Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler la décision du 12 octobre 2021 par laquelle lui a été refusé le versement de la dernière fraction de l'indemnité de sujétion géographique.
Par un jugement n° 2200032 du 1er décembre 2022, le tribunal administratif de la Guyane a constaté le non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 12 octobre 2021.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 1er février 2023, M. A..., représenté par Me Baumont, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 1er décembre 2022 du tribunal administratif de la Guyane ;
2°) d'annuler la décision du 12 octobre 2021 par laquelle lui a été refusé le versement de la dernière fraction de l'indemnité de sujétion géographique ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'une erreur d'appréciation et d'une erreur de droit, dès lors que la troisième fraction de l'indemnité de sujétion géographique (ISG) ne lui a pas été versée ; les premiers juges ne pouvaient pas prendre acte de la disparition de l'objet du litige ;
- la décision du 12 octobre 2021 est entachée d'une erreur de droit, dès lors qu'il peut prétendre à l'intégralité de l'ISG ; l'article 7 du décret du 15 avril 2013 ne prévoit la suspension du versement de l'ISG que dans l'hypothèse d'une cessation de fonctions à la demande du fonctionnaire ; aucune disposition de ce décret ne prévoit la suspension du versement dans le cadre d'un arrêt maladie ; c'est la notion de résidence administrative qui doit être prise en compte ;
- aucune majoration pour conjoint n'est prévue pour le calcul du montant de la troisième fraction.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 mars 2023, le ministre de l'économie, des finances et la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens invoqués dans la requête sont infondés.
Par un courrier du 10 décembre 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré du non-lieu à statuer partiel sur les conclusions de M. A... dirigées à l'encontre de la décision du 12 octobre 2021 par laquelle lui a été refusé le versement de la dernière fraction de l'indemnité de sujétion géographique au prorata de la durée des services effectués avant son placement en congé de longue durée.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 2010-997 du 26 août 2010 ;
- le décret n° 2013-314 du 15 avril 2013 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Vincent Bureau,
- et les conclusions de M. Julien Dufour, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., agent de constatation principal de 1ère classe des douanes et des droits indirects, a été affecté à compter du 1er septembre 2017 à la brigade de surveillance extérieure de Cayenne. Il a été placé en congé de longue maladie à compter du 9 février 2021. Par un arrêté du 29 juillet 2022, ce congé a été requalifié en congé de longue durée. Ayant bénéficié de la première et de la deuxième fraction de l'indemnité de sujétion géographique (ISG), il a sollicité par un courrier électronique du 30 septembre 2021 le bénéfice de la dernière fraction de cette indemnité. Par un courriel du 12 octobre 2021, le versement sollicité lui a été refusé. M. A... a demandé au tribunal administratif de la Guyane l'annulation de cette décision du 12 octobre 2021. L'intéressé relève appel du jugement du 1er décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de la Guyane a constaté un non-lieu à statuer sur ses conclusions à fin d'annulation de la décision du 12 octobre 2021 suite à la production, en cours d'instance, d'un état de liquidation daté du 11 août 2022 portant sur le versement d'une somme de 3 110,81 euros au titre de la troisième fraction de l'ISG.
Sur l'étendue du litige en appel :
2. Il résulte de l'instruction que M. A... a perçu la somme de 3 110,81 euros sur son bulletin de paie de mars 2023 au titre de la troisième fraction de l'ISG. Ce montant correspond, non pas à la totalité de la dernière fraction de cette indemnité, mais au prorata de la durée de services effectivement accomplis par M. A... entre le 1er septembre 2020 et le 9 février 2021, date du début de son congé de longue durée. Dans ces circonstances, le litige a partiellement perdu son objet.
Sur le surplus des conclusions d'appel :
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
3. Il résulte de l'instruction que la troisième fraction de l'ISG n'a été versée à M. A... qu'au prorata de la durée des services effectués avant son placement en congés de longue durée. Dans la mesure où M. A... demandait le versement de l'intégralité de la troisième fraction de ladite indemnité, le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité en prononçant un non-lieu total sur la demande de M. A... tendant à l'annulation de la décision en litige.
4. Il y a lieu, dès lors, d'annuler le jugement du 1er décembre 2022 du tribunal administratif de la Guyane.
5. Il y a lieu de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur le surplus des conclusions de M. A....
En ce qui concerne la légalité de la décision du 12 octobre 2021 en ce qu'elle refuse à M. A... le versement de l'intégralité de la troisième fraction de l'ISG :
6. D'une part, aux termes de l'article 34 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État, alors applicable : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 4° A un congé de longue durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis, de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement. Le fonctionnaire conserve ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Sauf dans le cas où le fonctionnaire ne peut être placé en congé de longue maladie à plein traitement, le congé de longue durée n'est attribué qu'à l'issue de la période rémunérée à plein traitement d'un congé de longue maladie. Cette période est réputée être une période du congé de longue durée accordé pour la même affection. Tout congé attribué par la suite pour cette affection est un congé de longue durée. (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret du 26 août 2010 relatif au maintien des primes et indemnités des agents publics de l'État et des magistrats de l'ordre judiciaire dans certaines situations de congé : " I. 1° Le bénéfice des primes et indemnités versées aux fonctionnaires relevant de la loi du 11 janvier 1984 susvisé, (...) est maintenu dans les mêmes proportions que le traitement en cas de congés pris en application des 1°, 2° et 5° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée et des articles 10, 12, 14 et 15 du décret du 17 janvier 1986 susvisé ; 2° Les dispositions des régimes indemnitaires qui prévoient leur modulation en fonction des résultats et de la manière de servir de l'agent demeurent applicables ; 3° Les dispositions qui prévoient, pour certains régimes indemnitaires spécifiques rétribuant des sujétions particulières, leur suspension à compter du remplacement de l'agent dans ses fonctions demeurent applicables. (...). ". Aux termes de l'article 2 de ce décret : " Lorsqu'en application de l'article 35 du décret du 14 mars 1986 susvisé le fonctionnaire est placé en congé de longue maladie ou de longue durée à la suite d'une demande présentée au cours d'un congé antérieurement accordé dans les conditions prévues au 2° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée, les primes et indemnités qui lui ont été versées durant son congé de maladie en application de l'article 1er du présent décret lui demeurent acquises. ". Les dispositions du décret du 26 août 2010 ont pour objet d'étendre la règle du maintien du traitement prévu par l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 aux primes et indemnités versées aux agents concernés dans les mêmes conditions et pour les mêmes périodes que le traitement, en cas de congé annuel, de congé de maladie et de congé pour maternité, à l'exception notamment des indemnités liées à la manière de servir ou aux résultats obtenus ou encore aux dispositions prévoyant leur suspension dans certains régimes indemnitaires spécifiques.
7. D'autre part, aux termes de l'article 1er du décret du 15 avril 2013 portant création d'une indemnité de sujétion géographique, alors applicable : " Une indemnité de sujétion géographique est attribuée aux fonctionnaires de l'État et aux magistrats, titulaires et stagiaires affectés en Guyane, à Saint-Martin, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Saint-Barthélemy ou à Mayotte, s'ils y accomplissent une durée minimale de quatre années consécutives de services. ". Aux termes de l'article 4 de ce décret : " L'indemnité de sujétion géographique est payable en trois fractions égales : - une première lors de l'installation du fonctionnaire ou du magistrat dans son nouveau poste ; - une deuxième au début de la troisième année de service ; - une troisième au bout de quatre ans de services. / Pour ces versements, le traitement indiciaire de base à considérer est celui perçu par le fonctionnaire ou le magistrat pour le versement de la première fraction de l'indemnité de sujétion géographique. ". Aux termes de l'article 7 du même décret : L'agent mentionné à l'article 1er qui, sur sa demande, cesse ses fonctions avant une durée de quatre ans ne peut percevoir les fractions, principal et majorations, non encore échues de l'indemnité de sujétion géographique. En outre, il est retenu sur ses émoluments ultérieurs une fraction, calculée au prorata de la durée des services effectués, des sommes déjà perçues au titre de l'indemnité de sujétion géographique. Cette retenue n'est pas effectuée si la cessation des fonctions est motivée par les besoins du service ou par l'impossibilité pour l'agent, dûment reconnue par le comité médical prévu par le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 susvisé, de continuer l'exercice de ses fonctions par suite de son état de santé. Toutefois, lorsque la cessation intervient moins d'un an avant la fin de la période de quatre ans, le fonctionnaire ou le magistrat peut prétendre au versement de l'indemnité de sujétion géographique au prorata de la durée de services effectivement accomplie. (...) ".
8. L'ISG instituée par le décret du 15 avril 2013, qui est une indemnité rattachée à l'exercice des fonctions, n'est pas au nombre des exceptions prévues par le décret du 26 août 2010. Elle entre donc dans le champ d'application du régime du maintien des primes et indemnités institué par ce texte. Toutefois, l'ISG instituée par le décret du 15 avril 2013 est liée au service et non à la résidence effective de l'agent en Guyane, y compris pendant un congé de maladie.
9. En premier lieu, il résulte de l'instruction que M. A... a été placé en congé de longue durée à compter du 9 février 2021, soit moins d'un an avant la fin de la période de quatre ans prévue par l'article 1er du décret du 15 avril 2013 précité. Dans ces conditions, en versant à M. A..., non pas la totalité de la dernière fraction de l'ISG comme il le demandait, mais seulement une somme correspondant au prorata de la durée de ses services effectivement accomplis entre le 1er septembre 2020 et le 9 février 2021, sur le fondement du quatrième alinéa de l'article 7 du décret du 15 avril 2013 précité, l'administration n'a pas entaché sa décision d'une erreur de droit.
10. En second lieu, aux termes de l'article 5 du décret 15 avril 2013 : " Chacune des trois fractions de l'indemnité de sujétion géographique est majorée de 10 % pour le conjoint, le concubin ou le partenaire d'un pacte civil de solidarité et de 5 % par enfant à charge au sens de la législation sur les prestations familiales. Le paiement de ces majorations ne peut intervenir avant l'arrivée des membres de la famille y ouvrant droit et son montant s'apprécie en fonction de la composition de la famille au moment du versement. (...). ".
11. Si M. A... soutient qu'il avait droit à la majoration pour conjoint prévue par les dispositions citées au point précédent, il résulte de l'instruction qu'il était veuf depuis le 27 octobre 2020. Par suite, le requérant ne justifiant pas avoir eu un conjoint au moment du versement litigieux, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 12 octobre 2021 par laquelle lui a été refusé le versement de l'intégralité de la dernière fraction de l'indemnité de sujétion géographique.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. A... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. A... dirigées contre la décision du 12 octobre 2021 en ce qu'elle porte refus de versement de la dernière fraction de l'indemnité de sujétion géographique au prorata de la durée des services effectués par l'intéressé avant son placement en congé de longue durée.
Article 2 : Le jugement n° 2200032 du 1er décembre 2022 du tribunal administratif de la Guyane est annulé.
Article 3 : Le surplus des conclusions de M. A... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Délibéré après l'audience du 17 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente,
Mme Valérie Réaut, première conseillère,
M. Vincent Bureau, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 janvier 2025.
Le rapporteur,
Vincent Bureau
La présidente,
Marie-Pierre Beuve Dupuy
Le greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 23BX00302