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04/02/2025 | FRANCE | N°23BX00202

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 5ème chambre, 04 février 2025, 23BX00202


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision notifiée le 20 juillet 2020 par laquelle le maire de la commune de Salles l'a affecté sur un poste de chargé de projet ainsi que les arrêtés n°0169-2020 et 0170-2020 des 16 et 17 juillet 2020 portant attribution de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise et mettant fin à l'octroi de la nouvelle bonification indiciaire.

Par un jugement n° 2004185 du 24 novembre 202

2, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision par laquelle le maire de la co...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision notifiée le 20 juillet 2020 par laquelle le maire de la commune de Salles l'a affecté sur un poste de chargé de projet ainsi que les arrêtés n°0169-2020 et 0170-2020 des 16 et 17 juillet 2020 portant attribution de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise et mettant fin à l'octroi de la nouvelle bonification indiciaire.

Par un jugement n° 2004185 du 24 novembre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision par laquelle le maire de la commune de Salles a affecté M. A... en qualité de chef de projet, notifiée à l'intéressé le 20 juillet 2020 et les arrêtés des 16 et 17 juillet 2020.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 janvier 2023, la commune de Salles, représentée par Me Me Parier et Me Baudiffier, demande à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler le jugement n°2004185 du 24 novembre 2022 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) à titre subsidiaire, de moduler les effets de l'annulation des décisions, en jugeant que cette annulation ne contraint la commune qu'à reprendre une nouvelle décision, dans le respect des formes requises ;

3°) de mettre à la charge de M. A... une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision de changement d'affectation a été prise dans l'intérêt du service et n'est pas liée à la personne de M. A... ;

- elle a été prise sans volonté d'abaisser son niveau de responsabilité et sans qu'aucun reproche ne soit formulé à son encontre ;

- M. A..., en qualité de responsable de l'administration générale, avait accès à son dossier administratif et la garantie procédurale de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 n'était pas applicable au cas d'espèce ;

- aucun autre moyen développé en premier instance n'étant fondé, une modulation des effets de l'annulation permettant de reprendre une décision devra être prononcée.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 28 juin et le 9 août 2024, M. C... A..., représenté par Me Rainaud, conclut au rejet de la requête et à ce que la commune de Salles soit condamnée à lui verser la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi du 22 avril 1905 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Clémentine Voillemot ;

- les conclusions de M. Sébastien Ellie, rapporteur public ;

- et les observations de Me Picard, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., exerçant les fonctions de responsable de l'administration générale, a été affecté le 20 juillet 2020 sur un poste de chargé de projet. Par deux arrêtés des 16 et 17 juillet 2020, le maire de la commune de Salles a modifié son régime indemnitaire à compter du 20 juillet 2020, en lui attribuant une indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise et en lui retirant le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire. M. A... a demandé l'annulation de la décision du 20 juillet 2020 de changement d'affectation ainsi que des deux arrêtés modifiant son régime indemnitaire. La commune de Salles relève appel du jugement du 24 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision par laquelle le maire de la commune de Salles a affecté M. A... en qualité de chargé de projet, notifiée à l'intéressé le 20 juillet 2020 et les arrêtés des 16 et 17 juillet 2020.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 portant fixation du budget des dépenses et des recettes de l'exercice 1905 : " Tous les fonctionnaires civils et militaires, tous les employés et ouvriers de toutes administrations publiques ont droit à la communication personnelle et confidentielle de toutes les notes, feuilles signalétiques et tous les autres documents composant leur dossier, soit avant d'être l'objet d'une mesure disciplinaire ou d'un déplacement d'office, soit avant d'être retardé dans leur avancement à l'ancienneté ".

3. En vertu de l'article 65 de la loi précitée, un agent public faisant l'objet d'une mesure prise en considération de sa personne, qu'elle soit ou non justifiée par l'intérêt du service, doit être mis à même de demander la communication de son dossier, en étant averti en temps utile de l'intention de l'autorité administrative de prendre la mesure en cause. Dans le cas où l'agent public fait l'objet d'un déplacement d'office, il doit être regardé comme ayant été mis à même de solliciter la communication de son dossier s'il a été préalablement informé de l'intention de l'administration de le muter dans l'intérêt du service, quand bien même le lieu de sa nouvelle affectation ne lui aurait pas alors été indiqué.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., maire de la commune de Salles ayant pris les décisions contestées, a, dans le cadre de sa campagne pour les élections municipales ayant précédé son élection en 2020, porté comme engagement de " recruter un responsable des services " et de " recruter un véritable directeur général des service ", fonctions alors occupées par M. A.... Il ressort également des pièces du dossier que, depuis plusieurs années, M. B... a tenu des propos sur M. A... remettant en cause sa compétence au poste qu'il occupait, mentionnant que la nomination de M. A... sur les fonctions de responsable de l'administration générale était liée à la relation personnelle qu'il entretenait avec l'ancien maire et le qualifiait, notamment, de " paranoïaque " et de " dictateur ". En outre, le changement d'affectation de M. A..., de responsable de l'administration générale à chef de projet pour l'élaboration du plan communal de sauvegarde, modifie notablement ses conditions de travail en prévoyant des modalités de travail essentiellement à distance, en télétravail, avec changement de son régime indemnitaire, dont la suppression de la nouvelle bonification indiciaire, et entraîne une baisse substantielle de sa rémunération et des responsabilités qui étaient les siennes. Dans ces circonstances, alors même qu'elle serait justifiée par l'intérêt du service, la décision de changement d'affectation constitue une mesure prise en considération de sa personne. Or, il est constant que M. A... n'a pas été préalablement informé de l'intention de l'administration de le muter dans l'intérêt du service. Alors même qu'il aurait pu avoir accès à son dossier administratif en raison des fonctions qu'il occupait précédemment, il ne peut être regardé comme ayant été mis à même de solliciter la communication de son dossier.

5. Il résulte de ce qui précède que la commune de Salles n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 24 novembre 2022 le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision notifiée à M. A... le 20 juillet 2020 ainsi que les arrêtés des 16 et 17 juillet 2020.

Sur les conclusions tendant à la modulation des effets dans le temps de l'annulation :

6. L'annulation d'un acte administratif implique en principe que cet acte est réputé n'être jamais intervenu. Toutefois, s'il apparaît que cet effet rétroactif de l'annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu'il était en vigueur, que de l'intérêt général pouvant s'attacher à un maintien temporaire de ses effets, il appartient au juge administratif - après avoir recueilli sur ce point les observations des parties et examiné l'ensemble des moyens, d'ordre public ou invoqués devant lui, pouvant affecter la légalité de l'acte en cause - de prendre en considération, d'une part, les conséquences de la rétroactivité de l'annulation pour les divers intérêts publics ou privés en présence et, d'autre part, les inconvénients que présenterait, au regard du principe de légalité et du droit des justiciables à un recours effectif, une limitation dans le temps des effets de l'annulation. Il lui revient d'apprécier, en rapprochant ces éléments, s'ils peuvent justifier qu'il soit dérogé au principe de l'effet rétroactif des annulations contentieuses et, dans l'affirmative, de prévoir dans sa décision d'annulation que, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de celle-ci contre les actes pris sur le fondement de l'acte en cause, tout ou partie des effets de cet acte antérieurs à son annulation devront être regardés comme définitifs ou même, le cas échéant, que l'annulation ne prendra effet qu'à une date ultérieure qu'il aura déterminée.

7. Si la commune de Salles demande à la cour de moduler dans le temps les effets de l'annulation de la décision par laquelle le maire de la commune de Salles a affecté M. A... en qualité de chef de projet, et des arrêtés des 16 et 17 juillet 2020, elle n'apporte au soutien de cette demande aucun élément de nature à justifier, en l'espèce, qu'il soit dérogé au principe de l'effet rétroactif de l'annulation contentieuse. Par suite, il n'y pas lieu de faire droit à sa demande de différer dans le temps les effets de cette annulation.

Sur les frais liés à l'instance :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de la commune de Salles, partie perdante dans la présente instance, une somme de 500 euros à verser à M. A....

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font en revanche obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par la commune de Salles au titre de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Salles est rejetée.

Article 2 : La commune de Salles versera à M. A... la somme de 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Salles et à M. C... A....

Délibéré après l'audience du 14 janvier 2025 à laquelle siégeaient :

Mme Fabienne Zuccarello, présidente,

M. Nicolas Normand, président-assesseur,

Mme Clémentine Voillemot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 février 2025.

La rapporteure,

Clémentine Voillemot

La présidente,

Fabienne Zuccarello

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 23BX00202 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX00202
Date de la décision : 04/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme ZUCCARELLO
Rapporteur ?: Mme Clémentine VOILLEMOT
Rapporteur public ?: M. ELLIE
Avocat(s) : BAUDIFFIER

Origine de la décision
Date de l'import : 09/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-04;23bx00202 ?
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