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14/01/2025 | FRANCE | N°24BX01122

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 3ème chambre, 14 janvier 2025, 24BX01122


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. E... B... et Mme F... D... ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler les arrêtés du 7 mars 2023 par lesquels la préfète des Deux-Sèvres leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils sont susceptibles d'être éloignés à l'expiration de ce délai.



Par un jugement n°s 2301044-2301046 du 9 avril 202

4, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leurs demandes.



Procédure devant la cour :


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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... et Mme F... D... ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler les arrêtés du 7 mars 2023 par lesquels la préfète des Deux-Sèvres leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils sont susceptibles d'être éloignés à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n°s 2301044-2301046 du 9 avril 2024, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête n° 24BX01122, enregistrée le 7 mai 2024, Mme D..., représentée par la SCP Breillat, Dieumegard, Masson, demande à la cour :

1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 9 avril 2024 ;

3°) d'annuler les décisions du 7 mars 2023 de la préfète des Deux-Sèvres ;

4°) d'enjoindre à la préfète des Deux-Sèvres, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire d'un durée d'un an dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il n'est pas établi que les décisions attaquées aient été prises par une autorité compétente ;

En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;

- elle est entachée d'erreurs d'appréciation et a été prise en méconnaissance des dispositions des articles L. 425-9 et L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'erreurs d'appréciation et a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle a été prise en méconnaissance des stipulations des articles 2, 3 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreurs dans l'appréciation de sa situation personnelle et de celle son fils ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;

- elle a été prise en méconnaissance des stipulations des articles 2, 3 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par une ordonnance du 9 octobre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 20 novembre 2024.

II. Par une requête n° 24BX01123, enregistrée le 7 mai 2024, M. B..., représenté par la SCP Breillat, Dieumegard, Masson, demande à la cour :

1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 9 avril 2024 ;

3°) d'annuler les décisions du 7 mars 2023 de la préfète des Deux-Sèvres ;

4°) d'enjoindre à la préfète des Deux-Sèvres, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire d'un durée d'un an dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il n'est pas établi que les décisions attaquées aient été prises par une autorité compétente ;

En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;

- elle est entachée d'erreurs d'appréciation et a été prise en méconnaissance des dispositions des articles L. 425-9 et L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'erreurs d'appréciation et a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle a été prise en méconnaissance des stipulations des articles 2, 3 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreurs dans l'appréciation de sa situation personnelle et de celle son fils ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;

- elle a été prise en méconnaissance des stipulations des articles 2, 3 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par une ordonnance du 9 octobre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 20 novembre 2024.

M. B... et Mme D... ont obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions du 28 mai 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Vincent Bureau a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... et Mme D..., ressortissants géorgiens nés respectivement le 17 mars 1995 et le 17 août 1998, sont entrés en France le 16 décembre 2019 avec leur fils mineur, prénommé E..., né le 10 février 2014. Leurs demandes d'asile ont été rejetées le 20 avril 2021 par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), confirmées par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 9 août 2021. Le couple a eu un second enfant, né le 20 novembre 2020 à Niort (Deux-Sèvres). Le 18 juillet 2022, ils ont tous deux sollicité la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour en qualité de parents d'enfant malade à raison de la pathologie dont souffre leur fils aîné. Le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) s'est réuni le 25 octobre 2022 et a rendu un avis selon lequel, si l'état de santé de E... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il peut y bénéficier d'un traitement approprié et son état de santé peut lui permettre d'y voyager sans risque. Par deux arrêtés du 7 mars 2023, la préfète des Deux-Sèvres leur a refusé la délivrance de titres de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils étaient susceptibles d'être éloignés à l'expiration de ce délai. M. B... et Mme D... relèvent appel du jugement du 9 avril 2024 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.

2. Les requêtes n°s 24BX01122 et 24BX01123 concernent deux ressortissants étrangers mariés, présentent à juger des questions identiques et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :

3. Par des décisions du 28 mai 2024, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux a accordé à M. B... et Mme D... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Dès lors, les conclusions des appelants tendant à leur admission provisoire à l'aide juridictionnelle sont dépourvues d'objet. Il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

4. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

5. Il ressort des pièces du dossier que le fils aîné de M. B... et Mme D..., âgé de neuf ans à la date des décisions attaquées, est atteint d'une pathologie de type spina bifida, responsable d'un polyhandicap avec une impossibilité de déplacement moteur du fait d'une paralysie flasque des membres inférieurs, ainsi que d'une malformation rachidienne. Depuis son arrivée en France, cet enfant bénéficie, non seulement d'une prise en charge médicale pluridisciplinaire, mais aussi d'un suivi paramédical, notamment en kinésithérapie, en psychomotricité et en ergothérapie. Le jeune E..., à qui un taux d'incapacité égal ou supérieur à 80 % a été reconnu par la maison départementale des personnes handicapées le 9 septembre 2020, a également pu bénéficier d'une scolarisation adaptée avec le soutien d'un accompagnant d'élève en situation de handicap à temps plein. Il ressort des pièces du dossier que le suivi paramédical dont bénéficie E... lui permet d'acquérir une autonomie dans les gestes de la vie quotidienne et d'éviter une rétractation de ses membres inférieurs, laquelle mettrait l'enfant dans l'impossibilité d'utiliser un fauteuil roulant. Les requérants produisent des pièces selon lesquelles, d'une part, le ratio de kinésithérapeutes par habitant est particulièrement faible en Géorgie, d'autre part, de tels soins paramédicaux n'entrent pas dans le champ des soins couverts par l'assurance maladie universelle. Les requérants font en outre valoir sans être contredits sur ce point qu'il n'existe pas de dispositif d'inclusion scolaire en Géorgie. Dans ces conditions très particulières, la présence en France de M. B... et Mme D... aux côtés du jeune E... est de nature à permettre à ce dernier de poursuivre une scolarité adaptée à son handicap et de continuer à bénéficier, en particulier, du suivi paramédical essentiel à son autonomie et à son développement. Par suite, en prenant les décisions attaquées, la préfète des Deux-Sèvres a méconnu les stipulations précitées du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... et Mme D... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leurs demandes.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

7. Eu égard au motif d'annulation des décisions de refus d'autorisation provisoire de séjour contestées, M. B... et Mme D... ont droit à la délivrance de l'autorisation provisoire de séjour de six mois sollicitée. Il y a donc lieu d'enjoindre à la préfète des Deux Sèvres, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de leur délivrer ces titres de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir. En revanche, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de quelque somme que ce soit en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n°s 2301044-2301046 du 9 avril 2024 du tribunal administratif de Poitiers et les arrêtés du 7 mars 2023 de la préfète des Deux-Sèvres sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la préfète des Deux-Sèvres de délivrer à M. B... et Mme D... des autorisations provisoires de séjour d'une durée de six mois dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions des requêtes de M. B... et Mme D... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C..., à Mme F... D..., à la préfète des Deux-Sèvres et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente,

Mme Valérie Réaut, première conseillère,

M. Vincent Bureau, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 janvier 2025.

Le rapporteur,

Vincent Bureau

La présidente,

Marie-Pierre Beuve Dupuy

Le greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 24BX01122, 24BX01123


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24BX01122
Date de la décision : 14/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BEUVE-DUPUY
Rapporteur ?: M. Vincent BUREAU
Rapporteur public ?: M. DUFOUR
Avocat(s) : SCP BREILLAT DIEUMEGARD MASSON

Origine de la décision
Date de l'import : 19/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-14;24bx01122 ?
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