Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté n°0168-2020 du 10 juillet 2020 par lequel le maire de la commune de Salles a procédé au retrait de l'arrêté n°0063-2020 du 12 mars 2020 lui accordant le bénéfice de la protection fonctionnelle.
Par un jugement n° 2004179 du 24 novembre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 10 juillet 2020 par lequel le maire de la commune de Salles a procédé au retrait de l'arrêté du 12 mars 2020.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 20 janvier 2023, la commune de Salles, représentée par Me Me Parier et Me Baudiffier, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 24 novembre 2022 du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) de mettre à la charge de M. A... une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté annulé comporte une motivation suffisante ;
- les seules attestations produites par M. A... ne suffisent à établir que M. B... aurait fait un faux témoignage, ce témoignage a été écarté des débats devant le juge pénal et M. A... n'a entrepris aucune procédure judiciaire à son encontre ;
- le but de la demande de protection fonctionnelle relevait d'une volonté de régler des différends personnels ;
- l'attaque subie par M. A... renvoyait à une faute détachable du service car en lien avec sa condamnation pour des faits de harcèlement moral devant le tribunal correctionnel de Bordeaux et la Cour d'appel de Bordeaux ;
- la demande de protection fonctionnelle aurait pu être refusée sur le fondement de l'intérêt général dès lors que les sommes liées aux nombreuses demandes de protection fonctionnelle de M. A... grevaient trop significativement les deniers publics.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 28 juin et le 9 août 2024, M. C... A..., représenté par Me Rainaud, conclut au rejet de la requête et à ce que la commune de Salles soit condamnée à verser la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Clémentine Voillemot ;
- les conclusions de M. Sébastien Ellie, rapporteur public ;
- et les observations de Me Picard, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., exerçant les fonctions de responsable de l'administration générale jusqu'au 20 juillet 2020, a demandé le bénéfice de la protection fonctionnelle le 1er mars 2020 à raison d'un faux témoignage dont il estime avoir fait l'objet de la part de M. B.... Par un arrêté du 12 mars 2020, la protection fonctionnelle lui a été accordée. Par un arrêté du 10 juillet 2020, la décision lui accordant la protection fonctionnelle a été retirée. M. A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux l'annulation de l'arrêté du 10 juillet 2020. La commune de Salles relève appel du jugement du 24 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 10 juillet 2020.
2. Aux termes de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " I.-A raison de ses fonctions et indépendamment des règles fixées par le code pénal et par les lois spéciales, le fonctionnaire ou, le cas échéant, l'ancien fonctionnaire bénéficie, dans les conditions prévues au présent article, d'une protection organisée par la collectivité publique qui l'emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire. / II.- Sauf en cas de faute personnelle détachable de l'exercice de ses fonctions, la responsabilité civile du fonctionnaire ne peut être engagée par un tiers devant les juridictions judiciaires pour une faute commise dans l'exercice de ses fonctions (...) IV .-La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. / Lorsqu'elle est informée, par quelque moyen que ce soit, de l'existence d'un risque manifeste d'atteinte grave à l'intégrité physique du fonctionnaire, la collectivité publique prend, sans délai et à titre conservatoire, les mesures d'urgence de nature à faire cesser ce risque et à prévenir la réalisation ou l'aggravation des dommages directement causés par ces faits. Ces mesures sont mises en œuvre pendant la durée strictement nécessaire à la cessation du risque. / V.- La protection peut être accordée, sur leur demande, au conjoint, au concubin, au partenaire lié par un pacte civil de solidarité au fonctionnaire, à ses enfants et à ses ascendants directs pour les instances civiles ou pénales qu'ils engagent contre les auteurs d'atteintes volontaires à l'intégrité de la personne dont ils sont eux-mêmes victimes du fait des fonctions exercées par le fonctionnaire (...) ". Ces dispositions établissent à la charge de la collectivité publique et au profit des agents publics, lorsqu'ils ont été victimes d'attaques à raison de leurs fonctions, sans qu'une faute personnelle puisse leur être imputée, une obligation de protection à laquelle il ne peut être dérogé, sous le contrôle du juge, que pour des motifs d'intérêt général.
3. Aux termes de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d'un tiers que si elle est illégale et si l'abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ".
4. En premier lieu, pour retirer l'arrêté du 12 mars 2020, la commune de Salles a relevé l'absence d'éléments probants de nature à caractériser un faux témoignage. Toutefois, d'une part, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de sa demande, M. A... a fourni le procès-verbal d'audition de M. B... du 8 février 2017 dans lequel ce dernier relate avoir assisté à une réunion au cours de laquelle M. A... se serait emporté ainsi que deux attestations d'une adjointe au maire, ayant participé à cette réunion, datées des 19 juillet 2018 et 28 février 2020 desquelles il ressort que M. B... n'était en réalité pas présent à la réunion au cours de laquelle il attestait avoir assisté à un comportement répréhensible de M. A.... En outre, M. A... faisait valoir dans sa demande de protection fonctionnelle, qu'au regard des fonctions de M. B..., sa présence n'était pas justifiée à cette réunion portant sur la gestion des emplois du temps des agents du service entretien. Or, il n'est pas contesté que M. B... n'a jamais eu vocation à intervenir dans ce domaine. Dans ces circonstances, la commune de Salles disposait de suffisamment d'éléments pour accorder la protection fonctionnelle à M. A... afin qu'il porte plainte pour faux témoignage contre M. B.... Enfin, l'absence de dépôt de plainte, la connaissance par M. A... de ce témoignage dès 2019 et l'absence de prise en compte du témoignage par les juridictions sont sans incidence sur la légalité de la décision de protection fonctionnelle accordée à M. A.... Par suite, le maire de la commune de Salles ne pouvait, pour ce motif, retirer l'arrêté du 12 mars 2020 en se fondant sur l'absence d'élément probant.
5. D'une part, si la commune de Salles fait valoir dans ses écritures que le but de la demande de protection fonctionnelle demandée par M. A... relève d'une volonté de régler des différends personnels, cet élément ne ressort pas des pièces du dossier. La circonstance que l'intéressé a fait l'objet d'une condamnation pour harcèlement moral à l'encontre d'un autre agent de la commune ne suffit pas à établir que la demande de protection fonctionnelle, déposée pour porter plainte pour faux témoignage, reposerait sur une volonté de régler des différends personnels.
6. En second lieu, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
7. Il ne ressort d'aucun texte ni d'aucun principe qu'une collectivité publique pourrait limiter a priori le montant des remboursements alloués à l'agent bénéficiaire de la protection fonctionnelle. Ce montant est calculé au regard des pièces et des justificatifs produits et de l'utilité des actes ainsi tarifés dans le cadre de la procédure judiciaire. L'administration peut toutefois décider, sous le contrôle du juge, de ne rembourser à son agent qu'une partie seulement des frais engagés lorsque le montant des honoraires réglés apparaît manifestement excessif au regard, notamment, des pratiques tarifaires généralement observées dans la profession, des prestations effectivement accomplies par le conseil pour le compte de son client ou encore de l'absence de complexité particulière du dossier.
8. Il est constant que M. A... a bénéficié de plusieurs décisions lui accordant la protection fonctionnelle et qu'à ce titre, une somme de 62 500 euros hors taxe a été engagée par la commune de Salles. Si la commune peut refuser de prendre en charge le remboursement de frais jugés excessifs et prendre les mesures qu'elle estime appropriées pour défendre son agent, elle ne peut a priori refuser de limiter le montant des remboursements ni, a fortiori, refuser ou retirer une décision de protection fonctionnelle en faisant valoir que les sommes engagées dans le cadre des différentes décisions d'octroi de protection fonctionnelle grèveraient trop significativement les deniers publics. Cette circonstance, au demeurant non établie en l'espèce, ne constitue pas, comme l'ont jugé à bon droit les premiers juges, un motif d'intérêt général permettant de refuser et donc de retirer le bénéfice de la protection fonctionnelle. En tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier que les conséquences financières de l'arrêté du 12 mars 2020 accordant la protection fonctionnelle à M. A... pour déposer plainte contre M. B... pour faux témoignage, seraient excessives, injustifiées ou disproportionnées, notamment au regard des modalités de la prise en charge des frais détaillées et limitées à l'article 2 de cet arrêté.
9. Il résulte de ce qui précède que la commune de Salles n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 10 juillet 2020 par lequel le maire de la commune de Salles a procédé au retrait de l'arrêté du 12 mars 2020.
Sur les frais liés à l'instance :
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de la commune de Salles, partie perdante dans la présente instance, une somme de 500 euros à verser à M. A....
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font en revanche obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par la commune de Salles au titre de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Salles est rejetée.
Article 2 : La commune de Salles versera à M. A... la somme de 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Salles et à M. C... A....
Délibéré après l'audience du 14 janvier 2025 à laquelle siégeaient :
Mme Fabienne Zuccarello, présidente,
M. Nicolas Normand, président-assesseur,
Mme Clémentine Voillemot, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 février 2025.
La rapporteure,
Clémentine Voillemot
La présidente,
Fabienne Zuccarello
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 23BX00192 2