenses de santé :
2. Il résulte de l'instruction que Mme B... n'a conservé à sa charge aucune dépense de santé.
3. La caisse générale de sécurité sociale de La Réunion a produit devant la cour une attestation d'imputabilité et un relevé des débours rectifiés faisant apparaître 1 251,15 euros de frais médicaux entre le 26 décembre 2009 et le 11 juin 2012 et 1 787,36 euros de frais de kinésithérapie entre le 11 décembre 2009 et le 3 février 2012, ces derniers ayant été inclus dans la demande de frais médicaux présentée en première instance. Il y a donc lieu d'admettre une somme de 3 038,51 euros au titre des dépenses de santé, sans que le centre hospitalier puisse faire valoir, au regard de l'attestation d'imputabilité, qu'une partie des dépenses médicales alléguées pourrait être en lien avec l'état antérieur.
Sur le préjudice professionnel :
4. Il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de La Réunion, que Mme B..., qui avait repris le travail quelques jours après l'intervention du 17 novembre 2009, a été placée en arrêt de travail à plusieurs reprises à compter du 5 décembre 2009 en raison de la persistance des douleurs cervicales consécutives à la lésion du nerf spinal. Ainsi, contrairement à ce que soutient le centre hospitalier, les indemnités journalières figurant dans le relevé des débours de la caisse pour une durée totale de 137 jours entre le 5 décembre 2009 et le 12 décembre 2012 ne peuvent être partiellement imputables ni aux suites normales de l'intervention, ni à un état pathologique antérieur. Par suite, et alors que Mme B... ne se prévaut d'aucune perte de revenus, la caisse a droit au remboursement des indemnités journalières dont elle justifie le versement à hauteur de 3 282,10 euros.
5. L'expert missionné par la cour précise que Mme B... a conservé son emploi d'aide-soignante dans un centre de convalescence privé, en bénéficiant d'un aménagement de poste et en s'aidant d'antalgiques de palier 1 et de trois séances hebdomadaires de kinésithérapie, qu'elle a ressenti une pénibilité accrue, tant physique du fait d'une compensation des efforts par l'épaule gauche, que psychique en raison d'une dégradation de ses relations avec ses collègues, et qu'elle a été mutée sur un nouveau poste de travail en mai 2023. S'il conclut que cette " aggravation " apparaît davantage liée aux conditions de travail qu'aux séquelles motrices de l'intervention
du 17 novembre 2009, il retient comme imputables à celles-ci 24 séances de kinésithérapie par an jusqu'au départ à la retraite à l'âge de 64 ans, soit en 2030, et il résulte de l'instruction que ces soins sont liés aux douleurs cervicales, lesquelles rendent l'activité professionnelle plus pénible. Mme B... a d'ailleurs bénéficié de la reconnaissance de la qualité de travailleuse handicapée à partir de 2017. Dans ces circonstances, il sera fait une juste appréciation de son préjudice d'incidence professionnelle en l'évaluant à 8 000 euros.
6. Il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier Ouest Réunion est seulement fondé à demander que la somme qu'il a été condamné à verser à la caisse générale de sécurité sociale de La Réunion soit ramenée à 6 320,61 euros, et qu'il doit être condamné à verser une indemnité de 8 000 euros à Mme B....
Sur les frais exposés à l'occasion du litige :
7. La caisse générale de sécurité sociale de La Réunion, qui est une partie perdante, n'est fondée à demander ni un rehaussement de l'indemnité forfaitaire de gestion, ni l'allocation d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
8. Dans les circonstances de l'espèce, les frais de l'expertise ordonnée par la cour, liquidés et taxés à la somme de 1 215 euros par une ordonnance du président de la cour
du 21 mai 2024, doivent être mis à la charge du centre hospitalier Ouest Réunion.
9. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier Ouest Réunion une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme B... à l'occasion du présent litige.
DÉCIDE :
Article 1er : La somme que le centre hospitalier Ouest Réunion a été condamné à verser à la caisse générale de sécurité sociale de La Réunion est ramenée à 6 320,61 euros.
Article 2 : Le centre hospitalier Ouest Réunion est condamné à verser une indemnité
de 8 000 euros à Mme B....
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de La Réunion n° 1800320 du 12 avril 2021 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Les frais de l'expertise ordonnée par la cour, liquidés et taxés à la somme
de 1 215 euros par une ordonnance du président de la cour du 21 mai 2024, sont mis à la charge du centre hospitalier Ouest Réunion.
Article 5 : Le centre hospitalier Ouest Réunion versera à Mme B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier Ouest Réunion, à la caisse générale de sécurité sociale de La Réunion et à Mme C... B....
Délibéré après l'audience du 10 décembre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, présidente,
Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,
M. Antoine Rives, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2024.
La rapporteure,
Anne A...
La présidente,
Catherine GiraultLa greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de l'accès aux soins en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21BX02518