Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner le centre hospitalier de Dax à lui verser une indemnité de 12 022,51 euros en réparation des préjudices qu'elle estimait avoir subis du fait de retenues illégales sur sa rémunération.
Par un jugement n° 2000443 du 12 septembre 2022, le tribunal a prononcé un non-lieu à statuer à hauteur de la somme de 1 770,75 euros et a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 10 novembre 2022 et un mémoire enregistré
le 22 février 2024, Mme B..., représentée par la société d'avocats Heuty, Lonné, Canlorbe, demande à la cour :
1°) de réformer ce jugement ;
2°) de condamner le centre hospitalier de Dax à lui verser une indemnité
de 12 022,51 euros, ou à titre subsidiaire de dire que les sommes soumises à répétition
ne porteront que sur le traitement net effectivement perçu ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Dax une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle n'a jamais prétendu avoir effectué les heures qui lui ont été retenues, mais elle est fondée à demander l'indemnisation des heures de travail dont elle a été privée par la faute de son employeur, dès lors que le planning établi par son chef de service ne lui a pas permis d'effectuer le nombre d'heures prévu par son contrat de travail ;
- le centre hospitalier n'a pas établi de tableaux mensuels faisant apparaître un manque d'heures en missions non postées, et il n'a pas tenu compte des déclarations qu'elle a régulièrement faites à son chef de service, avec lequel elle entretenait de mauvaises relations ; un prétendu déficit d'heures non postées ne peut être découvert en 2019 sur ses activités de 2015 et 2016 ; ainsi, les découvertes et réclamations de l'hôpital avaient pour objet de la sanctionner, alors qu'elle était en opposition avec son chef de service et se trouvait sur le départ ;
- les contrats à durée déterminée antérieurs à son contrat à durée indéterminée avaient nécessairement donné lieu à un solde de tout compte, de sorte que toute créance de l'hôpital antérieure à 2018 était soldée ; le tribunal n'a pas répondu à ce moyen ;
- à titre subsidiaire, les répétitions de l'indu ne pourraient porter que sur des sommes effectivement versées en rémunération nette, et non sur le salaire brut, ce qui revient à solliciter le remboursement par l'agent de sommes qu'il n'a jamais perçues.
Par des mémoires en défense enregistré le 23 novembre 2023 et le 23 avril 2024, le centre hospitalier de Dax, représenté par la SELARL Racine Bordeaux, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de Mme B... une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- Mme B... a été recrutée le 26 février 2010 par un contrat à durée déterminée renouvelé par avenants successifs jusqu'à la conclusion d'un contrat à durée indéterminée (CDI) le 30 avril 2018 ; en l'absence d'interruption de fonctions jusqu'à sa démission le 6 mars 2019, aucun solde de tout compte n'est intervenu, et elle est restée débitrice d'obligations de service non effectuées au titre des années précédant la signature de son CDI ; ces débits constatés depuis 2015 étaient systématiquement reportés sur l'année suivante, mais Mme B... n'a jamais régularisé sa situation ;
- Mme B... a été recrutée pour un volume hebdomadaire de 48 heures selon
l'article 3 de son CDI ; conformément à l'instruction DGOS/RH4/2015/234 du 10 juillet 2015, elle a signé un contrat relatif à l'organisation du temps de travail des médecins urgentistes dans le cadre duquel elle s'est engagée à effectuer un volume horaire hebdomadaire moyen
de 45 heures en missions postées et 3 heures en missions non postées, lesquelles correspondent aux " staffs ", aux réunions médicales et de service, aux cours proposés aux internes et à l'actualisation des connaissances ; Mme B... n'a jamais justifié de la réalisation d'activités non postées, ce qu'elle ne conteste pas ; ces activités ne relèvent pas de l'organisation du service par le centre hospitalier, et il appartient au praticien hospitalier d'en justifier auprès de son employeur ; le logiciel Equitime de gestion du temps de travail médical est généralisé dans l'établissement depuis janvier 2015, Mme B... était membre du comité de pilotage constitué depuis 2013 pour le choix de l'outil et l'accompagnement de la démarche, et le service des urgences a expérimenté le logiciel du 20 octobre au 15 décembre 2013 ; Mme B... ne pouvait ignorer que chaque praticien est chargé de saisir son tableau de service, y compris pour les heures non postées, ni qu'elle était débitrice au regard de ses obligations contractuelles ; au demeurant, le récapitulatif annuel établi par la direction des affaires médicales mettait systématiquement en évidence un solde débiteur ;
- si les montants sont exprimés en brut sur le bulletin de paie de 2019 faisant apparaître les sommes réclamées, ils ont bien été prélevés en net, et aucune somme qui n'aurait pas été versée à la requérante n'a été réclamée.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de Mme Isoard, rapporteure publique,
- et les observations de Me Rouget, représentant le centre hospitalier de Dax.
Considérant ce qui suit :
1. Par lettre du 16 janvier 2019, le directeur adjoint chargé des affaires médicales
du centre hospitalier de Dax a informé Mme B..., praticienne hospitalière contractuelle
en qualité de médecin urgentiste, de ce qu'elle était débitrice de 151,30 heures de travail
au regard de ses obligations de service, ce qui serait régularisé par des retenues sur
sa rémunération. Mme B... ayant démissionné avec effet au 6 mai 2019, le même directeur adjoint lui a indiqué, par lettre du 1er avril 2019, qu'un titre de recettes d'un montant prévisionnel de 8 121,27 euros allait être émis à son encontre, dont 2 295,36 euros pour la régularisation du temps de travail de 2018 et 5 825,91 euros au titre du solde débiteur des années antérieures. Après ajustement, l'administration a émis le 14 juin 2019 un titre exécutoire de 4 196,60 euros, en précisant, par lettre du 12 juin 2019, que ce montant correspondait à 2 295,36 euros bruts au titre de l'année 2018 et 5 825,91 euros bruts au titre des années antérieures, et qu'il était minoré de 1 770,75 euros bruts correspondant à l'indemnisation due par le centre hospitalier au regard du bilan du temps de travail de l'année 2019. Par une réclamation du 24 octobre 2019,
Mme B... a sollicité la restitution des sommes d'ores et déjà prélevées et l'annulation des " poursuites engagées par le comptable public sur les montants non encore prélevés ".
En l'absence de réponse, elle a saisi le tribunal administratif de Pau d'une demande
de condamnation du centre hospitalier de Dax à lui verser une indemnité de 12 022,51 euros, compensant pour 3 901,24 euros les prélèvements sur sa rémunération et pour 8 121,27 euros la somme qu'elle estimait lui être réclamée. Par un jugement du 12 septembre 2022, le tribunal a prononcé un non-lieu à statuer à hauteur de la somme de 1 770,75 euros, et a rejeté le surplus de sa demande. Mme B... relève appel de ce jugement et demande à la cour, à titre principal de condamner le centre hospitalier de Dax à lui verser une indemnité de 12 022,51 euros, et à titre subsidiaire de fixer l'assiette des répétitions de l'indu sur les rémunérations nettes qu'elle a perçues.
Sur la régularité du jugement :
2. Mme B... a fait valoir devant les premiers juges que les contrats à durée déterminée antérieurs à son contrat à durée indéterminée avaient nécessairement donné lieu à un solde de tout compte, de sorte que toute créance de l'hôpital antérieure à 2018 était soldée. Le tribunal n'a pas répondu à ce moyen, qui n'était pas inopérant. Par suite, le jugement est irrégulier et doit être annulé.
3. Il y a lieu pour la cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande
de Mme B....
Sur les conclusions principales :
4. Aux termes de l'article R. 6152-407 du code de la santé publique : " Le service hebdomadaire des praticiens contractuels exerçant à temps plein est fixé à dix demi-journées hebdomadaires, sans que la durée de travail puisse excéder quarante-huit heures par semaine, cette durée étant calculée en moyenne sur une période de quatre mois. Lorsqu'il est effectué la nuit, il est compté pour deux demi-journées. / (...). " Aux termes de l'article R. 6152-23 du même code : " Les praticiens perçoivent, après service fait, attesté par le tableau mensuel de service réalisé, validé par le chef de pôle ou, à défaut, par le responsable du service, de l'unité fonctionnelle ou d'une autre structure interne : 1° Des émoluments mensuels variant selon l'échelon des intéressés (...). 2° Des indemnités et allocations dont la liste est fixée par décret. "
5. Un référentiel national de gestion du temps de travail médical applicable dans les structures de médecine d'urgence a été publié par une instruction DGOS/RH4/2015/234
du 10 juillet 2015 de la ministre des affaires sociales, de la santé et du droit des femmes. Il prévoit que les obligations de service des praticiens hospitaliers affectés au sein des structures de médecine d'urgence se répartissent entre le travail clinique posté consacré à la prise en charge médicale des patients, à hauteur de 39 heures hebdomadaires en moyenne par quadrimestre pour un praticien à temps plein, et les activités non postées correspondant à des missions à vocation majoritairement collective et institutionnelle. Les obligations relatives aux activités non postées, qui donnent lieu à un contrat annuel entre le praticien et le chef de service, visé par le chef de pôle et le chef d'établissement, sont réputées accomplies dès lors que le chef de service atteste, à la fin de chaque quadrimestre, que les 39 heures hebdomadaires en moyenne en travail posté et les missions définies contractuellement ont été réalisées.
6. En premier lieu, le litige porte sur des débits d'heures au titre des activités non postées, dont la réalité est démontrée par les tableaux mensuels de service de Mme B... produits par le centre hospitalier de Dax pour la période de janvier 2015 à avril 2019.
Mme B..., qui prétendait en première instance que les décomptes établis par le centre hospitalier ne pouvaient qu'être erronés ou frauduleux et qu'elle avait toujours été convaincue de respecter scrupuleusement ses engagements contractuels, soutient en appel qu'elle aurait été privée de la possibilité d'effectuer le nombre d'heures correspondant à ses obligations par la faute de son chef de service responsable de l'établissement du planning, lequel n'aurait pas tenu compte de ses déclarations. Toutefois, les pièces produites par le centre hospitalier font apparaître que les activités non postées étaient renseignées par les praticiens dans le logiciel de gestion du temps de travail médical Equitime avant d'être validées par le chef de service, comme le rappelait une note de service annuelle. Si Mme B... reproche en outre au centre hospitalier de ne pas lui avoir communiqué de tableaux mensuels faisant apparaître un manque d'heures de missions non postées, il résulte de l'instruction qu'elle ne pouvait ignorer sa situation débitrice, dès lors qu'un bilan individuel du temps de travail était effectué chaque quadrimestre et que le logiciel Equitime, qu'elle connaissait particulièrement bien pour avoir été membre du comité
de pilotage constitué pour le choix et la mise en place de cet outil, lui permettait de vérifier
elle-même à tout moment l'état et la répartition de son temps de travail. Le moyen tiré de ce que les débits d'heures auraient eu pour objet de sanctionner une mésentente avec son chef de service, alors qu'elle se trouvait sur le départ, ne peut donc qu'être également écarté.
7. En second lieu, il résulte de l'instruction que Mme B... a été employée
sans interruption en qualité de médecin urgentiste par le centre hospitalier de Dax entre
le 26 février 2010 et le 6 mai 2019, d'abord sous contrats à durée déterminée successifs, puis sous contrat à durée indéterminée à compter du 1er mai 2018. Alors que ses débits d'heures d'activités non postées à la fin de chaque année étaient reportés sur l'année suivante, elle n'est pas fondée à se prévaloir d'un solde de tout compte inexistant pour soutenir qu'elle ne serait plus redevable des heures non effectuées antérieurement à ce dernier contrat.
8. Il résulte de ce qui précède que la demande d'indemnisation présentée à titre principal par Mme B... doit être rejetée.
Sur les conclusions subsidiaires :
9. Il résulte de l'instruction que la somme de 4 196,60 euros mise à la charge
de Mme B... par le titre exécutoire du 14 juin 2019 a été prélevée sur sa rémunération du mois de juin 2019, et qu'elle a bien été calculée sur la rémunération nette. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner leur recevabilité, les conclusions subsidiaires tendant à ce que la répétition de l'indu soit assise sur des sommes perçues en net sont sans objet.
Sur les frais exposés à l'occasion du litige :
10. Mme B..., qui est la partie perdante, n'est pas fondée à demander l'allocation d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à sa charge une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le centre hospitalier de Dax à l'occasion du présent litige.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Pau n° 2000443 du 12 septembre 2022
est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme B... devant le tribunal et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.
Article 3 : Mme B... versera au centre hospitalier de Dax une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au centre hospitalier de Dax.
Délibéré après l'audience du 10 décembre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, présidente,
Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,
M. Antoine Rives, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2024.
La rapporteure,
Anne A...
La présidente,
Catherine GiraultLa greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de l'accès aux soins en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22BX02849