Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté n°0182-2020 du 29 septembre 2020 par lequel le maire de la commune de Salles a procédé au retrait de l'arrêté n°0068-2020 du 25 juin 2020 lui accordant le bénéfice de la protection fonctionnelle.
Par un jugement n° 2005631 du 24 novembre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 25 janvier 2023, M. A..., représenté par Me Rainaud, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 24 novembre 2022 du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) de mettre à la charge de la commune de Salles une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'auteur de l'arrêté contesté n'était pas compétent en raison de sa partialité ;
- au regard des propos outrageants dont il était victime et qui le visaient personnellement, la décision lui accordant la protection fonctionnelle était légale et ne pouvait être retirée ;
- l'arrêté contesté est entaché de détournement de pouvoir.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Clémentine Voillemot ;
- les conclusions de M. Sébastien Ellie, rapporteur public ;
- et les observations de Me Picard, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., exerçant les fonctions de responsable de l'administration générale jusqu'au 20 juillet 2020, a demandé le bénéfice de la protection fonctionnelle le 12 mars 2020 après avoir déposé plainte pour harcèlement moral contre la liste minoritaire, " Unis pour Salles ", et contre M. B... C... suite aux propos tenus par ce dernier et à la parution, depuis 2015 de nombreux articles le mettant en cause personnellement sur les divers sites internet et blogs. Par un arrêté du 25 juin 2020, la protection fonctionnelle lui a été accordée. Par un arrêté du 29 septembre 2020, la décision lui accordant la protection fonctionnelle a été retirée. M. A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux l'annulation de cet arrêté. Il relève appel du jugement du 24 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
2. Lorsqu'un agent public est mis en cause par un tiers à raison de ses fonctions, il incombe à la collectivité publique dont il dépend de le couvrir des condamnations civiles prononcées contre lui, dans la mesure où une faute personnelle détachable du service ne lui est pas imputable, de lui accorder sa protection dans le cas où il fait l'objet de poursuites pénales, sauf s'il a commis une faute personnelle, et, à moins qu'un motif d'intérêt général ne s'y oppose, de le protéger contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont il est l'objet.
3. Si la protection résultant du principe rappelé au point précédent n'est pas applicable aux différends susceptibles de survenir, dans le cadre du service, entre un agent public et l'un de ses supérieurs hiérarchiques, il en va différemment lorsque les actes du supérieur hiérarchique sont, par leur nature ou leur gravité, insusceptibles de se rattacher à l'exercice normal du pouvoir hiérarchique.
4. Il résulte du principe d'impartialité que le supérieur hiérarchique mis en cause à raison de tels actes ne peut régulièrement, quand bien même il serait en principe l'autorité compétente pour prendre une telle décision, statuer sur la demande de protection fonctionnelle présentée pour ce motif par son subordonné.
5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a été régulièrement l'objet de critiques, pendant plusieurs années, notamment de la part du maire de la commune de Salles, nouvellement élu à la date de l'arrêté contesté, qui tenait un blog satirique le mettant en cause sous les traits du " Carnibal Savon ". Il y est indiqué que M. A... fait partie de la " loge des copains qui obtiennent des fonctions à la mairie " qui occupe de " hautes et nobles fonctions à la mairie ", " sans conteste et sans concours ". En mars 2018 il prête les propos suivants au Carnibal Savon : " j'chuis l'plus beau, j'fais c'que j'veux. On n'm résiste point. Ch'soumets la femelle, j'asservis l'homme et ch'contrains MON personnel " puis écrit " Choisir un Cardinal E... 99% paranoïaque se badigeonnant le nombril avec des poils du pinceau de l'indifférence, un gros Savon 100% dictateur qui s'en tamponne le coquillard de tous sauf de son Moi ". L'intensité de la critique, qui a duré plusieurs années et son caractère personnel démontrent une situation particulièrement conflictuelle entre M. A... et M. C..., dépassant le cadre d'une campagne politique.
6. Dans les circonstances de l'espèce, et alors que la demande de protection fonctionnelle de M. A... visait précisément à se défendre des propos tenus par M. C... avant qu'il ne devienne maire de la commune de Salles en 2020, le signataire de l'arrêté attaqué, M. C..., ne pouvait légalement, sans manquer d'impartialité, procéder au retrait de l'arrêté du 25 juin 2020 accordant la protection fonctionnelle à M. A....
7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Sur les frais liés à l'instance :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de la commune de Salles, partie perdante dans la présente instance, une somme de 500 euros à verser à M. A....
DÉCIDE :
Article 1er : L'arrêté n°0182-2020 du 29 septembre 2020 par lequel le maire de la commune de Salles a procédé au retrait de l'arrêté n°0068-2020 du 25 juin 2020 lui accordant le bénéfice de la protection fonctionnelle est annulé.
Article 2 : Le jugement n°2005631 du 24 novembre 2022 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.
Article 3 : La commune de Salles versera à M. A... la somme de 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et à la commune de Salles.
Délibéré après l'audience du 14 janvier 2025 à laquelle siégeaient :
Mme Fabienne Zuccarello, présidente,
M. Nicolas Normand, président-assesseur,
Mme Clémentine Voillemot, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 février 2025.
La rapporteure,
Clémentine Voillemot
La présidente,
Fabienne Zuccarello
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 23BX00246 2