Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par deux requêtes distinctes, la société à responsabilité limitée (SARL) Fam 24 Sarlat a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, d'une part, d'annuler la décision du 9 mars 2021 ayant rejeté sa demande d'aide exceptionnelle pour le mois de janvier 2021 au titre du fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation ainsi que d'enjoindre à l'Etat de lui attribuer l'aide sollicitée pour le mois de janvier, et d'autre part, de condamner l'Etat, sur le fondement de l'article R.541-1 du code de justice administrative, à lui verser une provision correspondant à l'aide exceptionnelle qui lui a été refusée pour le mois de janvier 2021 au titre du fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation.
Par un jugement n°s 2201385, 2201386 du 5 juillet 2022 procédant à la jonction des requêtes, le tribunal administratif de Bordeaux a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions tendant à l'octroi d'une provision au titre du mois de janvier 2021, a annulé la décision du 9 mars 2021 du directeur départemental des finances publiques de Dordogne et a enjoint à ce dernier de procéder au versement à la SARL Fam 24 Sarlat de l'aide sollicitée au titre du mois de janvier 2021.
Procédure devant la cour administrative d'appel :
Par un recours enregistré le 5 septembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 5 juillet 2022.
Il soutient que :
- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, l'activité exercée par la SARL Fam 24 Sarlat ne relève pas du secteur 10 " débits de boissons " listé à l'annexe 1 du décret du 30 mars 2020 car, dès lors qu'elle ne génère qu'une partie minoritaire de son chiffre d'affaires, l'activité " bar " ne constitue pas son activité principale ;
- l'activité principale de la SARL Fam 24 Sarlat étant celle de " commerce de boissons en magasin spécialisée ", qui n'a pas été concernée par l'interdiction d'accueil au public, cette société ne pouvait bénéficier de l'aide sollicitée ;
- à titre subsidiaire, le tribunal ne pouvait sans commettre d'erreur de droit se fonder sur l'article 502 du code général des impôts et sur la règlementation du code de la santé publique pour qualifier l'activité de la SARL Fam 24 Sarlat de " débit de boissons ".
La recours a été communiqué à la SARL Fam 24 Sarlat qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Par une ordonnance du 6 septembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 24 octobre 2023.
Un mémoire présenté par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a été enregistré le 24 juin 2024, postérieurement à la clôture d'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 ;
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code général des impôts ;
- le code de la santé publique ;
- le décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 ;
- le décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 ;
- l'arrêté du 25 juin 1980 portant approbation des dispositions générales du règlement de sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public ;
- le code de justice administrative.
Par un courrier du 12 décembre 2024, les parties ont été informées, sur le fondement des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de se fonder sur le moyen, relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions de première instance aux fins d'annulation dirigées contre le courriel du 9 mars 2021 de la direction générale des finances publiques de Dordogne qui est dépourvu de caractère décisoire.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Karine Butéri,
- les conclusions de M. Anthony Duplan, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société à responsabilité limitée (SARL) Fam 24 Sarlat exploite à Sarlat-la-Canéda sous l'enseigne " V and B " un établissement dont l'activité déclarée au registre du commerce et des sociétés est celle de " commerce de vins bières spiritueux et jus de fruit, vente aux particuliers associations professionnels, espace de dégustation " qui relève de l'activité principale exercée (APE) de " commerce de détail de boissons en magasin spécialisé ", identifiée par la nomenclature de l'INSEE. Dans le cadre de la crise sanitaire, elle a sollicité le bénéfice d'une aide financière au titre du fonds de solidarité institué par l'ordonnance du 25 mars 2020 portant création d'un fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation pour le mois de janvier 2021. Par une décision du 9 mars 2021, la direction générale des finances publiques a refusé de faire droit à sa demande.
2. La société Fam 24 Sarlat a alors saisi le tribunal administratif de Bordeaux d'une première requête, tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 9 mars 2021, et d'autre part, à ce qu'il soit enjoint à l'Etat de lui accorder le bénéfice de l'aide sollicitée pour le mois de janvier 2021, et d'une seconde requête, présentée sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, tendant à l'octroi d'une provision.
3. Par un jugement du 5 juillet 2022 dont le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande l'annulation, le tribunal administratif de Bordeaux, après avoir joint les deux demandes, a prononcé un non-lieu à statuer s'agissant des conclusions tendant à l'octroi d'une provision, a annulé la décision du 9 mars 2021 et a enjoint au directeur départemental des finances publiques de Dordogne de procéder au versement à la société Fam 24 Sarlat de l'aide sollicitée au titre du mois de janvier 2021.
Sur l'étendue du litige :
4. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut à l'annulation de l'intégralité du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 5 juillet 2022 sans justifier ni même soutenir qu'il aurait un intérêt à demander l'annulation de l'article 1er de ce jugement prononçant un non-lieu à statuer sur les conclusions aux fins de provision de la société Fam 24 Sarlat. Dans ces conditions, le ministre doit être regardé comme demandant seulement l'annulation de l'article 2 du jugement attaqué annulant la décision du 9 mars 2021 du directeur départemental des finances publiques de Dordogne, de son article 3 enjoignant à cette autorité de procéder au versement à la société Fam 24 Sarlat de l'aide sollicitée au titre du mois de janvier 2021 et de son article 4 mettant à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur le bien-fondé du jugement :
5. Aux termes de l'article 1er de l'ordonnance du 25 mars 2020 portant création d'un fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation : " Il est institué (...) un fonds de solidarité ayant pour objet le versement d'aides financières aux personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation du covid-19 et des mesures prises pour en limiter la propagation (...) ". L'article 3 de la même ordonnance dispose : " Un décret fixe le champ d'application du dispositif, les conditions d'éligibilité et d'attribution des aides, leur montant ainsi que les conditions de fonctionnement et de gestion du fonds (...) ".
6. Aux termes de l'article 3-19 du décret du 30 mars 2020 relatif au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation, concernant le mois de janvier 2021 : " I. - A. - Les entreprises mentionnées à l'article 1er du présent décret, n'ayant pas fait l'objet d'un arrêté pris par le préfet de département ordonnant la fermeture de l'entreprise en application du troisième alinéa de l'article 29 du décret du 29 octobre 2020 susvisé, bénéficient d'aides financières prenant la forme de subventions destinées à compenser la perte de chiffre d'affaires subie au cours du mois de janvier 2021, lorsqu'elles remplissent les conditions suivantes : / 1° Leur activité principale a fait l'objet d'une interdiction d'accueil du public sans interruption du 1er janvier 2021 au 31 janvier 2021 ; / 2° Ou elles ont subi une perte de chiffre d'affaires d'au moins 50 % durant la période comprise entre le 1er janvier 2021 et le 31 janvier 2021 et elles appartiennent à l'une des trois catégories suivantes : / a) Elles exercent leur activité principale dans un secteur mentionné à l'annexe 1 dans sa rédaction en vigueur au 10 février 2021 ; b) Ou elles exercent leur activité principale dans un secteur mentionné à l'annexe 2 dans sa rédaction en vigueur au 10 février 2021 (...) / IV. - La perte de chiffre d'affaires au sens du présent article est définie comme la différence entre, d'une part, le chiffre d'affaires au cours du mois de janvier 2021 et, d'autre part, le chiffre d'affaires de référence défini comme : / - le chiffre d'affaires réalisé durant le mois de janvier 2019, ou le chiffre d'affaires mensuel moyen de l'année 2019, si cette option est plus favorable à l'entreprise ; / (...) ". L'annexe 1 de ce décret mentionne en son point 10 le secteur des " débits de boissons ".
7. Il ressort des pièces du dossier que la société Fam 24 Sarlat exploite, sous l'enseigne " V and B ", un établissement ayant pour activités la vente de boissons à emporter (cave) et à consommer sur place (bar) ainsi que la location de matériel (tireuse de bière) pour des évènements et manifestations. Le 4 mars 2021, elle a sollicité le bénéfice d'une aide financière au titre du fonds de solidarité institué par l'ordonnance du 25 mars 2020 portant création d'un fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation, pour le mois de janvier 2021, en faisant valoir que, sur la période du 1er janvier au 31 janvier 2021, son entreprise avait fait l'objet d'une interdiction d'accueil au public sans interruption. Le 9 mars 2021, elle a reçu un courriel de la direction générale des finances publiques de la Dordogne lui demandant de " bien reformuler (sa) demande pour janvier en indiquant pour motif perte de chiffre d'affaires conformément au code activité attribué par l'INSEE, au lieu d'interdiction d'accueil du public ". Ce courriel ne présente pas un caractère décisoire et n'est, dès lors, pas susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. Par suite, ainsi que la cour en a informé les parties en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les conclusions aux fins d'annulation dirigées contre ce courriel sont irrecevables. Il s'ensuit que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a fait droit aux conclusions aux fins d'annulation dont il était saisi.
8. Pour les raisons indiquées ci-dessus, il y a lieu d'annuler l'article 2 ainsi que, par voie de conséquence, les articles 3 et 4 du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 5 juillet 2022 et de rejeter dans cette mesure la demande la société Fam 24 Sarlat présentée devant le tribunal administratif de Bordeaux.
DECIDE :
Article 1er : Les articles 2, 3 et 4 du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 5 juillet 2022 sont annulés.
Article 2 : La demande de la SARL Fam 24 Sarlat à fin d'annulation, d'injonction et tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la SARL Fam 24 Sarlat.
Délibéré après l'audience du 19 décembre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Karine Butéri, présidente,
M. Stéphane Gueguein, président-assesseur,
Mme Caroline Gaillard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 janvier 2025.
Le président-assesseur,
Stéphane Gueguein
La présidente-rapporteure,
Karine Butéri
La greffière,
Sylvie Hayet
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22BX02387