Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 23 juillet 2021 par lequel le préfet de la Gironde a rejeté sa demande tendant à la délivrance d'un titre de séjour.
M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 25 août 2021 par lequel le préfet de la Gironde a rejeté sa demande tendant à la délivrance d'un titre de séjour.
Par deux jugements n° 2202613 et n° 2202614 du 21 décembre 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté chacune de ces demandes.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête enregistrée le 26 juin 2024 sous le n° 24BX01604, M. D..., représenté par Me Haas, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux n° 2202613 du 21 décembre 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 25 août 2021 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 80 euros par jour de retard à l'expiration de ce délai ;
4°) de mettre à la charge de l'État et au bénéfice de Me Haas une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant dans la mesure où leurs trois enfants sont nés et scolarisés en France, où ils ont tous leurs repères.
Par un mémoire en défense enregistré le 4 octobre 2024, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 février 2024.
Par une ordonnance du 25 septembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 14 novembre 2024 à 12 heures.
II. Par une requête enregistrée le 26 juin 2024 sous le n° 24BX01608, Mme C..., représentée par Me Haas, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux n° 2202614 du 21 décembre 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 23 juillet 2021 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour et, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 80 euros par jour de retard à l'expiration de ce délai ;
4°) de mettre à la charge de l'État et au bénéfice de Me Haas une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le préfet a commis une erreur d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans la mesure où elle ne pourra bénéficier effectivement d'un traitement adapté à sa pathologie en Arménie dès lors qu'elle démontre, sans être contredite par le préfet, que les médicaments nécessaires n'y sont pas disponibles ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant dans la mesure où leurs trois enfants sont nés et scolarisés en France, où ils ont tous leurs repères.
Par un mémoire en défense enregistré le 4 octobre 2024, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 février 2024.
Par une ordonnance du 25 septembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 14 novembre 2024 à 12 heures.
Vu :
- la convention internationale des droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Valérie Réaut,
- et les observations de Me Haas, représentant Mme et M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme A..., de nationalité arménienne, respectivement nés le 22 mai 1971 et le 3 mars 1978, sont entrés en France en 2012 selon leurs déclarations. Ils ont fait l'objet de mesures d'éloignement par deux arrêtés du préfet de la Gironde du 7 août 2015 et se sont maintenus sur le territoire français malgré le rejet des recours qu'ils ont formé à l'encontre de ces arrêtés. Ils ont déposé une nouvelle demande de titre de séjour le 9 avril 2018, Mme A... se prévalant alors de la pathologie nouvellement déclarée dont elle souffre. Le préfet de la Gironde a rejeté sa demande par un arrêté du 23 juillet 2021 ainsi que celle de son époux par un arrêté du 25 août 2021. Ils relèvent appel des jugements du 21 décembre 2023 par lesquels le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté chacune de leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.
Sur la jonction :
2. Les requêtes n° 24BX01604 et n° 24BX01608 ont fait l'objet d'une instruction commune et présentent à juger des questions connexes. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur la légalité des arrêtés du 23 juillet 2021 et du 25 août 2021 :
En tant que la demande de titre séjour de Mme A... a été présentée en qualité d'étranger malade :
3. Aux termes de l'article L. 435-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an (...) / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État ".
4. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi et la possibilité d'en bénéficier effectivement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
5. Pour refuser de délivrer un titre de séjour en qualité d'étranger malade à Mme A..., le préfet de la Gironde s'est fondé sur l'avis rendu le 30 avril 2021 par le collège de médecins de l'OFII selon lequel, si l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut toutefois bénéficier effectivement d'un traitement approprié à sa pathologie dans son pays d'origine. La requérante avait informé le tribunal qu'elle souffrait notamment d'une hypothyroïdie nécessitant de suivre un traitement à vie à base d'hormone de synthèse. Devant le tribunal comme devant la cour, Mme A... ne conteste pas la disponibilité en Arménie du traitement hormonal de substitution dont elle a besoin mais fait valoir que l'organisation du système de santé dans son pays est telle qu'il est économiquement très difficile de se procurer des médicaments à raison du coût restant à la charge des malades. A l'appui de ses dires devant la cour, elle produit un résumé de la visite en Arménie d'un expert de l'ONU en octobre 2017 faisant état des inégalités d'accès aux médicaments en particulier pour soigner les maladies psychiatriques et la tuberculose, ainsi que le rapport d'un groupe de travail établi en novembre 2019 et soumis en janvier 2020 au conseil des droits de l'homme des Nations Unies dont il ressort, s'agissant du droit à la santé, que le nombre des centres de soins régionaux croît et qu'un système d'assurance maladie était en cours de mise en œuvre. Ces considérations générales ne sont pas suffisantes pour établir que Mme A... serait dans l'impossibilité d'accéder en Arménie au traitement qui lui est nécessaire. Il s'ensuit que le préfet de la Gironde n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
En tant que les demandes de titre de séjour des époux A... ont été présentées au titre des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :
6. En premier lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ". Et aux termes des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger (...) qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine (...) ".
7. Il ressort des pièces des dossiers, tout d'abord, qu'à supposer que l'entrée en France des époux A... remonte à la fin de l'année 2012, leur présence en France depuis lors est en grande partie due à leur maintien en situation irrégulière. Ensuite, ils ne justifient d'aucune réelle insertion professionnelle par les seules promesses d'embauche produites par M. A.... Les attestations versées à l'instance, émanant principalement de personnes rencontrées à l'occasion des actions de bénévolats menées par M. A... ne suffisent pas à établir l'intensité et la stabilité des liens privés et personnels du couple en France. Par ailleurs, ils ne sont pas dépourvus de tout lien en Arménie, où demeurent les autres membres de leurs familles respectives et où ils ont vécu jusqu'à 34 ans pour madame et 41 ans pour monsieur. Enfin, si certes leurs trois enfants sont nés en France en 2014, 2017 et 2019, et si deux d'entre eux avaient entamé leur scolarité à la date des arrêtés en litige, rien n'indique qu'ils ne pourront la poursuivre en Arménie. Dans ces conditions, le préfet n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit des requérants au respect de leur vie privée et familiale tel qu'il est garanti par les stipulations de l'article 8 convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni n'a méconnu les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir pour se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".
9. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la situation de Mme A... ni celle de M. A... répondent à des considérations humanitaires ou bien qu'ils justifient de motifs exceptionnels au sens et pour l'application des dispositions énoncées au point, que le préfet de la Gironde n'a dès lors pas méconnues.
10. En dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
11. Si, comme il a été dit, les trois enfants des époux A... sont nés en France, à la date des arrêtés en litige, seuls les deux ainés, âgés de six ans et demi et quatre ans et demi, avaient tout juste commencé leur scolarité, dont rien n'indique qu'ils ne pourraient la poursuivre dans le pays d'origine de leurs parents. Ainsi, le préfet n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant en refusant de délivrer un titre de séjour à leurs parents.
12. Il résulte de tout ce qui précède que les époux A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, les premiers juges ont rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du préfet de la Gironde du 23 juillet 2021 et du 25 août 2021.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
13. Dès lors que le présent arrêt rejette les conclusions des époux A... dirigées contre les arrêtés du préfet de la Gironde du 23 juillet 2021 et du 25 août 2021, les conclusions à fin d'injonction ne peuvent également qu'être rejetées.
Sur les frais de l'instance :
14. Les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761 1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, les sommes que le conseil de des époux A... demande, sous réserve de sa renonciation à la part contributive de l'État, au titre des frais de l'instance.
DECIDE :
Article 1er : Les requêtes n° 24BX01604 et n° 24BX01608 sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A..., à Mme B... épouse A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 3 décembre 2024 à laquelle siégeaient :
M. Laurent Pouget, président,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,
Mme Valérie Réaut, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 décembre 2024.
La rapporteure,
Valérie Réaut
Le président,
Laurent PougetLe greffier
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N°s 24BX01604, 24BX01608 2